Fyctia
Chapitre 2-1
Jeudi 6 avril 2023, 16h34.
Je sors de la douche, l’eau ruisselant encore sur mon corps. Je me regarde dans le miroir au-dessus du lavabo et ne peux m’empêcher de faire une fixette sur les vergetures au niveau de mes hanches. Le regard dans le vide en réfléchissant à la conséquence de mes excès, j’attrape une serviette et l’enroule autour de moi. Je me munis d’une brosse à cheveux et tente de les arranger sans me les tirer. Pas besoin d’une loupe ou de miroir grossissant pour remarquer mes énormes cernes sous les yeux. J’ai toujours les mêmes depuis trois jours. Décidément, je n’arrive pas à m’en débarrasser. Une fois la tignasse domptée, je me sèche et m’habille avec la tenue que j’ai préparée avant de me glisser sous la douche : un jean en cuir, une blouse blanche et une paire de baskets blanches. Je n’ai pas eu le courage, en regardant dans ma penderie, de prendre l’une de mes robes que j’aimais tant porter avant. C’est comme si je ne me sentais plus légitime d’en porter, comme si je n’en avais plus le droit, ou du moins, que je ne pouvais m’en laisser le droit. Je sais que je suis la seule qui me pose des limites invisibles et qui me pourrit l’existence, mais c’est ainsi et je sais que tant que j’aurai peur de mon passé, ça ne changera pas.
Habillée, je sors le sèche-cheveux et le lisseur pour me préparer à sortir. Lorsque Donovan sera rentré, il prendra juste le temps de mettre un peu de parfum et de déodorant et on partira à Sainte-Anne. Je me dois alors d’être prête avant qu’il n’arrive et vu ma tête, je vais mettre du temps à rattraper la couleur verte sous mes yeux, même avec une bonne dose d’anti-cernes. Je m’attelle à mon ravalement de façade et une fois satisfaite, je range tout mon bric-à-brac dans ma trousse de maquillage. Je m’observe une dernière fois dans le miroir et sors de la salle de bain.
Je jette un œil à l’horloge accrochée à l’un des murs du salon : 17h45. J’ai mis plus d’une heure à me préparer et honnêtement avec la tronche que j’avais au départ je trouve que c’est un très joli score. Donovan a terminé sa journée, il ne devrait pas tarder à arriver. Durant la vingtaine de minutes d’attente, je tapotais mes doigts incessamment sur ma cuisse et jouais de la patte folle. C’est très long d’attendre quand on sait ce qui va se passer. Ça va être la première fois que je sors pour une autre raison qu’un but impérieux. Sortir, juste pour m’amuser, me détendre. Ils me paraissent antonymes et pourtant, c’est bien ce qu’on va faire ce soir.
Donovan est arrivé, il se parfume comme je l’avais prédis et revient dans la cuisine pour me dire qu’on y va. Je prends ma veste en cuir et mon sac à main et le suis. Il referme la porte d’entrée à clef et nous descendons. Sortis de l’immeuble, nous nous dirigeons vers la station de métro Villejean-Université et prenons la direction La Poterie pour nous rendre à Sainte-Anne. En moins de cinq minutes de métro, nous sommes arrivés à la place Sainte-Anne. Bien qu’un peu hésitante en voyant le monde, Donovan me donne la main et me sourit.
— Tu connais un bar où tu voudrais aller en particulier ?
— C’est comme tu veux. Je ne connais que Tio Paquito alors, tu sais…
— On a qu’à y aller. Tu ne seras pas dépaysée si on va dans un bar que tu connais déjà.
— D’accord, allons-y.
Nous marchons à peine quelques minutes et entrons dans le bar déjà plein. Donovan avait oublié un détail important à sa superbe soirée. Nous sommes jeudi et le jeudi, c’est la fiesta pour beaucoup d’étudiants. La fameuse Rue de la Soif est blindée alors qu’il n’est même pas encore 19h00. Je sens d’ailleurs que Dono n’avait vraiment pas prévu ça. Il est assez tendu alors qu’il me hisse entre les gens vers le fond du bar où une petite table pour deux personnes est étonnement libre. Nous nous y installons et je souris de manière un peu forcée à mon ami. Je ne suis pas très à l’aise. Il y a beaucoup de monde et ça fait beaucoup pour moi d’un coup. Alors, je sors de mon sac à main une plaquette d’anxiolytiques et en prends un cachet. Je n’ai pas très envie de faire une crise d’angoisse et au vu de la situation, je pense que c’est la meilleure solution pour éviter ça. Je n’ai pas très envie de froisser Dono alors qu’il prend déjà sa soirée avec moi et partir ne lui ferait pas honneur. Pourtant dans sa grande compassion, il me demande si je ne préfère pas m’en aller. Je lui fais un signe de tête à la négative, maintenant que nous sommes là, je n’ai qu’à essayer. Je n’oserai peut-être pas à nouveau si on rentre. Je dois faire des efforts et même si ça risque d’être difficile, je suis certaine qu’avec un peu d’alcool j’arriverai à faire abstraction du monde qui danse et crie autour de moi.
— Qu’est-ce que tu aimerais boire ? Je vais aller commander pour nous.
— Juste un Mojito à la menthe s’il te plaît.
— Parfait, j’y vais. J’en ai pas pour longtemps, ne t’inquiète pas.
Il se lève et s’éclipse dans la foule pour rejoindre l’une des deux barmaids. Je tripote le porte-clef qui pendouille de mon sac à main. Pourquoi est-ce devenu si difficile pour moi de sortir alors que c’était tellement naturel auparavant ? Je psychose vraiment pour un rien. Comme s’il allait passer son temps à me suivre partout ! Il a son boulot, je pourrai quand même sortir durant les heures de travail. Pourtant je sais que ce n’est pas aussi simple, il ne suffit pas de dire que l’on ne risque rien pour être rassuré et faire les choses normalement. Combien de mamans sont angoissées à l’idée qu’il arrive quelque chose à leur enfant sur leur trajet, quand bien même elles savent qu’ils vivent dans un quartier safe ? Je pense que j’essayerai davantage de sortir le jour, juste pour des petites courses et si je me persuade que c’est important, ça m’aidera davantage à sortir. Il faut que je reprenne ma vie en main et je pense que ça commence comme ça. Je n’ai pas le choix, si je veux pouvoir reprendre une vie normale comme toutes les jeunes femmes de vingt-huit ans je vais devoir me pousser à faire des sorties.
— Je suis de retour ! Tiens, voici ton mojito à la menthe.
Il dépose le verre devant moi en souriant. Il a quand même l’air content que l’on sorte tous les deux. Peut-être qu’il attendait ça aussi depuis un moment. Nous sortons jamais pour nous amuser mais plus pour faire les courses ou si j’ai absolument besoin d’aller quelque part.
— J’espère que je n’ai pas été trop long, s’inquiète-t-il.
— Oh non, pas du tout. Je n’ai quasiment pas attendu et puis c’est normal si elles sont débordées avec le monde qu’il y a ce soir.
— À ce propos, je suis vraiment désolé, j’ai complètement oublié que c’était le jour des rassemblements étudiants pour se bourrer la gueule et oublier à quel point les études sont dures. J’aurai dû y penser, je suis vraiment désolé.
— Tu n’as pas à t’excuser, ce n’est pas grave. On va quand même s’amuser, même si on est loin d’être dans l’intimité, le rassuré-je en souriant.
— Oui, tu as raison.
2 commentaires
Shaddie.M Lynss
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Il y a 2 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 2 ans