Fyctia
L'arrivée à Khizaan
Ce n’est que tard dans la soirée, le soleil ayant cédé sa place à la lune, qu’ils se retrouvèrent devant les deux grands monolithes qui accueillaient tous les visiteurs qui s’aventuraient dans Khizaan. Composés d’une multitude de roches de couleurs différentes, ils avaient en plein jour un aspect somme toute particulier certes, mais apprécié de tous. L’obscurité les entourant, ils avaient pourtant simplement l’air de deux immenses blocs de pierre, sombres et intimidants. Comme dans une volonté d’atténuer ce sentiment que pouvait éprouver pour la première fois celui qui les contemplait, au loin se faisait entendre le vacarme du centre-ville et les lumières des établissements de ce dernier resplendissaient, invitant le voyageur inquiet à les découvrir.
Passé le poste de garde, la bande s’enlisa jusque dans le centre-ville afin de rejoindre l’« Auberge aux pierres ». Anna s’était esclaffée que le nom de cet endroit, compte tenu de la réputation de la ville, était d’une vraie banalité. Il était su de tous que l’intérieur de cette auberge comptait des centaines de pierres incrustées dans ses murs. On les disait de toutes les couleurs, de toutes les tailles et de toutes les finitions. Kahina avait hâte de voir de ses propres yeux ce lieu, dans lequel ils allaient passer la nuit.
Pour y arriver, il leur faudrait cependant se frayer un chemin à travers la foule. Khizaan était une ville grouillante et frémissante. Les hommes y étaient nombreux, venant pour la plupart de villages voisins, et s’étaient rendus en ville avec l’intention de devenir mercenaires, laissant l’entretien des terres à leur famille. Le fait est que la ville était désormais infestée de ces pauvres bougres, pour beaucoup ne sachant tenir qu’une fourche, mais appâtés par ce que pouvaient offrir les étrangers. Certains d’entre eux voyaient cette reconversion comme une sorte d’ascension sociale, que seuls les ignares se trouvaient à même de comprendre.
Et puis il y avait les étrangers, que le goût de l’aventure, du défi, et de l’argent attirait sur le continent. La renommée y était aussi pour quelque chose, aux yeux de peu d’entre eux seulement : une fois rentrés dans leurs contrées de marchands faibles et impotents, mais incroyablement prospères, ils en viendraient à prendre le même chemin que ces derniers. Loués pour avoir rapporté des bateaux aux cales remplies d’objets qui pourraient être vendus aux seigneurs, ainsi qu’aux nobles du vieux continent et d’ailleurs, ces archéologues avaient souvent la chance qu’un riche collectionneur les prenne sous son aile.
Il ne fut bientôt plus possible de se déplacer qu’en file à travers les rues bondées de Khizaan, et c’est en meneur né que Zahrédine en prit naturellement la tête. Rhija ferma la file et Afsir vint se placer à la gauche des sœurs. Autour d’eux, la multitude de conversations qui se déroulaient finissait par se déformer, comme pour mieux se reformer en une cacophonie que tout esprit sobre trouvait insupportable. La seule vérité distinguable était le langage fleuri d’un bien trop grand nombre d’entre eux :
« Quel Corniaud ! Il est sûrement en train de lécher la cale du bateau qui le ramène sur Athorgas pour payer le voyage ! Ce poltron s’est fait mettre sur le premier dromadaire venu, pi’ s’en est retourné pour Bharad ! Pi’ c’est ti pas n’importe qui, qui fait de l’argent ici, tu vois ? »
Anna ralentit son allure tout en examinant celle du dépravé qui s’exprimait, attentive à ce langage plus que familier, un brin vulgaire, et qui visiblement la dérangeait :
« Mais quel est donc ce langage ? » S’offusqua-t-elle en se retournant vers sa sœur, qui la talonnait. Kahina n’eut pas le temps de répondre que le vieux Rhija lui ôta les mots de la bouche :
« Bienvenue à Khizaan, princesse ! »
Anna fit la moue tout en poursuivant sa marche et un sourire apparut sur le visage de Kahina, qui s’était retournée vers le vieil homme pour lui montrer son amusement. C’est alors qu’elle regardait à nouveau devant elle qu’elle vit atterrir, autour du buste d’Afsir, deux bras fins. L’assaillante était une superbe jeune femme, svelte et pourvue d’une longue chevelure rousse et bouclée. La vivacité avec laquelle elle avait bondi sur le jeune guerrier le força à marquer un arrêt, lui arrachant une exclamation à l’intention du chef de file :
« Fuwa ! »
Zahrédine fit alors halte, tirant légèrement sur les longes de son cheval et de celui d’Anna. Kahina l’imita avec le sien, et Rhija fit également de même. Kahina décrocha ses yeux de la tigresse qui harcelait Afsir, pour lire l’inscription du bâtiment devant lequel ils se trouvaient :
« La maison aux mille épices » pouvait-on lire, gravé dans la pierre.
Charmant, se hasarda à penser Kahina.
La rouquine se fit plus insistante, désignant d’un geste désinvolte les deux sœurs :
« Vous recrutez des femmes maintenant ? J’en suis ! Allez, je sais que toi tu n’es pas encore aussi désabusé que ces deux-là ! N’hésite pas à venir me voir, guerrier, je ne manquerai pas de t’accueillir à bras ouverts ! »
C’est à cet instant qu’un des nombreux ivrognes de la foule qui les entourait vint lui peloter le postérieur, une jarre de vin à la main :
« Oui, ou… »
Cette dernière relâcha son étreinte afin de repousser le goujat, tout en l’insultant copieusement :
« Malotru ! T’vois pas que j’suis occupée, dis ? »
Zahrédine en profita pour annoncer le départ :
« Hiyeva ! »
Afsir ne se fit pas prier.
Les guerriers avaient la réputation de ne jamais céder tandis qu’elles, elles avaient celle de ne jamais cesser de les tenter. Cette fille de joie se fourvoyait : il fallait naître Awsir afin d'espérer rejoindre les guerriers du désert et il n’y avait aucun autre moyen de le devenir. Ensuite, il y avait bien des femmes qui combattaient, bien que de moins en moins nombreuses.
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Elodée
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La Plume d'Ellen
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