Senefiance La danse des maux Délivrée

Délivrée

L'heure était venue.


Je restai pétrifiée en haut des escaliers, cherchant le courage de descendre vers ma nouvelle vie.

Attentif, Victor marcha à ma rencontre et m'insuffla l'élan dont j'avais besoin. J'ajustai mon masque, espérant me camoufler au milieu de la foule, loin du duc de Revers.


Tandis que l'orchestre répandait ses sons harmonieux devant les fenêtres du jardin illuminé, les convives entraient les uns après les autres dans le manoir. À l'odeur douçâtre des éclairages, succédaient les parfums de femmes. Ces dames rivalisaient de beauté. Les étoffes se partageaient entre le nacarat et le bleu de ciel, les fourreaux proposaient des nuances de pourpre ou d'hortensia.


Mère était parée d'une robe de tulle et satin blanc. Autour du cou, les pierres précieuses en pendeloques triomphaient telles des excroissances de notre richesse. Et, derrière son masque doré, elle faisait grandir la nouvelle, chargée de propos échangés à mi-voix. Mon mariage.


Une silhouette masculine approcha. Même le visage caché, son identité restait évidente. En effet, mon être perçut la menace et mes poils hérissés en furent le signal. Le duc de Revers portait un costume presque impérial. Pourtant, ni sa veste en satin blanc, ni ses souliers à rosettes d'or n'élevaient sa stature.


Quand il me tendit la main pour ma première danse, je me demandai quelle stratégie adoptée.

Refuser et entrer en conflit avec mon interlocuteur ou feindre l'ennui pourrait être source de tension. Je décidai donc de simuler un certain intérêt à son égard, en utilisant l'art de la rhétorique.


Je commençai à lui poser des questions sur sa vie. Sur sa dernière épouse.

La musique nous entraina, mais mon corps refusait de se plier à cet exercice. Aussi, je craignais de manquer de souplesse et de grâce. Je ne voulais laisser aucun indice sur la comédie qui se jouait à cet instant. Cependant, interroger avec cordialité cet individu sur les détails de sa relation sembla être une arme imparable, puisque celui-ci fut mal à l'aise et pressé de me quitter à la fin de la danse.


Pour ma tranquillité, Victor imposa à ses connaissances de m'inviter à tour de rôle. Ainsi, le temps m'éloigna du duc de Revers et me rapprocha de Pâris. Proche de l'heure immanquable, je me faufilai vers les cuisines, afin de faire mes adieux à mon amie. J'aperçus Anceline atteindre la terrasse extérieure. Les minutes m'étaient comptées !



— Marie, chuchotai-je.

— Je suis là, répondit-elle en sortant d'un recoin.

— Comment puis-je vous remercier ?

— En étant simplement heureuse, ma chère !

— Et vous, le serez-vous ?

— Oui, ne vous inquiétez pas ! J'ai la chance d'avoir reçu la demande d'un homme dont l'affection n'a d'égale que la mienne.

— Quel beau dénouement ! Je vous souhaite une belle vie !


Tombées dans les bras l'une de l'autre, nous nous jurâmes une amitié éternelle.

Je vérifiai que Victor eut déjà quitté la réception et précautionneusement, je me dirigeai vers le jardin magnifié en lumière. Je me laissai bercer par le cadre naturel et séduire par le murmure du vent entre les branches. Profitant du parfum des fleurs je m'aventurai entre les bosquets, à la recherche de Pâris.


Soudain, une main agrippa mon bras. Mon rythme cardiaque accéléra.


— Je n'ai jamais vu un tel empressement ! déclara le comte de Revers, en resserrant son étau. Je peux savoir ce qu'une jeune fille de belle famille et promise de surcroît fait seule dans ces lieux ! De plus, en pleine nuit.

— Rien d'indécent, mon cher duc, j'avais simplement du mal à prendre mon souffle, mentis-je.


Il ôta son masque et planta son regard mécontent dans le mien.


— N'est pas née la personne qui assumera ses mensonges devant moi ! hurla-t-il. Fuyez-vous vers un autre homme ? Vos parents m'ont parlé d'un prétendant qu'ils souhaitaient éloigner. Après tout, votre réponse est inutile, vos affaires de cœur m'importent peu ! Votre plan a échoué ! Vous serez ma femme ! La mienne ! Pour mon entière satisfaction, non pour la vôtre !


Il se rapprocha de moi et tenta de m'embrasser, je baissai la tête afin de l'éviter.

— Je ne vous ai pas autorisé ! aboyai-je

— Je n'ai pas d'ordres à recevoir de vous ! Vous n'êtes rien ! Je vous briserai !

— Jamais !


Je me débâtai et entrepris une course effrénée, mais mes jupons me ralentir et mon corps tomba sous le poids de mon bourreau. Il me maintint au sol fermement. Immobilisée, la panique me gagna.


— Pourquoi ne pas commencer la nuit de noce avant ? railla-t-il, d'une voix lugubre.


Il attrapa mes poignets afin d'éviter mes coups et prit mes lèvres de force. La mâchoire contractée je lui refusais l'entrée de ma bouche. Avec violence, il plaqua sa main sur mon visage, m'obligeant à céder. Mais, c'était mal me connaître. Je laissai sa langue me salir et serrai mes dents avec une fureur vitale.

Sous la douleur, il roula sur le côté.

Je tentai de ramper, il m'arrêta une nouvelle fois, en empoignant ma chevelure.


Brusquement, Pâris et Victor bondirent sur le duc et le plaquèrent contre un arbre. Le poing de mon comte se fracassa sur la figure de mon agresseur, à plusieurs reprises. L'enflure fut immédiate et le sang coula de son nez cassé. Son visage se déforma à la hauteur de sa cruauté.


Encore sous le choc, je les regardais sans réagir. Mais, les larmes de rage des deux hommes de ma vie me firent l'effet d'une secousse.


— Arrêtez ! les suppliai-je. Pâris ! Victor ! Vous valez mieux que cet homme !

Mon jumeau sortit de sa transe plus rapidement et lâcha sa prise. Le duc de Revers s'effondra inconscient. Mon aimé s'écroula au sol, à bout de souffle et de nerfs.


— Je vais voir père ! s'écria mon frère ! Il doit payer pour cela et pour le reste !

— Nous ne pouvons plus revenir sur nos pas, l'alertai-je. Puis la vie se chargera de le punir ! Le départ de ses deux enfants terniront sa réputation, son orgueil et peut-être, un peu son cœur ! Nous avons gagné Victor ! Allons de l'avant !


Sur ces mots, Pâris enjamba le duc à terre, m’enveloppa de toute sa tendresse et de tout son amour. Ma cage thoracique bloquée depuis des heures, expira enfin laissant l’air circuler un peu mieux dans mes poumons.


Ses yeux déchiffrèrent mon visage comme s’ils me voyaient pour la première fois… Cette vérité m'interpella. Il contemplait son Anna... Libre !

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3 commentaires

Nascana

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Il y a 4 ans

Vite, sauvez-vous ! Ca me stresse, j'ai peur qu'il se passe un truc triste.

danielle35

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Il y a 4 ans

oh la la, au fur et à mesure de la lecture j'étais en panique, pourvu que tout se passe bien et qu'elle puisse vite retrouver PARIS, mais voilà Emyliance, tu as quand même fait une "petite" chute en faisant intervenir le comte de Revers. Je t'avoue que le passage où tu décris la scène de l'affrontement entre le comte et Anna m'a fait terriblement envie d'achever cet ignoble individu. Heureusement que VICTOR et PARIS se sont occuper de lui. Quelle belle fin Enfin libre. Félicitations Emyliance, ton roman était superbement bien écrit, tout y était BRAVO
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