Fyctia
Mirage Mirage
À la surprise de Kahina, sa sœur accepta de bonne grâce l'idée d'une promenade. Elle afficha cependant bien vite une mine renfrognée aussitôt qu'elle prit conscience que les jumeaux Devrim et Demir les chaperonneraient. « Est-ce vraiment nécessaire ? », s'était-elle plainte, « nous sommes surveillées comme des enfants, cela en devient pesant. » Kahina ne pouvait que lui donner raison, même si elle savait aussi que si elles se perdaient, les jumeaux seraient les seuls capables de les ramener aux ruines.
Il faisait encore nuit et après une heure de chevauchée où elles furent à moitié somnolentes, Anna s'exclama soudain :
« Regarde, là-bas ! Est-ce que tu vois l'oasis ? »
Kahina qui avait été surprise par la soudaine vivacité son aînée, sourit alors :
« C'est un mirage, Anna... »
Le visage de sa grande sœur se referma. Mais au fur et à mesure qu'elles se rapprochaient du soi-disant mirage, Kahina dût avouer que ce dernier semblait bel et bien réel.
« Bien vu, Anna ! » Se réjouit Kahina à son encontre. Il était rare qu’Anna fasse preuve de perspicacité. Assez rare pour que ce soit souligné, d’ailleurs.
Les jumeaux étaient, eux aussi, agréablement surpris. Ils étaient jeunes et se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Distinguer l'un de l'autre était impossible, surtout lorsqu'ils portaient leur chèche.
« J'ai une idée, lança Anna. On va rester ici jusqu'à ce que le soleil se couche, et puis nous rentrerons tranquillement. Ce sera plus facile pour les bêtes. »
Et pour cause, le point d’eau présent prêtait à la rêverie, davantage pour Anna que pour Kahina en fait ! Devrim et Demir se regardèrent, puis acquiescèrent d’un mouvement de tête
synchronisé. Ils attachèrent les chevaux, marquant plus explicitement leur accord.
Qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui ? pensa Kahina en examinant sa sœur. Elle décida de profiter de ce moment de sagesse que l'esprit de cette dernière semblait lui offrir :
« Il faut qu'on parle...
— Ah... c'était donc ça ! Tu crois que je ne t’ai pas vu venir, fine que tu es ! Sam a mon âge, on s'entend bien et nous pourrions être amis, ça s'arrête là ! »
— Zahrédine a...
— Oh, la paix avec celui-là ! s'emporta tout à coup Anna. Il se mêle de ce qui ne le regarde pas ! Je sais où est ma place, Kahina. Laisse-moi... »
Et elle partit s'asseoir en dessous du seul arbre que leur offrait l'oasis, profitant ainsi de la place la plus confortable. Kahina, découragée, se retourna vers les jumeaux qui lui répondirent d'un haussement d'épaules synchronisé.
Bien ! Puisque après moi, les mouches...
Consciente qu'elle avait franchi la ligne rouge, Kahina se tortilla un instant sur elle-même et observa les alentours. Du sable, partout. Inutile de tenter la conversation avec les guerriers, dans le meilleur des cas, elle se confronterait à un mur de rire. Armel aurait dû venir, il était gentil pour un Arthien. Et c'était aussi le seul à avoir feint de l'empathie pour la situation d’indifférence générale dans laquelle elle se trouvait.
Pourquoi moi ?
Elle fixa sa sœur qui était confortablement installée sous le seul point d'ombre de cette oasis. Cette dernière ouvrit un œil, aperçut Kahina, et afficha un sourire satisfait.
Oui, pourquoi moi ?
Elle dut attendre que la belle ne daigne se lever avec pour objectif d'aller se rafraîchir au point d'eau afin de pouvoir lui prendre la place. Qui va à la chasse… Elle jura voir Anna admirer son reflet dans l’eau avant d’éclater d’un rire sibyllin pour ensuite plonger toute habillée. C'était une nageuse hors pair, Kahina ne se faisait aucun souci et quand ils la virent pouffer de rire, les jumeaux se détendirent.
C'est ainsi que se déroula le reste de la journée. Kahina ruminant sous son arbre volé tout en se déplaçant pour suivre les mouvements du soleil, les jumeaux chantonnant dans leur dialecte, et Anna les pieds dans l'eau, prenant le soleil ou en apnée.
Zahrédine va me tuer... se ressassait Kahina, priant le ciel pour qu'un miracle vienne à son secours.
Lorsqu'elle n'était encore qu'une petite fille, elle le considérait comme son grand frère. Il était là quand elles sont arrivées à Ifrin. Il avait le privilège d'être hébergé par Alim. Elle se souvenait de la gentillesse, mais aussi de la simplicité qui faisait tout le charme du jeune homme qu'il était alors. Et maintenant, elle devait lui rendre des comptes et lui obéir. À cette pensée, Kahina gémit de désespoir.
Les heures passèrent et tandis que le soleil se dérobait sous les yeux de Kahina, un coup de vent violent traversa l'oasis, les chevaux s'emballèrent et les jumeaux furent contraints de se précipiter pour les calmer.
« Il est l'heure de rentrer ! » s'exclama Devrim, impatient.
Anna se contenta de sourire et se leva pour venir se placer juste devant Kahina puis, la voix empreinte de résignation et de maturité, déclara :
« Tu as raison, je dois faire attention.
Et elle tendit sa main vers sa sœur pour l'aider à se relever. Kahina n'en revenait pas, le ciel l'avait entendue ! Elle sourit à son tour et attrapa la main d'Anna, qui la tira vers elle en la relevant sans grande peine.
« Tu es plus forte qu'il n'y paraît, lui dit Kahina, voulant la taquiner.
— Je suis tellement plus qu'il n'y paraît… » souffla Anna d'une voix chaude et calme.
Et alors qu'elles sellaient les chevaux pour entamer le voyage de retour, Anna prit de nouveau la parole :
« Tiens, te souviens-tu de la légende de cette vieille Asha ?
— Laquelle ? Il y en a tant !
— La légende de la cité oubliée, ta préférée ! »
Kahina sourit et haussa les sourcils, étonnée.
« Bien sûr que je m'en souviens ! Et ?
— Tu vois leur tête quand on découvre une nouvelle salle ? Et elle fit un mouvement en arrière pour désigner les jumeaux. Penses-tu qu'il s'agit d'Urduni ?
— Quelle différence, ils ont juste leurs croyances et ils ont peur pour leur héritage, Anna. C'est compréhensible, je crois. »
Il se passait donc quelque chose dans la tête de sa frangine ! Elle n’était pas si désintéressée de l’Histoire et des légendes qu’elle semblait vouloir le faire croire.
« Récite-la-moi, s'il te plaît. »
Bien que perplexe, Kahina s'exécuta, trop contente en réalité d'avoir l'occasion de réciter une des légendes de la vieille Asha. Et qu'importe que ce soit la plus courte.
« Au cœur du désert
Entre les montagnes de pierres
Se cache une cité oubliée
Qui malgré ses richesses inégalées
Fût jadis délaissée pour l'éternité »
Anna fronça les sourcils, comme si elle en attendait davantage.
« C'est tout ? Je pensais qu'il y avait plus.
— Non, c'est tout. On s'amusait à deviner le pourquoi du comment, souviens-toi ! »
Le visage d'Anna se détendit et elle afficha un sourire tout en s'excusant :
« Bien sûr ! Pardonne-moi, le temps a emporté bon nombre de mes souvenirs d’enfant. Une petite course ? »
***
Je suis désolée d'avoir eu à couper ce chapitre de cette façon, ce n'est vraiment pas gracieux, enfin ^^"
Alors mission réussie pour Kahina ? Quelle mouche a piqué Anna ?
Merci :*
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Mira Perry
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