Fyctia
Antichambre
Pendant de merveilleuses minutes, ses doigts caressèrent ma joue, puis effleurèrent mon cou. Mon palpitant s’affola. Sa bouche audacieuse se rapprocha et lentement ses lèvres accostèrent les miennes pour en prendre toutes leurs saveurs.
Graduellement, nos échanges évoluèrent, alternants l'intensité à la douceur, sur le rythme irrégulier de nos inspirations et de nos expirations.
De ces effusions capiteuses naissait une part de moi qui m'était encore inconnue.
Il se recula légèrement et plongea son regard dans le mien, à la recherche de mes impressions. Ma seule réponse fut charnelle. Mes doigts agrippèrent ses cheveux. Sa tête bascula assez pour me laisser admirer sa mâchoire provocatrice, tandis que ses mains dessinaient ma taille.
Je passai ma langue sur mes lèvres rougies par cette gourmandise à consommer sans modération et tentai de repartir à l'assaut de ma source de plaisir.
— Pâris… soupirais-je débordante, l’incitant à mener l’exploration, un peu plus loin.
— je suis là… non...
Il se déroba à mes étreintes, m’infligeant une distance immédiate. Dès lors, je souhaitais souffrir d'une boulimie de sa peau rejetant avec force cette abstinence.
Il enferma ma main dans la sienne signant par son geste, un retour à une posture plus chaste.
— Vous êtes impayable et insatiable Anna ! s'exclama Pâris avec un timbre éraillé.
— Je suis juste impatiente d'aimer !
— Pour réponse, je citerai Confucius : « Une impatience capricieuse ruine les plus grands projets ». Et mon plus grand projet, c'est vous ma fougueuse !
— Vos jolis mots atténuent ma frustration ! Mais, vous devez m'en promettre plus ! exigeai-je en lui volant un baiser.
— Promis, chuchota-t-il en me prenant à nouveau mes lèvres. Je veux juste vous traiter avec le respect que vous méritez et sans contraintes extérieures. De plus, vous devez découvrir les préambules qui vous mèneront jusqu'au plaisir, avant même le mélange de nos corps.
— Vous attisez ma flamme et ma curiosité !
— Faîtes travailler votre imagination ! Je m'engage à vous dévoiler un avant-goût, lors de notre prochaine entrevue.
— Quand vous reverrai-je ? questionnai-je avide.
— Plus vite que vous ne le pensez ! Pour l'instant, rentrez chez vous, je ne voudrais pas que votre longue absence interpelle vous parents.
La berline ralentit sur le pont des arts et se rangea derrière notre calèche. Une dernière fois, la bouche de Pâris scella nos sentiments, tatouant mon âme comme un serment. À contrecœur, je gagnai la voiture avec Anceline. Elle m'observa, mais respecta mon besoin de m'enfermer dans ma bulle de bonheur pour rester connectée à lui, encore et encore. Malheureusement, l'acier du portail du manoir la fit éclater et me ramena dans la réalité, trop rapidement.
À l'intérieur, l’ébullition montait doucement, chacun s’activait dans son rôle, la ronde des meubles commençait, l'argenterie frottée devenait rutilante, le fleuriste faisait l'inventaire du nombre de bouquets de fleurs fraîches à installer... Ces préparatifs offraient un ballet d'efficacité sans précipitation.
Cette scène apparaissait presque-calme avant la tempête. La fin du bal serait sans nul doute
cataclysmique pour moi ou pour ma famille, je n'avais pas les tenants et les aboutissants. J'espérais que les prochaines heures m'éclaireraient sur ma conduite à emprunter.
Victor, un verre à la main, était installé dans le bureau de père. Mon être protesta à l'idée de mettre un pied dans cette pièce sombre et déprimante. Une bouteille ouverte roulait sur la table, tandis que du whisky se répandait sur le bois. L’effluve d’alcool et l’odeur cuirée des fauteuils repoussaient mon énergie, pourtant mon frère avait besoin de moi.
Je m'assis à ses côtés et lui ôtai des doigts son cristal de malheur. Il m'observa du coin de l’œil et posa sa tête sur mon épaule.
— Que fais-tu ici ? le questionnai-je inquiète.
— Je tente de comprendre, répondit-il la voix serrée
— Quoi ?
— Père ! cracha-t-il. Comment peut-il être autant anesthésié au bonheur ? Être sans cœur avec ses enfants ? Je ne demande qu'une vie sans jugements et sans faux semblants ! Mon impudeur est tragique selon mon géniteur, mon plaisir de chair désordonné selon l'église ! Je suis humain, mon image ne s'arrête pas à celle du péché ! Regarde ce cabinet ! Il ressemble à l'antichambre du désespoir, des larmes, du coup des mots !
— Oui Victor, mais ne vois-tu pas deux portes ! À nous de choisir la bonne ! Avant la fin de la semaine, nous déciderons de nous battre ou de fuir. Quoi qu'il en soit, notre intention prendra les couleurs de la liberté !
Anceline passa la tête dans l’entrebâillement, avec un air préoccupé. En observant le désordre ambiant, son visage rond perdit sa jolie teinte. Désolée, elle déglutit en découvrant l'état d'ébriété de mon frère.
— La comtesse de Rochambeau vous a fait parvenir un nouveau message, me glissa-t-elle, en me tendant le pli. Son garçon de courses m'a également remis une invitation pour votre mère.
Je dépliais la feuille rapidement et commençai ma lecture, sous le regard interrogatif de Victor.
Chère amie,
Persuadez vos parents de vous laisser jouer d'un instrument dans le salon de la duchesse de la Laronière.
Je m'occupe de tout.
A demain,
Louise
Elle distillait les informations au compte-goutte et me laissait légèrement désorientée. Étranger à ces manigances, Victor m'asséna un interrogatoire complet. Je lui fis le récit de ma rencontre avec Louise, de son existence parsemée de joies et de peines.
Soudain, une ombre coula sur le parquet. J'interrompis notre conversation secrète et souris de satisfaction en constatant que mon intuition était la bonne.
— Mme la duchesse vous attend dans votre chambre ! intervint ma suivante le visage inexpressif.
À la moindre occasion, mes faits et gestes étaient épiés par cette femme aigrie. J'avais appris avec le temps à être prudente. Je sortis de la pièce en l'ignorant et me dirigeai vers l'étage.
Je tournai la poignée et vis ma mère se laisser choir sur mon lit. Les larmes roulaient sur ses joues, ses doigts tordus froissaient les papiers dispersés sur la couverture. Un sanglot sans cris agitait ses épaules. Alors qu'elle brandissait un des feuillets devant mes yeux, ses mots poussèrent derrière son larynx. Le premier se fraya un chemin pour ouvrir la voie aux suivants.
— Anna ! D'où viennent ses pamphlets ? Qui a écrit ce titre ? L'a...
Elle bafouillait et n'osait pas prononcer ce langage. Le formuler, le rendrait aussi dangereux qu'un explosif. Alors, j'allai le faire à sa place.
— L'affranchissement de la femme ! Des femmes ! De ma personne ! éclatai-je.
13 commentaires
cynthia1609
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Il y a 4 ans
Senefiance
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Il y a 4 ans
danielle35
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Il y a 4 ans
shane
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Il y a 4 ans
Lyaminh
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Il y a 4 ans
Nascana
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Il y a 4 ans
Senefiance
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Il y a 4 ans
Senefiance
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Il y a 4 ans