Mary Lev La fille du désert Chapitre 1.1

Chapitre 1.1


Et en ce jour maudit, assombri de mort,

J’ai vu la Gloire se refléter, étincelante,

Sur son visage.


Extrait des mémoires d’Aenid, livre Premier


Luther descendit de son cheval et essuya son épée tachée de sang sur le cadavre étendu à ses pieds.

La bataille était gagnée.

Autour de lui, tout n’était que désolation et chaos. Les cris et gémissements des blessés se mêlaient aux manifestations de joies et aux chants des soldats victorieux déjà ivres. Une odeur de sang et de fer lui emplissait les narines. Les soigneurs avaient allumé des feux un peu partout pour brûler les cadavres et les plaies de ceux qui pouvaient encore être sauvés. Bientôt, une atroce senteur de chair brûlée s'éleva.

Il s’éloigna.


Tandis qu’il marchait d’un bon pas, il regarda le carnage autour de lui d’un air impassible. Le campement, ou ce qu’il en restait, était réduit en cendres. Mais il était habitué à tout cela. Il ne faiblit pas en voyant les constructions de bric et de broc brulées et pillées. Il ne réagit pas en enjambant le cadavre d’un vieillard éborgné. Il ne s’attendrit pas lorsque ses hommes rassemblèrent les survivants dans une grange poussiéreuse. On leur annonça sans plus tarder ce qui les attendait : une vie de servitude. Les pleurs et lamentations alourdirent l’air déjà poisseux. Il s’éloigna de nouveau, agacé.


Il se pressa. Il n’avait que quelques heures pour tout mettre en ordre. Le soleil plongeait déjà dans le ciel rouge traversé de nuages fins comme des flèches de coton. Les montagnes au loin ondoyaient d’orange et de brume. Il plissa les yeux. Au-delà, se trouvait leur foyer, Amundir. Bientôt, il faudrait reprendre la route, traverser les montagnes et la forêt sombre avant de rejoindre la cité royale. Une impatience mêlée d’angoisse le saisit. Sa Majesté le Reine Volande lui avait laissé entendre qu’à son retour, son vœu le plus cher serait exaucé. Or, il ne désirait rien de plus que de retourner vivre chez son oncle, dans la ville de Loth, dans les montagnes. Luther n’avait que mépris pour les jeux de pouvoir de la cour et ses viles manipulations politiques. Un mépris que lui rendait bien la noblesse d’Amundir.


Il jeta un œil aux pauvres corps entassés dans la grange insalubre. C’était le seul bâtiment encore debout à des kilomètres à la ronde. Luther savait que les clans des plaines, composés pour l'essentiel d'éleveurs nomades, construisaient ce genre d'abri pour leur bêtes. Partout autour s’étalait la plaine aride et jaune. Rien ne poussait ici, hormis d'épais buissons secs et des herbes aussi rêches que le tissu de sa chemise rapiécée. L’eau était aussi précieuse que l’or dans ses contrées sauvages. On racontait que dans le désert Rouge, plus au Sud, elle était vénérée. Mais il n'avait eu l'occasion de vérifier cette croyance. Le désert était pour lui un lieu inconnu, chargé de mystères et de dangers.


La nuit tombait presque, et avec elle le vent venu du Nord se leva. Le froid mordant commençait à s’insinuer dans les tissus légers des prisonniers. Luther promena son regard sur leurs membres grêles, leurs visages apeurés, leurs yeux creusés de terreur et d’incompréhension. Il espéra que tout cela conviendrait à la Reine. Si Sa Majesté jugeait la cargaison indigne et sans valeur, il faudrait encore recommencer. A cette idée, une profonde lassitude causée par les mois de voyage s’empara de son corps fourbu.


Il se dirigea vers le campement des officiers et marqua un arrêt pour évaluer leurs réserves. Avec un soupir, il constata que les caisses de victuailles étaient toutes à moitié vides. Cependant, leurs pertes avaient été lourdes. L’ennemi était coriace et ils avaient vaincu de justesse.

Grâce à cette bande de sauvages, nous aurons peut-être de quoi passer les montagnes, pensa-t-il.


Lorsqu’il vit les amphores d’eau, il fronça les sourcils. Il fallait en trouver quelque part, et vite. Sans eau, ils n’iraient pas loin. Il se dirigea alors d’un pas décidé vers la tente imposante, drapée de rouge, qui abritait le Prince héritier, et s’adressa au garde à l’entrée :


— Je dois parler à Son Excellence. Laisse-moi passer.



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44

44 commentaires

CirceTheWitch

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Il y a un an

J'aime beaucoup la qualité de tes descriptions, on visualise la scène très bien... Mais c'est très théorique ce qu'il se passe, je ne m'attache pas au personnage, enfin il manque un peu de lui ... je ne sais pas si je suis claire ^^

Mary Lev

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Il y a un an

Ah mince … au début c’est vrai qu’il est un peu antipathique mais ça s’arrange après normalement

Le Mas de Gaïa

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Il y a un an

La transition entre la scène des enfants sur la plage au champ de bataille donne un coup de fouet, j'aime beaucoup. Juste tu parles d'annoncer la vie de servitude, si la guerre dure depuis un moment comme tu le laisses entendre, les perdants devraient déjà savoir à quoi s'attendre non ? Peut-être peuvent-ils être préparés pour leur futur vie de servitudes ou contempler la vie de servitude qui les attends, ou un truc du genre. Le "on leur annonça" m'a gratouillé... Sinon encore des descriptions très immersives et crédibles où tu distilles adroitement quelques infos sur ton univers et ton perso qui donnent envie d'en savoir plus.

Mary Lev

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Il y a un an

Réflexion très pertinente en effet ! Merci bcp ! Je m’attelle à te lire ce soir :)

cedemro

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Il y a un an

Cette scène est vraiment à l'opposé de celle présentée dans le prologue ! Tout dans ce chapitre reflète la violence et la douleur. Même Luther semble souffrir d'un mal intérieur qui ne tardera pas à grandir je crois. En seulement quelques lignes, tu nous montres la dure réalité de la guerre...

Mary Lev

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Il y a un an

Oui j’ai voulu dépeindre un mon assez dur .. merci pour ta lecture :)

mariecolley

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Il y a un an

Ta description est étrange. Tu parles tantôt d un campement détruit donc on s imagine dans un camp de soldat vaincu, puis tu parles d habitation, de vieillards et civils. C est un peu brouillon. Ensuite non, on ne picole pas là où les cadavres brûlent, c est au moins séparé d une distance raisonnable, l odeur de la mort imprégne fortement les vêtements et les cheveux, elle est saisissante et âcre, tu ne portes pas une chope àtes lèvresmais un minge pour proteger ton nez. Et pourquoi établir son campement sur un campement détruit ? Cela semble chaotique.

Mary Lev

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Il y a un an

Les soldats ont attaqué un campement et ils utilisent les facilités du campement des nassin en fait. Ce n’était pas vraiment une bataille à forces égales.

MIMYGEIGNARDE

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Il y a un an

Très beau chapitre ! Ton écriture est précise et fluide, c'est un plaisir de te lire.

Mary Lev

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Il y a un an

Merci beaucoup 😊
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