Fyctia
rébellion silencieuse
Écrasés par le silence de plomb, nous prîmes place dans notre calèche, où mère non loin du malaise, était déjà installée. La tension siégeait dans l’alignement du corps familial. Ce désordre visible me perturbait et ne me laissait qu'un angle de vue sinistre pour les heures et les jours à venir.
J'évitai le regard de mes parents et me concentrai sur le balancement réconfortant de notre voiture de maître. Ce luxe tapageur à quatre roues, vitrine de la richesse de nos armoiries, avait été choisi pour la pureté de ses lignes et ses formes généreuses. Ma mère le trouvait très assorti à ses toilettes raffinées. Il avait également pour vocation de m'offrir mes futures promenades romantiques. Chaperonnées bien sûr !
Notre écrin sortit de la ville et mon père n'avait toujours pas prononcé un mot. Peu de temps après, notre équipage s’engagea dans une allée sombre parsemée de bouleaux. Nous fîmes face à notre manoir et à sa façade au relief marqué, avec ses nuances de pierres calcaires et de granit. Ses deux tours, au garde à vous, surplombaient le perron et ma posture.
Mère donna l'ordre à ma suivante de me conduire jusqu'à ma chambre. La première punition était donc de me laisser m'endormir avec mes tourments et mes questions. L'angoisse de la confrontation s'imprima dans mes draps, pourtant mes songes prirent aussi la saveur de ma soirée aux côtés de Pâris.
Le grincement de la porte me délivra de l'imbroglio qui sévissait dans mon esprit. La lumière d'une lampe à huile coula dans la pièce et démasqua la pénombre. Discrètement, Victor s'approcha et s'assit au bord de mon lit. La lueur souligna son inquiétude et son agitation.
— Tu n'es pas avec tes amis ? chuchotai-je.
— J'hésite à m'éclipser, tu as peut-être besoin de compagnie ?
— Il est hors de question que je brise cet air de liberté, dis-moi juste ce que tu sais des ressentiments de père et mère.
— Malheureusement, ce sont l'orgueil et leurs principes d'antan qui parlent ! constata-t-il. Ton prétendant appartient à l'une des familles élites de l'empire et leur succès dans les affaires écrase les ambitions de père ! Ce soir il a échoué dans la négociation d'un contrat marchand au profit du père de Pâris, le Duc de Rivoli !
— Un Rivoli ! Étonnant ! Donc, j'ai dansé avec les deux comtes de Rivoli sans le savoir. Ces frères sont aux antipodes de la vision de la vie.
— Disons que Jules vit dans les jupons de sa mère et Pâris a l'âme d'un aventurier ! railla-t-il.
— Je dois le revoir absolument ! Je désire être maîtresse de mon destin et je dois savoir s'il en fera partie ! Va t'amuser et nous réfléchirons ensemble demain.
— Tu as raison. Arrêtons de vouloir ! Agissons ! conclut-il en m'embrassant sur le front.
Il disparut et je m'endormis en écoutant les battements de mon cœur, prémices des tambours de cette envie de petite révolution qui venait de naître entre ses quatre murs.
Dès l’aube, j'entendis les oiseaux chanter mon désarroi. Tendue, j’étais incapable de rester au lit. Je guettai alors, le son des cloches, afin de mesurer le temps qui me séparait de mon entretien très personnalisé avec mes censeurs.
Lorsque de nouveaux coups retentirent, je descendis à reculons vers la salle à manger. Mes parents étaient déjà attablés et le personnel de maison avait déserté la pièce. Mauvais présage ! Je pris place sur la chaise des accusés. Chacun guignait la réaction de son voisin.
Je remplis ma tasse de thé, tandis que mon père me servit sa logorrhée. Il balançait ses mots d’une façon implacable. Il parlait, je subissais.
— Votre mère et moi avons décidé d'organiser un bal ce samedi, pour vous trouver un mari de belle noblesse, sans attendre ! Quelques promenades superflues à mon goût et la négociation de votre dot ne devraient pas prendre plus de 30 jours. Vous serez une parfaite maîtresse de maison d'ici peu de temps !
— Un accord avec le comte de Rivoli, vous garantirait une expansion de votre richesse et de votre pourvoir, intervint Victor en franchissant le seuil de la porte.
— Je vous interdis d'interférer dans cette affaire ! Vous n'êtes pas à hauteur de la tâche ! hurla père. Estimez-vous heureux que je vous laisse sortir à la nuit tombée pour rejoindre tous ces dépravés !
— Père, implorai-je meurtrie.
— Je n'ai de comptes à rendre à personne sur mes propos ! aboya-t-il en tapant du poing sur la table. Chère fille indocile, vous avez atteint votre nubilité depuis trop longtemps. Votre mère a préféré tenter de marier votre frère en premier, pour nous éviter les rumeurs. Et regardez où nous en sommes ! Votre majorité matrimoniale se rapproche doucement, mais sûrement. Soyez certaine qu'elle ne sera jamais une porte de sortie !
Il venait de m’achever entre deux gorgées. Mon sang ne fit qu’un tour, mon intérieur bouillait. Il existait en moi une dualité interne troublante, j’avais à la fois, envie de fuir et de lui jeter ma fureur en plein visage. Victor posa sa main sur la mienne, pour m'apaiser. J'inspirai longuement et repris mes esprits. Sans le vouloir, père m'avait peut-être révélé une partie de la solution. Je lançai un regard plein d'espoir à mon soutien et son sourire renforça ma détermination.
En attendant, je décidai de faire profil bas et de jouer une parfaite comédie.
— Très bien père, si c'est ce que vous désirez ! dis-je en masquant ma désinvolture.
— Vous voyez ma chère, reprit-il en s'adressant à sa compagne, la discipline et l'autorité sont les bases de l'éducation et du respect, j'espère que vous n'échouerez plus !
L'homme tyrannique et cassant quitta la pièce, laissant mère dépitée. Encore une fois, je me demandai jusqu'à quel point cette épouse subissait cette suprématie. Victor et moi, sortîmes et l'abandonnâmes clouée sous le poids de cette influence.
Anceline, cuisinière pour les uns, confidente pour moi, m'interpella lors de mon passage devant l'office.
— Mademoiselle Anna, chuchota-t-elle le sourire jusqu'aux oreilles. Un garçon de courses a déposé ce pli et m'a demandé de vous le remettre avec la plus grande discrétion !
Mes lèvres traduisirent ma joie et mon excitation. Submergée, je m'empressai d'ouvrir cette lettre afin de lire les mots de Pâris. Quel fût mon étonnement que je réalisai que ce message ne venait pas de lui !
13 commentaires
cynthia1609
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Il y a 4 ans
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danielle35
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shane
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Il y a 4 ans