Fyctia
Chapitre 5.3
Luther suivit Calhoum en direction du campement des esclaves, qui n’était qu’un méli-mélo d’abris de fortune. Les toiles trouées étaient étendues sur des morceaux de bois de manière hasardeuse, offrant une prise au vent qui les faisaient voler dans tous les sens. L’ensemble n’offrait qu’une protection mineure face aux intempéries. Les esclaves se pressaient les uns contre les autres pour se protéger du vent glacé. Quelques cris d’enfants apeurés les accueillis, qui furent vite emportés par les bourrasques.
Un feu avait été allumé par les chevaliers, et les flammes dansaient dans les yeux des esclaves. Certains, téméraires, levèrent la tête et regardèrent Luther d’un air de défi.
Au centre, Aenid était attachée, les mains en avant. Le haut de sa tunique était arraché, révélant son dos qui prenait une teinte dorée à la lumière du feu. Ses cheveux étaient retenus sur le côté. Elle tremblait de peur et de froid, le regard fixé sur le fouet que tenait l’homme debout à côté d’elle.
— La vache, cette garce est belle… murmura Tiago.
Un rictus mauvais déformait ses traits. Luther fit mine de ne pas l’avoir entendu.
Calhoum se dirigea vers le soldat et tendit le bras. A contre cœur, l’homme lui céda le fouet et partit s’assoir quelques mètres plus loin. Luther le reconnut : c’était le soldat qu’il avait empoigné quelques minutes plus tôt. Il était aux premières loges pour assister au châtiment de la fille et il détaillait son corps avec avidité. Luther lui adressa un regard chargé de dégout, puis il s’avança pour s’adresser aux hommes :
— Vous êtes la propriété de Sa Majesté, et vous lui devrez obéissance jusqu’à votre mort. Dites adieu à votre liberté passée ! Acceptez votre sort, ou bien vous souffrirez un châtiment similaire !
Il fit signe à Calhoum. Ce dernier se plaça derrière Aenid. Les premiers coups zébrèrent le dos de marques rougeâtres, et des gouttes de sang perlèrent sur les bords des blessures. Elle hurla de douleur, son corps se tordit vers l’arrière à chaque assaut de manière absurde. Calhoum portait ses coups de manière mesurée, en prenant soin d’éviter les zones les plus douloureuses sous les reins ou entre les côtes. Malgré tout, elle était au supplice. Tiago ne perdait pas une miette du spectacle. Ses yeux brillaient d’un éclat cruel.
Au bout d’un temps qui parut interminable à Luther, les coups cessèrent. Les hommes retenaient leur respiration, les yeux baissés. Ils prenaient conscience de leur impuissance et de leur infortune. Aenid semblait sur le point de perdre connaissance. Elle s’affala par terre, le corps secoué par de faibles sanglots. La peau de son dos était enflée, du sang maculait sa peau dorée. Un cri d’enfant retentit et le jeune garçon aux cheveux roux s’élança vers elle. Les soldats l’interceptèrent et il se débattit comme un beau diable.
—Laissez-le.
A son ordre, les soldats relâchèrent l’enfant. Les sanglots d’Aenid avaient cessé. Elle reconnut son frère et lui parla d’une voie douce et rassurante. L’enfant enfouit sa tête dans le creux de son cou.
A contrecœur, Luther détourna le regard de la scène et s’adressa à Tiago.
— Il est temps de rentrer. Nous partirons demain matin aux premières lueurs de l’aube.
— Bien, bien, grommela Tiago. Il se leva tout en le gratifiant d’un regard chargé de dédain non dissimulé. Mais ne crois pas t’en tirer à si bon compte, Luther. Je n’oublierai pas ton insolence et je saurai la rétribuer comme il se doit.
Avec un sourire carnassier, il s’éloigna.
Luther, que les paroles de son frère avaient laissé de marbre, jeta un dernier regard en direction d’Aenid. Callhoum lui avait détaché les mains que son frère serrait avec désespoir, les yeux brillants. La plupart des hommes s’étaient dispersés, et Luther s’apprêtait à les imiter, lorsqu’il sentit quelque chose tirer le bas de sa cape. Il baissa les yeux, irrité.
Une vieille femme au corps sec et vêtue de haillons s’inclina devant lui avec déférence. Elle leva vers lui un visage aux rides profondes, et son regard perçant se fixa sur le sien. Elle tenait à la main un pot en terre cuite qui contenait une mixture verdâtre. L’odeur qui s’en dégageait était si forte qu’elle le prit à la gorge.
— Qu’est-ce que c’est ? gronda-t-il avec méfiance.
— C’est un onguent Siddi, dit la vieille. Il empêcherrra les plaies de s’infecter, et soulagerrra la douleurrr…
Elle parlait avec un fort accent qui lui faisait rouler les « r ». Comme il ne répondait pas, elle courba le dos davantage et demanda d’un ton suppliant.
— Ayez pitié…
Luther acquiesça.
— Fais-le. Je veux qu’elle soit en état de marcher demain matin.
La vieille femme se mit aussitôt à l’ouvrage, et étala la préparation en couches épaisses sur le dos d’Aenid. Elle lui prodigua des paroles de réconfort et tous les trois se serrèrent dans les bras l’un de l’autre. Luther soupira. Cette fille était coriace. Elle survivrait. A cette maigre consolation, qui ne suffit pas à effacer l’immense tristesse qui avait empoigné son cœur. Il quitta le campement, en compagnie de ses hommes.
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