Senefiance La danse des maux Effervescence

Effervescence


La comtesse de Rochambeau, l'amazone du divan, me fixait depuis de longues secondes, tandis que la pesanteur du temps suspendu m'enfonçait dans mon fauteuil.

Ma curiosité avait été attisée par son pli secret, mais maintenant ma confiance en moi faisait l'autruche. Pourquoi l'amie de Pâris désirait-elle me rencontrer ? De surcroît dans les ateliers de Louis Hippolyte Leroy, marchand de mode et fournisseur attitré de l’Impératrice.


Cette interrogation avait son avantage, je n'avais pas eu besoin de convaincre mère pour sortir. Une nouvelle tenue à la hauteur de l'évènement était primordiale afin de bonifier mon apparence.


De plus, ma suivante vouée à mes parents avait été priée de rester à leurs côtés pour avancer sur les préparatifs. Pour mon plus grand bonheur, Anceline fut désignée pour m'accompagner et en contrepartie je dus l'aider à choisir les alcools pour les festivités. Nous jetâmes notre dévolu sur le champagne « Moët et Chandon » pour sa vivacité et son allégresse.

Mes pensées vagabondaient, pendant qu'une modéliste nous présentait les tissus que toute la ville s'arrachait. La comtesse lui demanda gentiment de nous laisser seules avec un sourire de connivence.


— Le choix de ce lieu me paraissait avisé pour nous fondre dans les futilités, commença-t-elle. Anna, je peux vous appeler ainsi ?

— Bien entendu.

— Parfait ! Faisons dans la simplicité, moi c'est Louise. J'étais désireuse de rencontrer celle qui a fait chavirer le cœur de mon ami, là où la mer elle-même a échoué ! Puis, je voulais vous parler de la nature de la relation qui nous lie. Sans équivoque !

— Bien, articulai-je, complètement subjuguée par son aplomb.

— J'ai fait la connaissance de Pâris, sur l'île Bonaparte, chez moi. Son cousin Valentin l'accompagnait. Les affaires maritimes afférentes à l'exploitation du café et du cacao étaient florissantes. En conséquence, ces gentilshommes décidèrent de s'installer sur place pour prospérer et peu de temps après, ils me sauvèrent d'un esclavage certain. Nous parlions durant des heures des conditions des hommes et des femmes asservis. J'ai tout de suite éprouvé de l'affection pour ces dévoués, puis ce sentiment s'est transformé en amour !


Nostalgique, elle fit une pause. Elle croisa mon regard dubitatif et me rassura promptement.


— Pour Valentin bien évidemment ! J'ai vécu un rêve éveillé ! Notre adoration était réciproque et il me le prouva de la plus belle des manières. Pâris et lui trouvèrent un prêtre et un dignitaire pour nous marier. Ils me firent la surprise, cette journée fut un coup de théâtre dans mon cœur, dans ma vie et en tant que femme !

— Un mariage d'amour et de respect, vous me redonnez espoir ! m'exclamai-je.

— Malheureusement, l'an passé un ouragan a ravagé l'île, déjà éprouvée par l'avalasse deux mois plus tôt. Mon époux est décédé en voulant sauver les autres.

— Je suis désolée...

— Il me manque, à chaque instant, murmura-t-elle, mais Pâris est mon plus grand soutien ! Nous sommes venus en France, car l'île dévastée et sans défense a été bloquée par les Anglais. De plus, mon beau-père est mourant. Ces dernières heures sont aussi difficiles que nos relations ! Son nom va disparaître avec lui et ses richesses reviendront à son neveu. Pâris souhaiterait trouver un charmant jeune homme qui m'accorderait un mariage arrangé pour me permettre de vivre à l'abri du besoin.

— Encore une fois, l'injustice confisque l'égalité aux femmes !

— Mon ami m'a laissé entendre que vous aimeriez prendre part à certains débats.

— Oh oui, j'adorerais pousser le cri de la révolte !

— Pensez-vous pouvoir agir de cette façon sur le fond ?

— Comment, demandai-je interloquée.

— Ne vous m'éprenez pas, j'appuie votre cause ! Je vais vous donner vos entrées pour un « salon d'esprit » qui a lieu demain. Vous pourrez échanger avec Charles Fourier.

— Le philosophe ?

— Oui, c'est un fervent défenseur de nos droits et ses idées sur ce sujet se dessinent dans ses écrits. Je vous ferais parvenir une lettre par mon garçon de courses, il a toute ma confiance. Peut-on se fier à votre chaperon, me demanda-t-elle en fixant Anceline restée en retrait.

— Oui, elle est ma famille.


Louise me laissa sur ma faim en mettant un terme à notre conversation. Elle me conseilla de choisir une robe avec une couleur triste et jurant avec mon teint pour freiner les prétendants. Le vert d'âtre me sembla tout indiqué !

Je rejoignis Anceline avec mon paquet, refermant ma tenue digne de notre mascarade et nous sortîmes toutes les trois dans la rue animée.


— Où se trouve votre cocher ?

— Il est stationné sur le pont des arts, répondis-je

— laissez moi vous faire profiter de ma berline. J'insiste ! Votre femme de compagnie ne verra pas d'inconvénient à prendre place près de mon conducteur.


Obéissant, mon corps passa la porte de la voiture de maître et mes yeux se posèrent sur Pâris assis à l'abri. Louise, le regard pétillant de malice me fit un signe de la main et ferma le battant. Je l'entendis donner les consignes pour le trajet avec un supplément de détours.


Mon corps réagit immédiatement et avec une grande intensité dans ce petit espace qui le rapprochait de moi. Une vague, déferlante de bonheur arriva en même temps que son sourire ravageur.


— Comment se porte mon aventurière ? me taquina-t-il ?

— Hormis le fait que mes parents organisent un bal dans cinq jours, pour me trouver un mari de belle noblesse afin de nous unir dans un délai écourté, je vais plutôt bien ! Je songe à m'enfuir et à me cacher jusqu'à ma majorité matrimoniale !

— Je suis désolé, déclara-t-il. Votre père déteste ma famille, nous voir ensemble a précipité ses mauvaises décisions ! J'irai lui demander votre main et vous serez libre de me suivre ou de vivre votre vie !

— Mon frère lui a déjà soumis cette option, lui confiai-je, mais son orgueil est bien plus grand que son intérêt pour moi !

— Alors je vous aiderai à fuir, nous prendrons le premier bateau.

— Que faites-vous de Louise ? Que deviendra Victor ? Je partirai sans me battre ? Et puis, je ne veux pas vous entraîner dans ma chute.

— Anna ! je vais vous appeler ainsi pour que votre prénom entre mes lèvres vous souffle toute l'intimité qui nous lie déjà ! Dès notre premier échange, va vie s'est fusionnée à la vôtre !

— Comment en être certaine. Je suis convaincue que nos opinions convergent vers le même point, mais nos corps sont-ils prêts à s'imposer l'un à l'autre ?


Il quitta sa banquette et glissa aux côtés de mon être en alerte. Sa peau frictionnée à l'eau parfumée m'enivra et je sentis son souffle délicat près de mon oreille.

— laissez-moi vous courtiser encore un peu, chuchota-t-il.

— Juste un baiser ! J'ai besoin de savoir, l'implorai-je.

— Je ne voudrais pas donner l'impression de profiter de la situation.

— Mais puisque c'est moi qui vous le demande !


Pâris posa sur ma joue une bise pleine de sous-entendus.


Frustrant !


— Non ! J'ai envie d'un vrai baiser ! Une promesse signée de nos lèvres, un contrat

d'âmes !



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20

20 commentaires

cynthia1609

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Il y a 4 ans

Je suis un peu mitigé concernant ce chapitre. J’ai trouvé l’idée du pli envoyé par Louise très bonne. D’ailleurs je m’étais complètement trompé mais je suis restée sur la fin. J’aurais adoré que Louise nous apprenne un peu plus sur Pâris. Ensuite j’étais aux anges de voir qu’ils allaient passer un moment ensemble. J’aime le lien qui les unit. Ton style s’affirme au fil des chapitres et je rentre de plus en plus dans ton univers.

Azilizaa

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Il y a 4 ans

La qualité est toujours au rendez-vous. L'intrigue se maintient. Tu sais tenir ton/ta lecteurice en haleine. Une phrase m'a paru maladroite "cette journée fut comme un coup de théâtre dans mon cœur, dans ma vie et en tant que femme."Je trouve que le dernier élément juxtaposé ne va pas avec les deux premiers, car il n'est pas du même ordre. Je passe à la suite !

Senefiance

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Il y a 4 ans

Je note, merci !

Nascana

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Il y a 4 ans

C'est triste pour Valentin. En plus, il est décédé en aidant les autres. Un homme bien. Le coup du baiser, je ne m'y attendais pas. Elle en demande beaucoup !

Senefiance

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Il y a 4 ans

Oui, elle est gourmande :)

BastienD

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Il y a 4 ans

quelle frustration a la fin

Senefiance

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Il y a 4 ans

Et ce n'est pas la dernière !

Ashley Moon

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Il y a 4 ans

Quoi un petit bisou c'est tout ? ahaha elle veut plus la dame ! C'est sur ce chapitre que termine ma lecture binôme, mais je continuerai à te suivre de toute façon, je veux savoir ce qu'il se passe héhé :)

Senefiance

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Il y a 4 ans

Avec plaisir ! Merci !

Amélie Marion

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Il y a 4 ans

Très bon chapitre et vivement la suite
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