Fyctia
Eldine
Zahrédine
« Quelle finesse », commenta Elia, bras croisés.
« Il faut être habile pour faire autant de choses à la fois, tu sais ? » Répondit Rhija avec sérieux, mais les yeux rieurs du vieux guerrier trahissaient son amusement du moment.
Ari arrivait aux côtés de Gatien. Chargé, mais tenté. Depuis leur départ de Khizaan, les étrangers étaient en train de réprimer tant bien que mal leurs plus bas instincts. Ce soir, une opportunité était à saisir, et Ari n’eut même pas à insister. Zahrédine fit signe à Rhija qui se trouvait désormais lui aussi en contrebas. Le murmure d’une langue inconnue se fit entendre. Un murmure auquel les humains ne résisteraient pas. Kahina non plus, elle n’avait pas l’entraînement pour. Le seul danger venait d’Anna, ou plutôt de l’élémentaire qui lui tenait compagnie.
Zahrédine indiqua à Elia de le suivre dans le silence. Lanterne toujours à la main, Gatien fanfaronnait, il avait renversé un peu d’alcool sur ses vêtements à cause de la fougue d’Ari. Zahrédine regardait la flamme qui dansait dans sa lanterne. Petite et presque insignifiante, elle se déchaîna tout à coup et l’ouverture céda dans l’indifférence totale de Gatien.
Pourquoi aurait-il besoin de la compagnie d’un élémentaire, après tout ?
Brûle
La flamme lécha le vêtement souillé, imbibé d’alcool et le conquit. Le temps que l’infortuné réalise ce qui était en train de lui arriver, plus rien ne pouvait plus l’empêcher de devenir une torche humaine. Ari s’était éloigné depuis longtemps de sa proie pour profiter du spectacle. Une démonstration de puissance d’un représentant noble au sang pur de la caste supérieure, c’était toujours un grand moment de plaisir et de contemplation.
Un rire joyeux se fit entendre : le duo infernal que formait Elia avec son élémentaire s’en donnait à cœur joie. Il ne fallait pas que cet idiot mette le feu aux tentes. Les obstacles de sables qui se dressaient sur le chemin de cet être consumé par les flammes empêchaient ce risque inutile.
Vint le moment où les cris cessèrent et où le corps désarticulé tomba au sol et où. Les flammes s’estompèrent et Zahrédine exultait : c’était beau et libérateur. Les guerriers se rapprochèrent de la masse torturée et encore fumante qui s’étendait à présent sur le sable.
« Plus que deux, chef ! » Lança une Ari enjouée. La voilà qui était enfin délivrée des tentatives désespérées du meneur de la troupe des étrangers.
« Elle n’en voudra pas, il est trop carbonisé…
— Tu es sûr, Merak ? » S’enquit Zahrédine qui ignora la félicité d’Ari.
Il n’avait pas envie de trouver un autre moyen de se débarrasser du corps. Le jeune Merak s’avança, et s’accroupit devant le corps pour l’examiner. Il releva la tête vers Zahrédine, les reflets dorés de ses yeux brillaient dans la nuit. Zahrédine savait que cela révulsait les autres, mais ni Merak ni lui n’en avaient cure.
« Certain », conclut le jeune homme.
« Ah… Eldine ! Laissez-nous.»
Zahrédine ne réagit pas, et tous surent ainsi qu’ils devaient écouter Zaliya. Ils se retirent en silence, non sans que Zahrédine ne puisse lire une immense satisfaction sur le visage d’Ari et d’Elia. Zaliya vint se mettre à sa hauteur pour juger, les bras croisés, l’œuvre du fils prodigue qu’elle n’eut jamais la joie d’enfanter.
« Pas mal, et pour la jolie fleur numéro un ?
— Sois plus explicite, je t’en prie… »
Un air de défi dans la voix, il la mettait en garde de lui proposer encore une seule fois de faire disparaître les filles.
« Tu sais qu’à terme, elle peut être un danger. Je ne suis pas dupe, cette gamine est possédée ! » Siffla Zaliya.
Des remontrances, voilà à quoi il avait droit.
« Une gamine humaine avec qui un élémentaire s’amuse te fait frémir, Zaliya ?
— Ici, là, tout de suite ? Oui. »
Zaliya non plus n’avait pas eu le bonheur de rencontrer un élémentaire comme compagnon de vie. La vérité était la suivante : les élémentaires avaient tendance à fuir les descendants supérieurs nobles : trop vaniteux, puissants et dangereux pour les djinns aux souhaits bienveillants. Zahrédine et sa famille étaient évités comme une maladie mortelle par ceux qui étaient encore en liberté. Il faut dire que leurs ancêtres les avaient emprisonnés, asservis et en avaient éliminé ou neutralisé les plus récalcitrants. Mais les djinns ont la mémoire longue, autant que leur existence. Leurs royaumes sont désormais des ombres dans le désert, des songes que les légendes humaines racontent. Et pourtant, ils sont là, et si de leur grandeur d’autrefois, plus rien ne subsiste : leurs souvenirs persistent.
« Je te l’interdis, Zaliya. C’est un ordre.
— Comme tu voudras, Zahrédine.
— Et débarrasse-nous de ça…
— Peur que la jolie, mais néanmoins plus commune, fleur du désert te déteste encore plus ? »
Zahrédine qui s’était retourné pour partir se coucher s’arrêta net, que n’avait-il plus de feu à attiser… Zaliya le rendait fou, et Anna ne la dupait plus.
« En plus, cela pourrait calmer le nouvel ami de la jolie fleur du dés…
— Anna, son prénom est Anna. Ne me pousse pas à bout, Zaliya. Mais tu pourrais avoir raison. Laissons-les découvrir le corps, et puis tu t’en occuperas. Pas un des jumeaux ou Merak non, toi… »
Il pouvait respirer la détresse de sa parente, une humiliation pour elle de s’occuper d’un cadavre. Son rang était trop haut, la tâche incombait d’ordinaire à Merak et ses semblables. En arrivant à sa tente et en en soulevant un des pans, il se sentait soulagé. Il allait avoir une nuit des plus paisibles après avoir laissé ce qui le définissait au plus profond de lui-même s’exprimer.
« Zahrédine…
— Tu ne vas pas t’y mettre, pas toi …
— Le désert chante, nous l’entendons.
— Ravi, je n’ai pas cette chance et tu le sais.
— Il chante la promesse d’une bataille. »
Zahrédine se retourna et fit face au vieil homme. Il savait qu’il devait plus que tout l’écouter lorsque la voix de ce dernier se faisait plus rauque, plus jeune aussi. Rhija et Muazi, son élémentaire, étaient de son côté. Il était rarissime qu’un élémentaire accepte que son compagnon donne son nom. Mais Muazi était bienveillant. Bien que très puissant et ancien, il avait confiance.
Et comme bon nombre d’élémentaires d’eau, il cultivait non seulement la sagesse, mais aussi la tranquillité. Rhija confiait souvent à Zahrédine le respect de son élémentaire à son égard.
« J’enverrai Zayr prévenir les autres demain, des renforts nous seront envoyés. Je te le promets, mon ami .» Devant le sourire de Rhija et la tête qu’il inclina avant de se retirer, Zahrédine sut qu’il avait contenté Muazi. Une courte de nuit de repos s’offrait à lui.
Kahina sera furieuse…
Il sourit en pensant à cette éventualité.
Osera-t-elle perdre son sang-froid devant tout le monde ?
Non, il ne le pensait pas. Elle était trop intelligente, il savait qu’elle trouverait un autre moyen de se venger du mauvais coup qu’il venait de lui faire.
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Mélodie.O
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Suelnna
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chloemaxcence
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Isaure DV
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Suelnna
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Elodée
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