Fyctia
Chapitre 2 (2/2)
C’est un enfant squelettique dont il est impossible d’identifier le genre. Ça a les oreilles pointues, mais ça ne semble pas velu… ce n’est donc pas de la même espèce que j’ai vue sur le rivage.
Je me penche en avant pour la détailler : elle porte des haillons, son visage est pointu et déformé tandis que ses cheveux sont longs et fins. On dirait qu’elle a été surprise, puisque son expression faciale est figée dans une moue de surprise horrifiée.
Le sculpteur était grave perturbé. Si seulement j’avais son talent pour la finition, je ne m’ennuierais pas à créer quelque chose d’aussi moche.
— Ah ben tiens, ça, c’est une fée, note Naïa qui me sort de ma sinistre contemplation.
J’ouvre la bouche et la referme.
Une fée... Mais bien sûr. Il faut avouer qu’on est quand même vachement loin de la fée clochette, et encore plus des Winx, là.
— D’après ce qu’on dit, c’est une ancienne élève. Un jour elle est arrivée à l’infirmerie pour manger un enfant. L’infirmière l’a surprise et l’a changée en pierre. Suis bien mon conseil : ne jamais énerver une gorgone.
— Une quoi ?
— Moi, déclare une voix chaleureuse, mais sévère.
Je tourne la tête à toute vitesse et découvre une femme à la peau grise. Le dessus de sa tête est caché par un boubou noir. Décidément, tout dans cette pièce est gris ou noir, à l’exception des plantes grimpantes qui prennent un malin plaisir à s’entortiller sur les statues qui décorent l’endroit.
Pas le temps ni franchement l'envie de les examiner, puisque toute mon attention est focalisée sur cette étrange femme terne aux prunelles ocre qui s’avance vers nous.
— Je suis l’infirmière. Ton cas n’a pas nécessité mes services, cependant. Tu peux partir si tu le souhaites. Et n’oublie surtout pas d’emporter la mocheté qui est à tes côtés, je suis d’humeur venimeuse aujourd’hui.
Ça, ce n’est vraiment pas gentil.
Ses lèvres peintes en noir s’étirent en un sourire en coin et ses yeux, seul élément coloré qu’elle arbore, se posent sur Naïa, à qui je lance un coup d’œil. Cette dernière affiche une mine candide et ravale sa salive en acquiesçant.
Avec une nonchalance à toute épreuve, l’infirmière fait volteface et retourne dans le fond de l’infirmerie. Je regarde Naïa qui se penche vers moi :
— Je suis certaine que cette vipère me laisserait mourir, même si elle avait l’occasion de me sauver, chuchote-t-elle.
— Pourquoi ?
— Pour ce que je suis !
Quoi, les petits blonds sont victimes de racisme dans cette école ? C’est le plus dystopique de tous les cauchemars que j’ai jamais fait.
— Et tu es ?
Elle se redresse pour se mettre en évidence et lève un sourcil en se désignant :
— Sérieux là ? C’est évident pourtant, tu ne vois pas ?
Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, comme le fait que je ne vois pas du tout ce que peut bien être la tornade qui va me servir de colocataire dans cette maison de fous, l’infirmière perd patience :
— Dehors, j’ai dit !
Naïa se lève d’un coup et m’indique la sortie :
— Je vais te montrer notre chambre. C’est... à mon image, mais libre à toi de décorer ta partie ! On s’en va, aller viens, dépêche-toi. Ne jamais énerver une gorgone ! répète-t-elle.
— Cool, j’ai hâte, marmonné-je, peu convaincue.
Je la suis, la mort dans l’âme. N'ayant absolument rien emporté avec moi, il me sera difficile de faire de la customisation. Je n’ai même pas eu le droit de garder mon téléphone pour joindre mes parents.
*
Ce n’est pas une chambre. C’est la Caverne aux Merveilles. Il y a littéralement de tout et pour tous les âges. C’est comme si Naïa avait déménagé sa maison entière dans sa chambre d’étudiante. Mon côté n’est pas épargné même si un lit a été rajouté au milieu de quelques peluches poulpes d’humeur diverse.
— Normalement, ils classent les étudiants par espèce. Mais nous très chères, nous sommes les seules de notre genre, c’est pourquoi nous devrons co-exister.
Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour demander à nouveau ce qu’elle est qu’elle gémit et laisse tomber sa besace au sol dans un bruit sourd.
— Mince, il va me tuer ! s’exclame-t-elle.
— Qui ?
— Le directeur, il m’a dit de t’envoyer à lui dès ton réveil. J’ai failli à ma mission !
Elle regarde frénétiquement de gauche à droite et s’élance dans les quatre coins de la pièce pour chercher quelque chose.
Naïa m’a tout l’air d’une bordélique colorée tandis que moi, je ne suis pas l’adolescente la plus ordonnée non plus.
Conclusion : Regardez-nous, d’ici quelques jours, chercher trois heures après ce qu’il nous faudra.
Elle extirpe un sac qui bourré de quelque chose de non identifiable d’en dessous du lit fraîchement posé dans la pièce. Ensuite, elle déniche ce qui ressemble à une brosse à cheveux d’en dessous de son oreiller. Et enfin, elle farfouille dans sa besace qui git par terre pour y trouver… Du maquillage.
Cette dernière trouvaille était plus ou moins normale.
Plus ou moins, étant donné que nous sommes déjà à l’école, alors pourquoi se balader avec du mascara et un recourbe cils ?
Elle ramasse la bandoulière qu’elle hisse sur son épaule et se dirige à toute vitesse vers moi.
— J’espère que tu es sportive, parce que les escaliers qui mènent à son bureau sont assez … arpentés et les marches plutôt petites.
— Euh non, pas vraiment, mais comment fait le directeur ?
Naïa attrape ma main et m’entraîne à l’extérieur de la chambre.
— Il n’en a pas vraiment besoin.
Comment ça, « il n’en a pas vraiment besoin » ?
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Livia Tournois
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