Fyctia
Des ruines bien désertes
À la suite de l'incident qui marqua la mort d'Oleg, le reste de la traversée se fit dans un silence de plomb. Chacun s'étant muré dans sa propre forteresse intérieure. Les nuits étaient froides et en plein désert de l’Urdunaï, les archéologues n'avaient plus l'aplomb qu'ils avaient lors des soirées passées dans les oasis de l'Awsiraï.
Ils étaient arrivés sur le site des ruines d'Urduni aux heures les plus chaudes de la journée. Les guerriers avaient fait le choix d'installer leur campement sur une petite colline à proximité du site. Les archéologues, Anna et Kahina avaient quant à eux choisi d'être au plus proche des deux amas de pierre représentant ce qui restait des statues qui marquaient autrefois l'entrée dans la cité. Bien que cette expédition soit une première pour chacun des archéologues, ils savaient tous les trois quoi chercher, même s'ils ne savaient pas où le trouver. N'osant s'adresser à Zahrédine, Gatien décida d'aller chercher l'information auprès de Rhija, l'air affichait le vieux guerrier donnait l'impression d'avoir en face de soi un vieillard sympathique.
« Peux-tu m'indiquer où se trouve le temple de cette ville ? »
L'homme aux yeux vairons avait lancé sa question au guerrier alors qu'il n'était même pas encore arrivé à hauteur de ce dernier. Rhija avait alors pris son air le plus niais possible pour le renseigner :
« Le “ temple ” ? Je crains que nous n'ayons pas ce que tu cherches dans notre culture, étranger. Ni nous, ni nos ancêtres, d'ailleurs... »
Kahina avait souri en entendant Rhija faire l’innocent : cette mission promettait d'être longue. Ce que voulaient en réalité savoir Gatien et les autres, c'était la localisation de la Citadelle de la cité d'Urduni. Ce qu’ils prenaient pour des temples — car on leur avait dit que ces endroits étaient sacrés, et qui se trouvaient jadis dans chaque cité importante du continent — étaient les Citadelles. Rhija le savait, et prenait un malin plaisir à tourner le jeune homme à la mâchoire prognathe en bourrique.
Gatien avait fini par tourner les talons en râlant en s’en retournant près de leur tente à elles, et avait demandé à Anna, qui lui avait bien sûr promis de l'aider. Elle s’était avancée sans même consulter Kahina. Premièrement, elles n’avaient ni l'une, ni l'autre la moindre idée de l'endroit où trouver cette Citadelle. Ensuite, Kahina n’avait aucune envie de se rendre serviable, elle qui avait l’impression de se perdre dans un océan de morosité depuis la disparition d’Oleg. Certes, c'était un homme désagréable, et il est clair que ce pauvre bougre n'était pas en possession de toutes ses facultés mentales, reste qu’il ne méritait pas de finir son existence de cette façon.
Quant à Rhija, on pouvait deviner à ses yeux rieurs qu'il était très satisfait de lui-même. Les archéologues réalisèrent très tôt qu'ils n'obtiendraient aucune aide de la part des Awsiris dans les mois à venir, sinon des vivres pour les maintenir en vie et capables de creuser. Kahina comprit que pour leur bien, elle et Anna devraient imiter les guerriers et laisser les étrangers chercher. Accablé par la chaleur des heures les plus chaudes de la journée et l’air étouffant de cette partie du désert, Gatien déclara que l'exploration des ruines commencerait dès le lendemain.
Plusieurs nuitées durant, Kahina avait essayé de les intéresser à l'Histoire de la ville dont ils s'affairaient à en dépouiller les vestiges. Urduni fut jadis l'une des plus belles villes du continent d'Adhamra et la fertilité de ses terres lui avait valu le surnom de « resplendissante. » Ils avaient alors tous ri, et Gatien en rajouta même une couche :
« Ah oui... Tout aussi resplendissante que désertique, à ce que je vois ! »
Faisant fi de l'hilarité générale, elle avait ce soir-là décidé de continuer malgré tout son récit : « Urduni avait pourtant été un véritable grenier à blé pour continent, elle avait alors tout pour elle. Selon la légende, les habitants de cette Cité avaient une espérance de vie étrangement longue, puisque plusieurs de leurs ressortissants furent contraints de finir le reste de la leur là où leur caravane s’était arrêtée. En effet, une tempête de sable interminable aurait provoqué sa disparition et celle de ses habitants, ce qui expliquerait la possible présence de squelettes un peu partout dans les rues de la cité. Cet évènement se propagea et tout le continent. Certaines régions furent davantage touchées que d’autres. Cet évènement, qui a vu disparaître plusieurs petites cités, porte aujourd’hui le nom de Grande Tempête. » Kahina tenta de se convaincre qu’ils avaient écouté ce qu’elle leur avait raconté. Mais elle devait bientôt se rendre compte qu’elle s’était en réalité bercée d’illusions.
Étant donné que personne n'avait écouté son récit, c'est au petit matin qu'elle et sa sœur eurent l'occasion d'avoir un aperçu du langage fleuri qui avait cours sur le continent d'Arthos. Les archéologues s'étonnèrent en effet de sentir des choses non identifiées craquer sous leur pas, et se laissèrent aller à pousser des jurons lorsqu'ils comprirent la nature de ce qui s'écrasait sous leurs bottes.
« Vous mettez beaucoup plus de temps que nous à redevenir de la poussière ! » Sam s’était voulu intéressant, mais n’eut d’autre effet que d’exaspérer Kahina :
— Alors ce n’est pas une légende ? Et puis je te l’avais dit ! Si tu avais écouté…
— Qu’est-ce que tu croyais, ils ne sont pas là pour des leçons d’histoire. Tu te rendrais même borgne comme la vieille chouette dont tu te plais encore à écouter les affabulations, que cela ne servirait à rien avec eux. » Lui avait répondu Anna qui se trouvait à ses côtés.
Kahina se pencha et prit un exemplaire des débris qui jonchaient le sol dans ses mains :
Fascinant…, songea-t-elle en examinant chaque aspect du morceau d'os.
Anna avait ri avec dégoût, la sommant de jeter “la chose” qu’elle tenait dans les mains. Mais Kahina en décida autrement, et la poursuivit avec les restes des habitants qui avait jadis été pris au piège sans échappatoire possible. La belle s’était mise à hurler et il n’avait pas fallu longtemps avant qu’essoufflées, elles se fassent toutes les deux réprimander par les guerriers.
Les jours qui suivirent, et en dépit des efforts des deux sœurs et des Awsiris pour les égarer, les archéologues eurent vite fait de trouver la Citadelle, bâtiment naturellement le plus imposant d'une cité, bien que celui-ci soit partiellement démoli. En dehors de la tonne de sable qu'il restait à déplacer, la chaleur et l'inutilité criante de Kahina et d'Anna à la tâche : la vie s'organisait peu à peu sur le site de fouilles qu’était en train de devenir les ruines d’Urduni.
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Mélodie.O
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Suelnna
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Hanna Bekkaz
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Kentin Perrichot
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