Fyctia
Chapitre 6-2
Puis il s’éclipse dans la foule. Je me retourne vers Chantie qui continue ses courses normalement. Elle prend quelques abricots et me dit qu’elle a terminé son petit tour. Elle a fait pas mal d’achats alors qu’elle vit seule, mais c’est sûrement parce qu’elle doit adore se faire de bons repas. Elle est une femme passionnante, si bien qu’en sortant du marché, je n’ai même pas vu le temps passé et j’ai surtout fortement apprécié ce moment que j’ai passé avec elle. Elle est douce, attentionnée, intelligente et elle a ce petit quelque chose qui donne envie de se confier, de rester près d’elle comme si elle pouvait tout arranger. Alors que je porte son sac de courses pour le retour, je bois ses paroles sur la façon qu’il faut faire un tiramisu au chocolat inratable.
— Voudrais-tu rester déjeuner chez moi avec des produits frais du marché que nous venons d’acheter ? me propose-t-elle gentiment.
— Je ne voudrais surtout pas t’embêter.
— Oh ! Tu sais, Leslie, ça ne me dérange absolument pas ! Au contraire, tu sais, une pauvre vieille dame comme moi n’a pas beaucoup de visites, alors si tu pouvais passer un peu de temps avec moi, je ne serais absolument pas contre. Je suis une personne qui aime bien accueillir, alors ne pense pas me déranger, tu me feras bien plus plaisir en restant, mais je ne t’oblige pas !
— Dans ce cas, pas de soucis, je reste avec toi !
— Super, allez rentrons !
Nous rentrons toutes les deux chez elle et l’aide à ranger toutes ses courses. Je lui demande si elle souhaite de l’aide pour cuisiner et décline ma proposition. J’insiste et elle finit par accepter. Heureuse de ne pas cuisiner seule, elle deviendrait presque un moulin à parole en me racontant ce qu’elle aime manger. Je l’aide à éplucher et découper les légumes et lui demande des petits conseils pour cuisiner de bons petits plats. J’aimerai bien reproduire sa recette de canard à l’orange dont elle m’a parlé ce matin. Je suis certaine que Donovan adorerait ce plat. Je prends note sur mon portable et écoute attentivement ses « attention à… ».
Après une bonne demi-heure de préparation, le plat est au four. Les saveurs se mélangent en symbiose. En attendant qu’il soit cuit, nous nous asseyons autour de la table de la cuisine et faisons un Memory. Je remarque que Chantie est très forte à ce jeu et qu’elle a surtout beaucoup de chance. Je vois bien qu’elle est contente de pouvoir jouer avec quelqu’un.
— Chantie, dis-moi, pourquoi n’essaierais-tu pas un club de jeux de société ? Peut-être que tu pourrais vraiment t’amuser !
— En effet, ça pourrait être une bonne idée. Je m’ennuierai probablement moins, toute seule, ici.
— Est-ce que tu veux que je regarde ce qui existe ?
— Oh oui, pourquoi pas ! Si possible vers Villejean, ou alors qui n’est pas très loin d’une station de métro. Je ne suis pas très fane des bus à Rennes, et si je pouvais utiliser seulement le métro.
— D’accord, j’y ferai attention.
Alors que nous discutons, mes narines frémissent. L’odeur du plat que nous avons cuisiné ensemble a l’air de bien cuire dans le four. Nous terminons notre partie de Memory et nous nous attelons à mettre la table. Une fois mise, Chantie vérifie la cuisson de la viande et des légumes. Puis, en acquiesçant légèrement d’un coup de tête pour elle seule, elle sort le plat du four et le pose sur une planche à découper en bois, d’une épaisseur d’au moins quatre centimètres.
— Tu veux que je découpe la viande ?
— Oh si tu me le proposes, oui, je veux bien.
Je me lève à mon tour et découpe la viande avec un couteau bien aiguisé. Puis, je pose la plat au milieu de la table ronde sur un dessous de plat. Je sers Chantie, puis, me sers. Son plat ravit mes papilles avant même que je n’y goûte. Rien qu’à l’odeur, j’en ai déjà l’eau à la bouche. Quelle bonne cuisinière ! J’aurai aimé qu’elle soit ma grand-mère. Elle est si douce, si gentille et même si ça fait peu de temps que je l’ai rencontrée, elle me fait un bien fou. Je ne sais pas comment elle fait pour m’apaiser, mais, une chose est sûre, elle a des pouvoirs thérapeutiques.
Après le repas, je l’aide à faire la vaisselle et la remercie pour le déjeuner. Je lui souhaite une bonne après-midi et lui dis à mardi prochain au marché. Je quitte son chez elle, et me rends à l’appartement de Donovan. À peine arrivée, toute enjouée de ma matinée avec Chantie, mon sourire s’efface lorsque je retrouve devant la porte, une enveloppe avec écrit « Leslie ». Je n’ai pas besoin de scruter l’enveloppe sous toutes ses coutures pour reconnaître l’écriture de mon ex. Je ne sais pas comment il a fait pour me retrouver, mais il a réussi. Je ne suis même plus en sécurité chez Donovan. Je regarde partout autour de moi et une fois rassurée, je récupère la lettre et rentre. Je referme la porte à clef juste derrière moi et pose me hâte vers la chambre. Je m’installe sur le lit et dépose l’enveloppe, en face de moi, sur la couverture. Tremblante de panique, j’essaie de garder mon calme en me disant que ce n’est pas possible et que c’est sûrement une erreur. Pourtant, ce bout de papier est bien devant moi et je ne suis pas folle. Enfin, je ne crois pas…
Une vingtaine de minutes plus tard, je réussis à me calmer. Je prends mon courage à deux mains et ouvre l’enveloppe. Je découvre une feuille pliée à l’intérieur et en la dépliant, seulement quelques mots sont écrits, en gras, en capital : « TU VAS ME LE PAYER, TU ES À MOI ». Une photo accompagne le message : Donovan sortant de son travail. Deux gouttes de sang ont été coulées sur la photo. Je porte ma main à ma bouche et écarquille les yeux, les larmes montent et mon cœur s’accélère. Il ose menacer mon meilleur ami. Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas le laisser faire et je ne peux pas non plus le confronter seule, mais si je viens avec Dono, il risque de lui faire du mal et je ne peux me résoudre à cela. Donovan a toujours été là pour moi et je refuse qu’il se mette en danger pour me protéger.
Ne voulant pas inquiéter mon meilleur ami, je cache la lettre entre mes vêtements dans l’armoire. Angoissée, je regarde partout autour de moi et tourne en rond dans l’appartement à la recherche d’une solution. Je me suis promise de ne plus jamais retourner dans ses bras, de ne plus céder à ses menaces, mais il ne s’agit même plus de moi, il s’agit désormais de mes proches et je ne peux pas prendre cette situation à la légère.
Mardi 11 avril 2023, à 17h55.
Donovan rentre et vient s’installer près de moi, sur le canapé, tout content. J’essaie de mettre un masque : je ne veux pas qu’il se rende compte que quelque chose ne va pas. Je ne veux surtout pas l’inquiéter. J’arbore un joli sourire et lui demande ce qui le rend aussi gai. Il se frotte les mains comme s’il attendait que je lui pose la question. Il s’installe correctement pour être face à moi et commence à me raconter son histoire.
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