Fyctia
Des murs bien intéressants
Kahina voulut protester, mais trop tard, Anna avait sommé son cheval de prendre le galop. Avec un rire moqueur, la cadette se lança à la poursuite de son aînée.
Une fois proches des ruines, Kahina grimaça en comprenant que Zahrédine les attendait en retrait de celles-ci, perché sur Zawar, son bel étalon noir. Elle ne pouvait pas encore distinguer les traits de son visage, mais imaginait sans peine ces derniers. Elle pressentait la violence de la tempête qu'elle allait devoir braver. Elle, pas sa sœur. D'ailleurs, le fait que Zahrédine soit posté là à les attendre n'inquiétait pas le moins du monde Anna, qui bifurqua afin d'éviter le chef des guerriers, lançant par-dessus son épaule ce que Kahina préféra prendre pour un encouragement, à défaut d'autre chose :
« J'ai gagné “sœurette” ! »
Et moi, je vais me faire tuer…
Kahina décida d'affronter la sombre tornade qui l'attendait, et c'est au pas qu'elle arriva à hauteur de Zahrédine pour arrêter son cheval en face du sien. Seulement, ce n'était pas elle qu'il fixait. Elle, il ne la voyait même pas. Elle tourna lentement la tête pour regarder les jumeaux qui avaient tous deux la tête baissée. Ils évitaient soigneusement tout regard vers leur chef qui, lui, avait pourtant les yeux rivés sur eux.
« Disparais. »
Son ton était sec et tranchant. Si Kahina n’avait pas été pétrifiée par la rudesse avec laquelle il s’était exprimé, elle se serait exécutée sans même broncher. Mais le coup de massue verbale qu'il venait de lui asséner était bien trop violent. Il ne lui avait même pas porté un seul regard et avait continué de dévisager les deux malheureux qui se tenaient aussi devant lui. Avant qu’elle ne puisse se reprendre pour demander à sa monture d'avancer, cette dernière reprit son pas d'elle-même.
Brave bête, arriva-t-elle penser, toute traumatisée qu’elle était.
En chemin, elle croisa Rhija qui affichait quant à lui une mine inquiète. Il prit la peine de lui parler, sans artifice ni légèreté cette fois, mais toujours avec le ton posé qui caractérisait ses prises de paroles de vieux guerrier assagit par les années :
« Une journée n'était pas nécessaire, je crois. Nous avons besoin de vous ici. J'ai dit à Zahrédine que c'était une mauvaise idée de confier cette mission aux jumeaux. Ils sont bien trop jeunes, mais notre chef est confiant. »
Kahina ne put que déglutir.
Confiant ? Oui, la confiance règne chez cet homme, c’est une évidence ! se garda-t-elle de répondre.
Puis de toute façon, elle n'en aurait probablement pas été capable. Et au vieux guerrier de conclure en soupirant :
« Après tout, ne dit-on pas qu'avec l'expérience vient le savoir ? »
Elle leva ses yeux de l'encolure de son cheval et examina la face burinée par le soleil de Rhija. Elle planta ses yeux noisette dans les siens et crut y déceler des reflets verdoyants :
— Tu informeras ton maître que je pense avoir réussi ma mission.
— Mon maître ? »
Le vieil homme ricana d'une voix plus rauque que celle que Kahina lui connaissait. Elle fronça les sourcils et contenta de faire avancer son cheval, elle n'était pas d'humeur. Elle voulait aller dormir, et oublier cette journée. Dans sa déception, elle ne remarqua pas que le regard de Rhija, tourné désormais vers un Zahrédine à l'âme plus furieuse que jamais malgré le calme extérieur que son corps affichait, avait pris une teinte bleue comme le ciel.
Sur sa couchette, Kahina se mit à appréhender la suite des évènements. Son désir le plus cher était de rentrer à Ifrin. Cette mission aura été le plus grand désastre de sa vie. Elle non plus n'était pas prête, pas parée pour faire face à ce qu'elle était en train de vivre. Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que sa sœur s'était glissée jusqu'à elle. Ce ne fut que lorsqu'un murmure la sortit de sa réflexion qu'elle en prit conscience :
« Psst, Kahina, je peux te dire un truc ?
— Oui ? chuchota à son tour Kahina.
— Garde ce fou furieux loin de moi, s'il te plaît. »
Ciel, elle est incroyable !
Kahina excédée, souffla et tourna le dos à sa sœur :
« Ne t'en fais pas princesse, Zahrédine est mon fardeau pour cette fois ! »
Elle entendit un petit rire, qui s'éloignait de plus en plus. Elle était tant éreintée que le sommeil la prit en traître.
Les jours qui suivirent, la vie reprit son cours. Anna s'était surpassée en matière de méchancetés, qu'elle adressait en particulier et sans pitié à Sam, si bien que ce dernier avait fini par prendre ses distances. De son côté, son aînée évitait à son tour Zahrédine avec soin. Mais de toutes les nouvelles habitudes de sa sœur, celle qui stupéfiait le plus Kahina était la nouvelle passion de la belle pour la lecture des écritures anciennes. Elle passait des heures devant les murs, ça en devenait presque gênant par moment. En fin de compte, Kahina avait fini par admettre que c'était mieux qu’elle se laisse conter fleurette par son futur beau-frère.
Il arrivait d'ailleurs souvent à Kahina de devoir aller rechercher sa sœur dans les ruines en début de soirée, les guerriers ayant interdit les fouilles nocturnes. Même si personne n'avait compris pourquoi, tous avaient appris à écouter. Un jour, alors qu'elle était partie à la recherche de sa sœur, elle trouva Gatien et Anna en pleine étude des murs d'une chambre découverte une lune auparavant, mais jugée sans intérêt.
« Mais qu'est-ce que vous fabriquez là, tous les deux ? lança Kahina en arrivant sur place. »
C'est alors qu'elle vit Gatien qui fixait Anna de ses yeux vairons et de sa mâchoire prognathe grand ouverts, marquant par là son incrédulité du moment. Et pour cause, sa sœur était en train de suivre les murs de ses mains, de haut en bas, de gauche à droite, marmonnant de manière courante un langage que Kahina elle-même ne pouvait que vaguement baragouiner.
« Anna... »
Sa sœur venait de s'agenouiller pour jouer avec une pierre au sol. Cette dernière se mit à bouger et Anna afficha une mine comblée. Gatien, tout aussi satisfait, prit la parole :
« Il se fait tard, on découvrira tout çà demain à la première heure ! »
Et ils sortirent tous les trois de la chambre pour se diriger vers l'extérieur des ruines. Étrangement, Gatien se tut auprès de ses camarades. Kahina quant à elle, ne pouvait détacher son regard d'Anna.
Qu'as-tu fait ? Les guerriers n’ont pas jugé cette salle sans valeur pour rien...
Kahina se sentit tiraillée par la jalousie et l’admiration, comment est-ce que sa sœur pouvait-elle se montrer si douée ?
Surtout après des années d'apparente absence d'assiduité ?
Rien n'était normal, et elle savait que quelque chose n'allait pas avec sa sœur. Elle ne la trahirait cependant qu'à moitié. En plein milieu de la nuit, Kahina se leva et se rendit sur la colline où les guerriers avaient établi leur campement. Comme par hasard, c'était Zahrédine qui montait la garde, il la jaugea de son air aussi sévère que suffisant et la questionna, son accent chantant le rendant pourtant presque amical :
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Mira Perry
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