Suelnna La Dernière Invocatrice Chapitre 1 (1/2)

Chapitre 1 (1/2)


Vous connaissez beaucoup de parents au bord de la crise de nerfs qui payent un supplément vacances à leur enfant accusé de pyromanie, le tout trois semaines après la rentrée scolaire ?


Moi non plus.


Papa, les yeux embués de larmes, a essayé de me faire croire que je repartais en vacances parce que j’en avais besoin.


Évidemment, j’étais à moitié convaincue. Surtout que deux belles jeunes femmes plantureuses se trouvaient derrière lui et me souriaient comme si j’allais devenir leur nouveau bébé.


J’ouvre la bouche, mais aucun son de sort alors que je suis persuadée de crier. C’est comme ça depuis que j’ai quitté le domicile familial.


Je voudrais me lever et bondir sur le chauffeur qui s’engouffre en pleine campagne alors qu’il fait nuit noire, mais je ne peux pas.


En fait, je suis enfermée dans une prison mentale depuis que j’ai refusé de prendre cet avion. Une seconde après mon magistral « non » empreint de courage et de résignation que j’ai trouvé le courage de répondre à mon paternel, j’entendis un son ensorcelant qui me cloua sur place et m’ôta la parole.


Je ne me souviens plus du vol, ni du début de ce voyage en car avec des gens que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam. En raison de l'obscurité, je ne sais pas si nous sommes au Nord ou au Sud, ni même si nous sommes bien au Maroc. Si ça se trouve, on me ramène auprès de ma tante pour être l’ingrédient principal d’un sacrifice étrange.


Bah quoi, après tout, qui n’a pas une tante un peu loufoque sur les bords ?


Eh bien sachez que la mienne est complètement barrée. Quand j’étais petite, elle passait son temps à me raconter des histoires de sorcières, et me chuchotait que nous descendions d’une illustre famille d’Invocateur de djinns.


Ça m’a émerveillé jusque mes sept ou huit ans. Puis j’ai appris ce qu’était qu’un djinn, et ça ne m’a plus fait rire du tout, puisqu’entrer dans le club des satanistes du bahut n’a jamais fait partie de mes ambitions.


Du coup, je lui ai demandé d’arrêter et elle envahit maintenant l’esprit de mon petit-frère avec ses histoires à dormir debout.


Une secousse me fait bondir. Nous avons là une route de qualité. Aucun des autres passagers ne bronche. Ils subissent sûrement le même enchantement que moi.


Oh joie.


Si j’en juge à la tête déconfite, aux yeux rougis et à la morve séchée sur le visage de certains, je ne suis effectivement pas la seule à avoir reçu une invitation forcée.


Le pire de cette proximité forcée ? La chaleur qui diffuse les odeurs corporelles de tout le monde, même de ceux qui ne se lavent pas souvent, à travers tout l’espace confiné.


Je savais que les sirènes chantaient bien, mais je ne savais pas qu’en échange, Dieu leur avait retiré l’odorat…


Oui, des sirènes. Enfin, c’est elles qui me l’ont dit. Je pourrais ne pas les croire, mais le fait est que je suis contrainte d’observer le silence de puis la veille, ce qui est, d’ordinaire, chose impossible.


Il y a deux jours, j’aurai été morte de rire rien qu’en y pensant. Vous savez qu’il y a des gens qui pensent en être ? Ils enfilent des queues de poisson, puis ils vont nager dans le plus grand des calmes. Il leur arrive même des faire des spectacles.


Un coup de frein brutal me donne tout juste le temps, et surtout le libre arbitre, ce qui est étonnant ces dernières heures, de m’agripper au siège d’en face pour ne pas finir le nez écrasé contre ce dernier.


« Nos accompagnatrices », les superbes créatures dignes des couvertures de magazines, n’ont pas l’air inquiètes de cet arrêt en douceur. J’en déduis donc que nous sommes arrivés.


Bon, t’es où khalti* ?


Je scrute les environs à travers les vitres griffées de ce véhicule à l’agonie et réalise que nous sommes en pleine campagne. Mais un bruit de fond me dérange… on dirait… La mer.


Ça y est, je vais mourir alors que je viens à peine d’avoir seize ans. Les gens normaux vont en prison, en maison de correction, que sais-je.


Moi, mon destin, c’est de me faire bouffer par la Petite Sirène.


Je sens une goutte de sueur perler sur ma tempe. Un coup d’œil me permet de voir une larme couler sur la joue de mon voisin, un petit blond au visage pâle comme un linge blanc. J’ai entendu que ces êtres mythologiques enchantent les hommes, celui-ci est peut-être encore dans l’enfance ? Car les autres regardent dans leur direction avec un sourire béat peint sur la face.


Pourtant, je suis à peu près certaine que sans l’enchantement qui pèse sur nos esprits, on serait tous en train de hurler comme des possédés pour qu’on vienne nous sauver.


Et là, pas moyen de faire cramer quelque chose ? Ben non, ça ne pouvait arriver que dans cette foutue école !


Comble de l’ironie ? Ce n’était même pas moi. Voilà pourquoi je ne peux pas faire flamber quelque chose pour tenter de me sortir de ce guet-apens.


Une belle rousse, celle qui a chanté et dont le charme me maintient dans cet état de marionnette se lève en s’éclaircissant la voix.


Comme si t’en avais besoin, Ariel…


— Vous allez tous vous lever, faire une file bien droite, et avancer en direction de la mer. Des questions ?


Je cligne des yeux et parvient à me pincer les lèvres.


— Lucie ? demande la seconde, blonde comme les blés.


Décidément, rien n’échappe à ces deux mégères. Un maintien de l’ordre impeccable, des élèves calmes tout le long du trajet : on pourrait presque leur décerner le prix des meilleurs accompagnatrices scolaires. Je secoue la tête de droite à gauche pour indiquer que je n’ai pas de questions, contrairement à ce qu’elle pourrait penser.


Les billes vertes pales de la rousse se plissent. Inquisitrices, elles percent ma peau et glacent mes os jusqu’à la moelle. Je lutte du mieux que je peux. La grande, que dis-je, géante qui sert d’acolyte à la furie rousse qui m’a certainement ensorcelé siffle d’admiration devant ma détermination.


La lèvre supérieure de la première finit par tressaillir de rage. J’ai réussi à énerver miss parfaite.


— On est-ce qu’on va ? cédé-je, une pointe de suspicion pas du tout masquée dans la voix.


— Je viens de le dire : dans la mer.


— Je ne veux pas y aller, affirmé-je.


La bouche de la sirène s’arrondit et forme un rond parfait de stupéfaction. Comment osé-je ?


Oui, comment est-ce que je fais pour parvenir à m’opposer à la volonté d’un être si puissant avec tant de facilité tout à coup ?


— Moi qui pensais qu’ils se trompait sur son compte, ricane Blondie, c’est la première fois que je vois une adolescente te tenir tête, Dana.


Son regard furieux ne bouge pas d’un iota et me fixe toujours, même lorsqu’elle rabroue sa partenaire.


— Silence Freya. Quant à toi…,


Un large sourire s’étire sur ses lèvres rouges.


— Tu n’as pas le choix.


Je veux répondre, mais je n’y arrive de nouveau plus.


— Tu as posé ta question, ton temps de parole est écoulé. Levez-vous !


Elle me dévisage une dernière fois avant de se retourner pour descendre du car la première.


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"Khalti" signifie "ma tante", en Darija

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69 commentaires

Krrkippaal

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Il y a 4 mois

Sympa comme début, très original en tout cas. Je trouve ton style vraiment bon. Ces petites pointes d'argot fonctionnent parfaitement, et c'est souvent un exercice casse-gueule, bravo !

Suelnna

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Il y a 4 mois

Oh merci Krrippaal ! <3

Origami

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Il y a 4 mois

Lucie semble déboussolée et affaibli par des pouvoirs. L’humour est au rendez-vous. Tandis que les sirènes sont impassibles, comme des murs de prisons, la jeune fille est prise au piège. Je crois que tu aurais pu ajouter plus de fraîcheur au récit en détaillant les vêtements de Lucie et sa différence avec les sirènes. Si elle va a la mer, pourquoi n’a t-elle pas de queue de sirène ? Le bus est comme une boucle temporelle, où elle se sent piégée, elle souhaite s’échapper. Mais son destin qui l’attends est-il pire que sa « possible » pyromanie ?

Suelnna

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Il y a 4 mois

Ouais, clairement ^^"

Janikest

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Il y a 5 mois

Plein d’humour et une écriture très fluide agréable à lire. Je continue ma lecture dès demain !

Suelnna

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Il y a 5 mois

Merci beaucoup ! J'ai vu que tu participais, je t'ai mise dans ma pal :)

Livia Tournois

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Il y a 5 mois

Ce début d'histoire est plein d'humour et de références qui me font de suite accrocher au personnage. J'aime aussi découvrir des pouvoirs avec les djinn car je n'ai encore jamais lu d'histoire semblable donc je suis intriguée. Je pense que tu pourrais retravailler cette fin de chapitre pour la rendre plus claire et intrigante. Un combat mental plus marqué entre les deux avec Lucie qui finit par hurler sa question et totalement déstabiliser les sirènes par exemple. Là le dialogue est un peu plat "je veux pas - t'as pas le choix" tu vois ? Peut être pourrait-elle se montrer cruelle pour la prendre en exemple devant les autres élèves, ou méprisante, quelque chose de plus percutant, une punch "tu n'as pas le choix ma petite, tu ne l'auras plus jamais, tu nous appartiens" un machin du genre.

Suelnna

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Il y a 5 mois

Merci beaucoup pour ce retour et pour cette incroyable suggestion que je vais mettre en oeuvre lors de la réécriture. C'est vrai qu'un duel mental plus étalé et plus tendu serait impactant. Merci beaucoup à toi <3

Mary Lev

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Il y a 5 mois

Tu écris bien <3 J'ai cru que les sirènes étaient les femmes de son père XD Mon dieu parfois je me donnerai des baffes

Suelnna

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Il y a 5 mois

Mercii <3 Tu es sur le concours ?
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