Fyctia
Chapitre 5.1
Le doute mène à l’interrogation. L’interrogation mène au savoir. Le savoir mène à la lumière. La lumière mène à Dieu. Et Dieu te conduira à l’Ascension.
Extrait des Saintes Ecritures, Livre Premier.
Luther et Calhoum marchèrent en silence. Bien que sa tente ait été érigée à la hâte, Arthus avait pris la peine d’enfoncer les pieux profondément dans le sable, si bien que la brise glacée qui se levait peu à peu faisait à peine trembler le lourd tissu.
Le soleil approchait l’horizon et l’atmosphère redevenait respirable. La présence de Calhoun à ses côtés était apaisante. Il s’arrêta devant l’entrée.
—Attends-moi là, dit Luther.
Il pénétra seul dans la tente. La luminosité baissait. Une bougie brillait près du lit. Aenid était prostrée dans un coin, à genoux. Ses yeux étaient bandés par un chiffon sale et ses mains étaient attachées dans le dos. Elle sursauta à son arrivée.
Luther s’adressa au garde qui était assis à proximité de la fille.
—Je me charge d’elle à partir de maintenant.
L’homme esquissa un semblant de révérence avant de partir. Il faisait partie de la garde de son frère. Il pesta intérieurement. Son frère manquait cruellement de distraction. Luther pouvait le sentir trépigner d’impatience chaque jour davantage. Les soirées qu’il organisait de temps à autre dans ses quartiers suffisaient à peine à le contenter. Il jeta un œil à la fille devant lui, essayant d’imaginer les sévices que son frère pourrait décider de lui infliger si l’occasion se présentait à lui. Il eut un rictus de dégout. Il fallait faire vite.
Il s’agenouilla et arracha son bandeau. Elle écarquilla les yeux de surprise.
— Vous ! Mais qui êtes-vous ?
— Je suis le seigneur Luther de Lorient, commandant des chevaliers royaux.
Un long silence suivi sa réponse. Aenid ne le quittait pas du regard. Il n’y avait pas la moindre trace de peur dans ses yeux. Dans un instant, elle sera brisée, pensa-t-il. Le beau regard sera bientôt rempli de chagrin et de douleur.
—Vous êtes un prince Royal.
Surpris, il éclata de rire.
— Non, tu fais erreur. Je ne suis qu’un seigneur de guerre.
Il la regarda avec curiosité. Peu de Nassin maitrisaient la langue commune, et bien peu s’intéressaient à la politique du continent. Aenid s’exprimait cependant avec un naturel déconcertant. Il était intrigué, et voulut l’interroger à ce propos. Puis il se souvint de la raison de sa présence et se ravisa.
— Sais-tu pourquoi tu es ici ?
Elle eut une moue dédaigneuse et répliqua :
— Pour avoir osé me rafraichir après plusieurs jours de marches dans le désert, avec seulement quelques gouttes d’eau croupie par jour pour survivre. Savez-vous, seigneur Lorient, que vos chevaux sont mieux traités que nous ?
— Les chevaux ont plus de valeur aux yeux de Sa Majesté. Quant à toi, tu n’as aucun droit ici, sans ma permission.
La lumière de la bougie éclairait le dos de Luther, et Aenid avait du mal à déchiffrer l’expression sévère de son visage. Il poursuivit.
— Tu seras fouettée devant les autres.
— Fouettée ? hoqueta-t-elle. Pour avoir versé de l’eau sur mon visage, je dois être fouettée ?
—L’usage est de punir l’esclave fugitif de trente coups de fouets, confirma Luther d’un ton sinistre. Mais je pense que tu ne cherchais pas à fuir, je réduis donc ta peine de moitié.
Les larmes embuèrent ses grands yeux. Pour la première fois, il se demanda quel âge elle pouvait avoir. Une vingtaine d’année, tout au plus. Elle semblait bouleversée. Un sentiment de compassion lui étreignit le cœur, mais il l’ignora.
— Debout.
Il sortit, la trainant derrière lui.
—Quinze coups de fouets, tel sera son châtiment, dit-il à l’attention de Calhoum.
Calhoum saisit le bras d’Aenid, qui grimaça. Luther attira Calhoum et lui murmura à l’oreille.
— Retiens tes coups. Je ne veux pas trop l’abîmer avant notre arrivée.
Calhoum lui jeta un regard entendu et s’éloigna.
Luther savait qu’il devait assister à la sentence, mais il n’en avait pas la moindre envie. Chaque coup arracherait un peu de sa beauté, son regard si grave perdrait de son intensité. Et par dessus tout, elle allait le haïr de lui avoir infligé cela, sans réaliser qu'il lui avait épargné une peine bien plus lourde. Tout cela l'atteignait plus qu'il ne l'aurait pensé. Une partie de lui, encore peu connue de lui même, aurait voulu la mettre à l'abri de tout cela, la protéger des affres de ce monde. C'était insensé, elle n'était rien pour lui, et il ne pouvait se permettre de la laisser courir impunie. Il avait déjà été bien trop bienveillant la première fois. Il était désormais temps de réparer son erreur.
Soudain, il sentit une main lui attraper l’épaule. Il fit volteface. Son frère Tiago le regardait avec un sourire amusé.
— J’ai entendu dire que tu allais punir une esclave.
40 commentaires
CirceTheWitch
-
Il y a un an
Le Mas de Gaïa
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
cedemro
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
eleni
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
LuizEsc
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
LoetiDerwn
-
Il y a un an