Senefiance La danse des maux Alliances

Alliances


En début d'après-midi, Victor et moi discutions de nos préparatifs, en profitant de nos derniers instants près d'Anceline.

— Pourriez-vous informer le garçon de courses de ma visite chez la modéliste avec mère, lui demandai-je. Elle désire déjà commander mon trousseau ! Une rencontre impromptue avec Louise serait du meilleur goût.

— Bien ma chère enfant ! Je vous ai préparé des provisions pour le voyage. Avez-vous besoin d'autre chose ?

— Merci infiniment Anceline. Victor, je vous charge de les récupérer ! Pour la suite, je dois organiser l'entrée de Marie.

— Elle pourrait se faufiler par l'arrière du manoir et paraître juste après notre échappée, proposa mon frère.

— Pensez-vous pouvoir la cacher dans les cuisines, en attendant le moment voulu ? demandai-je à notre complice.

— C'est entendu ! accepta-t-elle. Je vous conseille de vous éclipser à 22 h. C'est l'heure parfaite, les convives seront tous arrivés et serrés comme tel un essaim. Je me chargerai de distraire le garde à l'entrée des jardins, pour vous ouvrir la voie.

— Excellente idée ! Vous pouvez ajouter ce détail dans votre message. Maintenant, je dois trouver un moyen de payer la copie de ma tenue, et ce dans la plus grande discrétion !


Mon jumeau malicieux, ouvrit sa sacoche et sortit une bourse pleine de pièces sonnantes et trébuchantes.

— D'où vient-elle ? m'enquis-je

— Je connais l'emplacement du coffre de père. Dîtes-vous que j'ai hypothétiquement hérité par anticipation.


J'allai objecter, mais je me retins, car le besoin était plus fort que la raison. À l'appel de ma mère, je dissimulai l'argent sous mon châle de cachemire.


Dans les ateliers de Louis Hippolyte Leroy, la belle noblesse déroulait une multitude de tissus, à la recherche du prochain succès. L'habilleuse nous installa dans le petit salon, décoré à la hauteur de la prééminence française, en matière de mode. Désintéressée, je la laissai prendre mes mesures tel un pantin articulé.


Une deuxième modéliste pénétra dans la pièce. Je reconnus la jeune femme dévouée à Louise. D'ailleurs, mon amie la suivait. Elle espérait cohabiter avec nous, le temps des essayages.

Ma mère hésita. Je lus dans ses yeux que cette résistance était une affaire de peau. De couleurs. J'avais honte d'elle, de son regard qui portait atteinte !


D'un geste, j'invitai mon alliée à se joindre à nous, mais mon sourire ne suffirait pas à effacer cette hostilité inaudible.


Mère s'étala sur mon mariage à venir, sa fierté de lier sa fille à un duc de noblesse authentique. Elle exigea les plus beaux modèles pour me parer pour ma vie d'épouse. Les confectionneuses lui proposèrent de découvrir l'invention révolutionnaire pour le façonnage de la dentelle. Ce métier à tulle de création anglaise était le premier à être livré en France. Privilégiée, elle accepta et cet éloignement me permit d'échanger rapidement avec Louise.


— Vos parents ont-ils déjà programmé votre union ? s'étonna la comtesse de Rochambeau

— Oui, avec le duc de Revers. Cet homme est connu pour sa violence et maintenant pour la grande différence d'âge qui nous sépare.

— Courage, dans quelques heures vous serez loin. Pâris a trouvé notre destination, il espère que vous vous acclimaterez aux Indes néerlandaises.

— Je suis tellement curieuse de découvrir de nouvelles terres, des peuples et des coutumes inattendues. Mais revenons au comte, vous a-t-il parlé de moi ?

— Ma chère Anna, je n'ai jamais connu mon ami aussi épris ! Votre prénom ne quitte pas ses lèvres. Vous aurez la vie pour vous, en attendant nous devons agir efficacement. Je vais nous acheter des vêtements plus légers et confortables pour notre voyage.

— Pourriez-vous faire porter une copie de ma tenue à Marie, la priai-je, en lui tendant la bourse.

Et j'ai une autre requête plus personnelle.

— Je vous écoute.

— Vous, connaisseuse des choses de l'amour, seriez-vous prête à m'aiguiller sur mon trousseau intime. Je désirerais emporter une corsetterie plus attrayante.

— Oh oui ! J'ai un goût certain pour sélectionner les plus belles dentelles. Je vais ajouter de très jolis vêtements de nuits. Pâris se pâmera d'admiration en vous découvrant.


Mes pommettes trahirent mes pensées. Ce phénomène nouveau réveilla tout mon sens, mon envie de chair et de présence aux creux des bras protecteurs de mon estimé. Était-ce cela l'amour ? Le cœur battant à la chamade, un sourire ne s'effaçant jamais, une myriade de sentiments difficilement inexplicables ?


La voix de ma mère me sortit de mes rêves éveillés. Exaltée, elle termina sa sélection sans me concerter et fit empaqueter le tout. Elle quitta la pièce en ignorant complètement Louise. Je m'approchai d'elle et lui serrai la main, comme une excuse à cette humiliation. Cette femme éclatante par sa beauté et sa grandeur d'âme me rendit mon étreinte, propageant son amitié.


Surmenée, je consacrai ma fin de journée a reposer mon esprit. Néanmoins, le tourbillon dans ma tête ne freina pas. La surabondance de décisions déclencha un mélange d'appréhension et de délivrance.


À la nuit tombée, j'allai voir Anceline pour la serrer une dernière fois sur mon cœur. Son sourire mêlé à ses larmes s'imprima dans ma mémoire, aux côtés de tous nos moments de bonheur.

Sa main ridée s'attarda sur ma joue, comme bien des jours, lorsque l'absence d'affection parentale eut été trop douloureuse.


Elle m'accompagna jusqu'à ma chambre, mon refuge, témoin de mes colères, mes peines et mes incompréhensions. Mais, demain, je partirai forte de ma liberté et du soutien de mes alliés présents et futurs.



Tu as aimé ce chapitre ?

4 commentaires

Nascana

-

Il y a 4 ans

Elle a quelle couleur de peau Louise ? Ca m'énerve. J'aime la façon dont le plan se met en marche.

shane

-

Il y a 4 ans

L'ambiance est palpable. J'ai un mauvais pressentiment, comme s'il allait se passer quelque chose qui ne va pas nous plaire... Par contre, si le plan fonctionne, le départ va faire l'effet d'une bombe dans cette famille. J'ai hâte !!

danielle35

-

Il y a 4 ans

ce n'est pas une mince affaire que de vouloir partir sans éveiller les soupçons. J'espère qu'Anna y arrivera. Heureusement qu'elle a l'appui d'Anceline et surtout son "PARIS". Elle pense immédiatement à demander à la comtesse de lui mettre dans ses bagages les plus beaux "dessous" pour son bien aimé. Je souhaite que tout va bien se terminer. J'ai peur car avec toi Emyliance, gare à la chute..
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.