Fyctia
L' Auberge aux pierres
Ils se remirent ainsi en route et il ne leur fallut plus longtemps avant d’atteindre l’« Auberge aux pierres ». Ils attachèrent les chevaux et demandèrent à entrer dans l’établissement, le judas ne fit que s’entrouvrir avant de se refermer aussitôt. La porte s’ouvrit, un jeune guerrier pâle aux yeux mordorés les invitant à entrer se tenait dans l’embrasure de la porte.
« Tu es bien serviable Merak… » Lui fit remarquer Zahrédine en pénétrant dans le bâtiment. Il balaya le rez-de-chaussée d’un regard suspicieux puis poursuivit :
« Où sont les étrangers ? » S’enquit-il en premier lieu, puis ne laissant même pas le temps à Merak de répondre, il ajouta « Et nos hommes, pourquoi n’êtes-vous que trois, ici ? »
En effet, ils étaient trois dans la salle qui, d’ordinaire, servait de lieu de restauration aux clients : l’aubergiste, Merak et une petite vieille rendue aveugle par les années. Elle était adossée sur une chaise trop grande pour elle et tendait l’oreille pour tenter de comprendre ce que ses yeux ne pouvaient plus lui révéler.
« Les étrangers sont partis découvrir la ville, comme tous les soirs depuis que vous êtes partis. Selon tes ordres, nous nous contentons de garder un œil sur eux : Ari et Demir sont à la taverne avec deux d’entre eux afin de les surveiller. Quant à Elia et Namir, ils font attention aux deux autres qui se sont pris d’affection pour les travailleuses de la maison aux mille épices. » Merak marqua une pause, mal à l’aise d’avoir eu à annoncer pareille nouvelle à son chef.
Zahrédine ferma les yeux et inspira pour garder son calme. Merak jugea qu’il pouvait terminer son rapport, le plus difficile étant transmis. « Le cinquième est parti en courant pour Bharad la portuaire, il y a de cela deux jours. Nous avons cru comprendre qu’il éprouvait des difficultés… à s’acclimater. Devrim et Zaliyadine sont à l’étage, ils ont terminé leur tour de garde et se reposent. »
Merak achevait à peine son rapport qu’un rire sardonique se fit retentir dans l’auberge quasiment vide, il provenait des escaliers, d’où une silhouette sombre, aussi gracieuse que svelte, était en train de se dévoiler.
« C’est Zaliya, Merak ! Seul Zahrédine mérite que son titre de noblesse résonne à ses oreilles à chaque fois que son nom est prononcé ! »
Ce qui ne ressemblait encore qu’à une ombre dotée de parole il y a quelques instants, se trouvait à présent être une femme aux cheveux de jais et au teint olive. Elle se dirigeait vers Zahrédine d’une démarche assurée et bienveillante. Une fois arrivée à hauteur de ce dernier, elle se toucha les lèvres du bout des doigts et les posa sur le front de son chef : « C’est un plaisir de te voir, cher neveu. »
C’était bien ça, seul un membre de la famille de l’héritier des Awsir parmi les guerriers qui composaient la troupe pouvait se montrer aussi irrévérencieux envers ce dernier. Zaliya inclina la tête vers les deux sœurs et jeta un bref regard rempli d’excitation, mais aussi de sournoiserie, à son neveu :
« Quelles jolies fleurs nous as-tu ramenées là ? » Ricana-t-elle, avant de poursuivre : « Ce sont elles, les historiennes de ce vieux prétentieux d’Alim ? Ah et bien… elle est devenue compétente cette Citadelle ! Ces deux-là viennent de quitter leurs poupées, et elles sont censées empêcher ces profiteurs de voler ce qui nous est précieux ? »
Contrairement aux mines dépitées qu’affichaient Kahina et Anna, Zahrédine se montra impassible, tout en soutenant le regard de celle qui se trouvait être sa tante, avant de déclarer, tout aussi malicieusement :
« Vous allez pouvoir faire connaissance, chère Zaliya. Je les laisse à tes bons soins et à ta sagesse. Apprends à les connaître. Moi, je m’en vais quérir ces imbéciles qui étaient censés rester ici, lieu réquisitionné spécialement pour eux, afin de garder secret le lieu dans lequel nous nous rendrons dès demain. »
Zahrédine fit signe à Merak et à Hafsir de le suivre au-dehors. Les sœurs restèrent plantées là, examinant Zaliya.
« Mes jolies fleurs, je vous laisse admirer la décoration en attendant le retour de mes frères d’armes, elle s’assit à une des tables, puis ajouta : attention, pas de bêtises, je vous surveille ! »
Elle plissa les yeux et les lèvres dans un air de défi. Son ton se voulait rieur, ses yeux exprimaient une espièglerie sans précédent pour une femme de son âge. Elles allaient se faire juger sur leur attitude, à cet instant précis.
Rhija, resté à l'auberge, s’en alla se reposer à l’étage avec le sourire aux lèvres. Il savait lui aussi qu'elles étaient sur la sellette d'un jugement d'appréciation.
De tous les surnoms qu’elle avait un jour reçus, Kahina dut admettre que ceux de sa sœur n’arrivaient désormais plus en tête de liste. Décidément, celui de jolie fleur était bien le pire de tous. Ce qu’elle ressentait pour cette Zaliya était un curieux mélange d’admiration et de méfiance : elle avait les traits fins, et ce qui était visible de sa chevelure de jais était parsemé çà et là de mèches blanches, signe que le temps faisait son œuvre. Sa voix était faite de miel, mais la mélodie qu’elle offrait était aussi tranchante que la lame d’une épée affûtée.
Kahina se mit à admirer les pierres incrustées dans le mur de la bâtisse et qui en taillaient la réputation, ce dernier était bien comme on le décrivait : tout entier incrusté de pierres de couleurs, de tailles, de formes et de finitions différentes. Kahina, fascinée, en oublia sa frustration du moment et se plongea avec une attention toute particulière dans l’examen du lieu, un sourire se dessinant sur son visage.
Anna, elle, avait imité sa nouvelle gardienne : lascivement installée sur un des bancs, la tête appuyée sur son poing. Bien vite ennuyée de voir Kahina si absorbée dans son étude de ce qu’elle considérait n'être que de vulgaires cailloux colorés, elle ne tarda pas à narguer sa sœur :
« Compte-les, tant que tu y es… et puis je suis certaine qu’elles ont un goût particulier ! Laisse-toi tenter, allez… »
L’intéressée l’ignora et Zaliya roula des yeux. Qu’allaient-ils bien pouvoir faire de ces deux idiotes ? La plus âgée possédait l’apparence d’un trésor que l’on protège à tout prix, mais qui n’a rien d’utile, tandis que la plus jeune semblait aussi étourdie qu’un homme perdu dans le désert, qui serait pris dans l’illusion que lui aurait projetée une goule pour le piéger.
Son avis sur ces deux-là était formé.
47 commentaires
Camille Jobert
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Il y a 3 ans
Suelnna
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Il y a 3 ans
La Plume d'Ellen
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Gottesmann Pascal
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