Fyctia
La cour intérieure
Kahina avait vu juste et trouva bien sa sœur dans ladite cour, allongée sur des coussins disposés aux abords du bassin. Sa main effleurait l’eau avec un mouvement de va-et-vient gracieux. Une vraie princesse, songea Kahina avec dédain. Mais il n’était pas question de ménager son aînée, elle décida de lui annoncer sans ambages la nouvelle.
« On part en mission demain dès l’aube ! On rejoindra ton futur beau-frère et les guerriers à Khizaan. C'est Zahrédine qui mène les hommes que nous avons vus dans la cour des invités. Il semble avoir mûri, ça change du temps où le pauvre bougre s’évanouissait à moitié rien qu’en te regardant. Et puis qu’est-ce qu’il est beau ! Tu as raté quelque chose, si tu veux mon avis ! »
Anna interrompit net le mouvement de son poignet et sortit ses mains du bassin.
Non, pas ça ! Elle détestait le désert, le trouvait dangereux et ne prenait aucun plaisir à être en compagnie de ces hommes de peu qu’étaient les Awsir. Quant à Zahrédine, il y a des années, tous deux avaient eu une certaine attirance l’un pour l’autre pendant que se parachevait la formation de ce dernier à la Citadelle. Mais l’orgueil de la jeune fille qu’elle était alors ne lui avait pas permis d’outrepasser la condition d’homme du désert qui le définissait lui. Plus tard, même lorsqu’elle apprit qu’il était destiné à diriger son clan, elle n’en fit guère grand cas.
Guerriers, les Awsir l’étaient assurément. Mais en dehors de cette activité, Anna considérait que leur plus grande richesse était l’eau qu’ils arrivaient à trouver, ainsi que leur bétail, quand ils parvenaient à le garder. La pauvreté d’esprit de sa sœur exaspérait Kahina, elle qui admirait ces gens avec qui elle avait l’intime conviction de partager une part d’elle-même.
Déçue de l’effet qu’elle avait provoqué, Kahina leva les yeux au ciel. Elle aurait tout de même voulu discuter avec Anna de la présence des gardiens en ville. C’était un fait assez rare et préoccupant pour ne pas le passer sous silence. Elle était persuadée que le futur mari de sa sœur attirerait des ennuis à la Citadelle. Et puis, Zahrédine aurait au moins pu la gratifier d’un début d’explication avant qu’ils n’entament le voyage. Un fait certain était qu’il n’avait jamais été un grand bavard, à l’instar des membres de son clan.
Ça m’apprendra à lancer les hostilités en début de conversation, prit elle la peine de se réprimander intérieurement. Elle fit demi-tour et sut alors de quoi sa soirée serait faite.
« Layi ! Oh…» Laissa échapper Kahina, feignant la surprise et masquant la déception qui l’envahissait à l’instant même.
La vieille domestique se tenait debout devant elle, l’air sévère. Sœur du doyen, elle avait voué sa vie à le servir. Kahina n’avait jamais compris le pourquoi du comment, mais n’avait jamais vraiment cherché à le savoir non plus.
« Il est temps pour toi aussi de regagner tes appartements, afin de te préparer et te reposer. Ta sœur n’est pas totalement dénuée de sagesse, du moins pour tout ce qui a trait à ces choses là.
— Ma sœur est partie soupirer le désespoir de son âme dans ses draps, Layi… La pauvre Sout fera tout le travail ».
Le petit bout de femme à l'apparence toute rabougrie, mais pourtant incroyablement robuste se mit à ricaner :
« Comme moi je vais le faire pour toi ! La différence est que c’est moi qui vais te faire la conversation. Et toi, tu ne pourras rien faire d’autre que m’écouter, attentivement. Oh… il est fort probable que notre soirée s’en trouvera plus instructive que la leur, assurément. » Elle prit alors la direction des appartements de Kahina, invitant la jeune femme à la suivre.
Oh oui, je vais juste me contenter de me coucher et t’écouter radoter, Layi… Il t’arrivera peut-être même de m’expliquer pour la énième fois comment je dois me comporter, en tant que jeune demoiselle. Toi qui n’as jamais pris d’époux ni engendré d’enfant, tout comme ton frère.
Kahina inspira profondément et la suivit comme si elle avait oublié le chemin de ses propres appartements. Sur le chemin elle ne manqua pas d'attraper Kaa, son chat préféré de la maisonnée. Si seule elle pouvait le porter, de manière générale, ce félin d’un beau noir intense aux reflets roux détestait qu’on le prenne pour une mignonne petite peluche. Qu’importe, il apporterait du réconfort à Kahina, pour qui le reste de la journée allait servir à se remémorer la façon dont il convenait de vivre dans le désert, elle qui ne se souvenait même pas y avoir un jour mis les pieds.
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Camille Jobert
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Il y a 3 ans
Merixel
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Il y a 3 ans