Fyctia
Les caprices du désert
À l’intérieur qui était étrangement plus spacieux que l’extérieur, se trouvaient toutes sortes de choses, allant de la lampe poussiéreuse à la jarre remplie d’épices.
Mais comment un homme si démuni parvenait à se faire offrir autant ?
Perdue dans son observation des lieux et dans ses réflexions à l'égard de leur hôte, Kahina sursauta quand une voix vieillie et enjouée se fit entendre :
« Ne jamais sous-estimer le poids des traditions, mon enfant. Il suffit qu’un mythe soit bien établi pour être suivi sans hésitation…» Il découvrit de nouveau son sourire édenté, et l’invita à s’asseoir tout en conservant le pétillant de ses yeux d’émeraude dans le regard. Une fois qu’elle fut assise, Zahrédine prit la parole dans la langue vernaculaire des hommes du désert.
« Les ruines que nous allons permettre aux étrangers du vieux continent de fouiller sont celles d’Urduni. Voilà quelques années que le désert nous révélait peu à peu les restes des colonnes imposantes qui avaient jadis servi d’entrée à la Cité. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le murmure du désert est rapide et perçant, il a su trouver preneur aux oreilles des étrangers qui ont investi Khizaan. L’un deux est un ami du frère de ton futur beau-frère et il ne fallut pas longtemps pour que les promesses de financement ne se multiplient. Alim eut vent de l’histoire et ne manqua pas de profiter de l’occasion avant que celle-ci ne tombe entre de mauvaises mains. Les rangs des mercenaires ont considérablement augmenté, et il devient de plus en plus facile pour un étranger de se faire accompagner à travers le désert. »
Il fit une pause dans son discours, alors que le vieillard continuait de lui prêter attention avec des yeux candides, impatient qu’il reprenne.
Est-il vraiment obligé de tout comprendre ? se questionna Kahina.
« Tu connais la légende des vers connus de la Cité du désert ? » Reprit soudainement Zahrédine.
Kahina se mit à dodeliner du chef comme pour marquer son accord. Évidemment qu’elle connaissait cette légende. Enfin, elle en connaissait les vers connus, ainsi que ce qu’Asha, la vieille conteuse d’Ifrin avait brodé autour. Elle ajouta :
« C’est elle, Urduni ? »
« Très certainement » Répliqua Zahrédine avec un air pensif et un manque flagrant d’assurance dans la voix, avant de poursuivre :
« Si d’aventure tu venais à découvrir une inscription ou un texte faisant état d’une autre cité oubliée et cachée au cœur du désert…
— Ce serait…» L’interrompit Kahina, se faisant couper la parole à son tour.
« Tu tiens les étrangers loin de l’endroit, tu m’en avise, et tu ne vas pas plus loin dans ton étude. Voilà ta mission. C’est peu probable. Mais le désert ainsi que ses tempêtes sont remplis de mystères, même pour nous. »
Kahina n’osa pas tenter la moindre objection, le ton était clair et sans équivoque. Elle se mit à étudier ses pieds pour tenter d’oublier le malaise naissant entre eux. Au bout d’un court instant, elle leva la tête et constata la présence de stries noires parcourant le blanc laiteux du pendentif de Zahrédine, occupé à jouer avec sa barbe, perdu dans ses pensées. Soudain, Zam rompit le silence qui s’était installé :
« Ah oui, merci l’ami ! Tiens Zahrédine, en parlant de tempête, t’ai-je averti de ce qui arrivait ? Tu devrais faire rentrer le reste de ton groupe dans mon humble demeure. Je regrette mon ami, mais la nuitée à la belle étoile ne sera pas pour ce soir. Oh, je devine cependant que vous aurez pleins d’autres occasions, j’en suis même certain ! » Il ponctua son étrange intervention par un rire fou.
Zahrédine était déjà debout près de l'entrée quand la suggestion la plus pertinente de la soirée se fit entendre de la part de Khija, le plus âgé des guerriers :
« Je pense qu’il serait judicieux de se mettre à l’abri ! Venez ! »
Entre les pans de la tente gardée entrouverte par Zahrédine pour permettre à ses compagnons et à Anna de venir se réfugier, Kahina aperçut un épais nuage sombre. Un monstre de sable que rien ne semblait pouvoir arrêter arrivait, accompagné d’un bruit sourd qui accentuait son effet angoissant. Une fois tout le monde à l’intérieur de la tente, Zahrédine referma la tente si bien, qu’on ne pouvait plus rien déceler de ce qui se passait à l’extérieur.
« Mmmh, celle-ci s’estompera dans la nuit. Dormez ! Demain, ce sera comme si rien n’était arrivé ! » lança avec entrain l’ermite en soulevant légèrement le bas de sa tunique pour enjamber ce qui se trouvait sur son passage.
Comment ces vieilles guiboles toutes frêles tiennent-elles le coup ? continua de s'interroger silencieusement Kahina.
Tous, ou du moins c'est ce qu'elle crut, suivirent alors les conseils du vieil ermite et se couchèrent.
Le lendemain, ils constatèrent que rien sur l’oasis n’avait changé. Les chevaux semblaient avoir passé une nuit paisible à la belle étoile et il n’y avait pas le moindre grain de sable sur les affaires qu’ils avaient laissées. Cependant, les dunes entourant l’oasis paraissaient plus imposantes que la veille. Les guerriers entreprirent de ranger leurs affaires et d’équiper les chevaux.
« Mais…» Commença Kahina, assaillie par des questions toutes plus étranges les unes que les autres, avant d’être interrompue par un hurlement, celui de sa sœur.
« Quelle horreur ! »
Ils se précipitèrent au secours d’Anna et constatèrent que devant elle, une main blanche émergeait des dunes de sable nouvellement formées. Faisant fi des sueurs froides qui semblaient paralyser Anna, Zam se précipita et commença à déblayer le sable autour, surexcité :
« Mais que nous a-t-il recraché là ? Vite, vite ! Dépêche-toi mon ami ! »
Tous se contentèrent de suivre la scène, muets. Kahina n’en croyait pas yeux, on aurait dit que Zam avait retrouvé la force de son jeune âge, un vent délicat semblant pourtant l’aider dans sa besogne. Bientôt, le corps n’était plus qu’à moitié enseveli. À moitié décomposé, la vie devait avoir quitté le pauvre bougre depuis un nombre conséquent de jours. Le nombre d’amulettes ornées de pierres précieuses accrochées à son cou s'élevait environ à une dizaine.
« Ah, en voilà un dont le corps n’est pas parvenu à supporter le poids de sa cupidité…» finit par faire subtilement remarquer Kahina. Les guerriers se mirent à rire. Zahrédine récupéra bien assez tôt son habituel sérieux :
« Son âme en est à présent délivrée. En route !
— Mais il convient de lui offrir une sépulture ! » S'indigna Anna.
Zahrédine, déjà aux côtés de sa monture, répondit platement :
« Les fourmis argentées se chargeront de son corps, et ce qui ne peut être mangé…
— Ce sera mon cadeau ! » Acheva Zam, les saluant : « Bon vent, chers voyageurs ! »
Anna frissonna à l’idée de laisser un corps en pâture à ces fourmis géantes dont elle ne connaissait même pas l'apparence, mais dont elle savait que le corps argenté aveuglait ceux qui étaient assez idiots pour les admirer durant leurs escapades nocturnes à la recherche de nourriture.
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Camille Jobert
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