Fyctia
Les « étrangers »
Hier encore, les « étrangers » — nom donné par les natifs du continent d'Adhamra aux pilleurs de trésors venus du Nord — demandaient l'autorisation avant de se lancer à corps perdu dans la recherche de ce que les ruines du désert pouvaient leur offrir. L'arrogance qu'ils avaient acquise ces dernières années était dorénavant devenue fatale à bon nombre d'entre eux.
C'étaient eux les archéologues, à la recherche des ruines et des reliques que les locaux avaient laissés enfouis dans les profondeurs du désert — ou plutôt des déserts. Ils étaient persuadés qu'il leur était légitime de penser, et puisque personne ici ne les réclamait, qu'ils pouvaient en disposer s'ils les retrouvaient. Qu'importe qu'ils soient inconnus sur cette terre, ils ne se refusaient rien !
Le soleil ne mettrait plus longtemps à arriver à son zénith, poursuivant son éternel rituel quotidien d'un bout à l'autre du ciel. La chaleur étouffante d'une journée d'été se faisait déjà ressentir, et la cohue des marchands se hâtant à conclure les bonnes affaires de la matinée se faisait entendre jusque dans le haut quartier des nobles. Il était sage, aux heures les plus chaudes, de se trouver entre les quatre murs d'une habitation.
C'était le jour de repos imposé à tous les savants de la ville et Kahina, trahie par sa sœur, n'avait pas d'autre choix que de se réfugier à l'intérieur de la maison. Le conservateur l'avait fait construire grâce aux opérations qu'il faisait avec ceux qui ne produisent rien, mais qui convoitent tout. En outre, il avait interdit l'accès du musée à Kahina afin de la contraindre à observer ce jour d'inaction. « Les règles sont les règles ! », l'avait-il si souvent sermonnée.
Des petites filles aux grands yeux noirs en amandes les entouraient et louaient la beauté de ceux d'Anna tandis qu'elles s'étaient toutes deux isolées dans leur silence, se contentant d'adresser de temps à autre des sourires à leurs petites suiveuses. Au contraire de sa sœur, Kahina n'avait jamais pris de grands airs face aux enfants issus des castes inférieures à celle des érudits. Les membres de cette caste, au même titre que ceux de celle des guerriers, possédaient une longévité supérieure aux ressortissants de celle des artisans et de celle des marchands. Kahina trouvait cela injuste, et n'en savait même pas la raison. Le fait était que tous, en terre d'Adhamra, respectaient les érudits pour leur sagesse et admiraient les guerriers pour leurs aptitudes au combat.
Elles arrivèrent devant le portail en fer forgé de leur demeure dont les murs étaient peints de carmin. Malgré le fait qu'elle abhorrait le trop plein de fioritures dont pouvait faire preuve leur tuteur, Kahina devait bien concéder le fait que l'ouvrage était magnifique : orné de ses somptueuses arabesques se rejoignant et se séparant jusqu'à finir leur danse en une pointe s'élevant vers le ciel. Comme à l'accoutumée, deux gardes étaient postés à l'entrée. Ce qui était inhabituel en revanche, c'était la tête qu'ils faisaient. La jeune femme crut y déceler un mélange de sentiments d'amertume et de résignation. Qu'importe, ils lui faisaient encore et toujours l'effet de deux statues plantées là en guise de garniture.
Kahina les ignora, saisit l'une des superbes arabesques couleur ocre d'un des côtés entrouverts du portail et marqua un arrêt. Pourquoi les gardes ne l'avaient ils pas refermé ? Ces deux-là remplissaient à merveille leur rôle : ils en mettaient plein la vue et ne servaient à rien d'utile, tout comme s'ils étaient simplement de belles décorations.
« Attends, l'interrompit à son tour sa sœur, peut-être s'est-il passé quelque chose ? »
Dans son inquiétude, son aînée avait oublié de lui rappeler — comme elle en avait tant l'habitude — que les portails avait des poignées.
« Même si ces deux-là n'ont pas le droit de nous adresser la parole, je peux pourtant deviner sans mal que rien de grave n'est arrivé. » Kahina jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant d'ajouter : « Et puis, qui sait si ce n'est pas un hôte de marque, d'ailleurs ? »
Son regard se porta sur le visage d'Haïkir. Il avait fermé les yeux, se retenant tant bien que mal de faire sortir le moindre son de sa bouche, laquelle s'étirait cependant d'une oreille à l'autre, dissimulant ainsi très maladroitement son amusement du moment. Anna gloussa. Sa vanité n'était pas que son plus grand défaut, il était aussi pour elle un rempart contre sa couardise, trait qu'elle n'avait toutefois hérité ni de son père ni de sa mère.
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Mélodie.O
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Il y a 3 ans
Yerdua Irving
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Suelnna
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Elona Mitis
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L.J Fleury
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L.J Fleury
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