Fanny, Marie Gufflet La Cire de tes mots fait fondre mon cœur 4- L'antithèse du bonheur

4- L'antithèse du bonheur

Une nuit plus tard et après avoir visionné durant des heures toute la saison 2 de Poldark, je termine la lettre une. Dans mon écriture, on ressent l’inspiration d’une autre époque, mon bulletin aurait pu daté du 18 ème siècle. Je ressens, à ma plus grande surprise, un réel soulagement d’avoir rédigé ce pamphlet. Qui aurait cru que l’écriture avait des vertus cathartiques ?


Cher voisin,


On ne se connaît pas, mais sachez que je n’ai aucune estime pour les gens de votre espèce, autrement dit, la gente masculine de votre acabit.

Sachez qu’il est de notoriété publique que la bonne communication entre voisins commence par un bonjour. Il est clair qu’en vous concernant, les règles élémentaires de politesse n’ont pas été acquises. Et il est de mon devoir de vous apprendre la bienséance. Un bonjour (ou un sourire), n’a jamais fait de mal à personne.

Je me présente d’ailleurs, Alice Pelletier, votre voisine d’à côté.


Par ailleurs, les fleurs que vous avez pris soin de massacrer à grands renfort de cisailles, étaient sous ma responsabilité depuis deux ans maintenant. Avec un accord passé avec madame Guérin (la propriétaire), j’avais autorisation de les arroser (et de profiter de votre jardin), de retirer les mauvaises herbes et de les admirer pousser avec délicatesse. Elles ont pu apprécier la caresse du printemps, endurer le temps maussade de l’automne, survécu au froid de l’hiver, mais ont, hélas, subi les assauts de la Grande faucheuse. J’ignore quelle mouche vous a piqué ce jour là !


Pour conclure, j’apprécierais que vous puissiez baisser le volume de votre musique (du métal ou du rock), je suis contrariée par une telle nuisance sonore, surtout après des heures de travail. Je recherche avidement la quiétude et la tranquillité.


Je vous serai gré d’agréer mes plus sincères aveux, dans l’espoir d’un voisinage agréable.


Alice


Je glisse mon premier courrier dans la grande enveloppe blanche dérobée au boulot, intitulée : Les hommes, l’antithèse du bonheur. Il est 22 heures. À présent, un verre de vin blanc à la main, j’écoute les notes épurées du chant Magnificent sur Youtube, je me laisse porter par la mélodie. Parfois, j’aurais aimé vivre à une autre époque, de celle où les hommes savaient courtiser les femmes.


Une lumière s’allume dans le salon du voisin. D’instinct, je me jette sous la fenêtre et rampe à plat ventre pour éteindre la lampe posée sur le buffet. Une fois dans le noir, je risque un œil avisé derrière les voilages.

Non, ce n’est pas bien ! Épier les gens de la sorte, ça ne se fait pas.

Une idée brillante s’allume dans mon esprit. J’attrape donc ma paire de jumelles à vision nocturne pour affûter ma vue. Oh joie, oh bonheur ! Je me sens tel un chat avec des rétines composées de cellules photoréceptrices.

Ainsi plongée dans la pénombre, en pyjama short au couleur du printemps, je joue les espionnes. Le voisin est en débat (visiblement virulent si j’en crois tous les gestuelles de ses mains) avec une femme. Il retire sa longue veste beige qui lui va à ravir, il la jette sur le canapé (la veste, pas la femme).

Quel est le sujet de leur dispute ?

La grande brune aux cheveux longs verse des larmes (en même temps, j’imagine qu’avec un mec comme ça, moi aussi, j’aurais fini par pleurer. D’abord il la prend dans ses bras avec maladresse puis ensuite avec plus de fermeté.


Je remarque alors que la fenêtre de sa salle à manger est ouverte. L’aubaine rêvée !

Si j’arrive (sans me faire démasquer) à ouvrir celle de ma chambre, je pourrais éventuellement entendre les bribes de leur conversation et assouvir ma curiosité.

À quatre pattes, je longe le salon jusqu’à mon lit, tire les rideaux avec la plus grande précaution et ouvre mes volets. Manque de pot, le voisin a choisi cet instant là pour refermer les siens.

— Ah bien bonsoir, il fait chaud, n’est-ce pas ? dis-je, histoire d’être crédible.

Pour toute réponse, il fait ce qu’il sait faire de mieux depuis tout nos échanges. Roulements de tambours, il hoche la tête. Ni lui ni moi ne bougeons davantage et se joue entre nous, un étrange jeu de regards.


Puis, c’est la honte nationale. Il faut savoir que j’attribue des sonneries pour chaque personne de mon répertoire. Là, c’est mon ex, Matthias. Les paroles sont en osmose avec ce que je ressentais lors de notre rupture d’il y a quelques mois. Je pensais qu’il reviendrait, me suppliant de l’épouser, au lieu de quoi, il m’a ignorée.

Je te déteste de m'ignorer

Je te déteste de m'oublier

Je me hais d'être rien pour toi

J'en ai marre de me planter

Pourtant y a plein de gens qui m'aiment

Et j'ai envie que tu les vois

Le téléphone monte dans les aigus, faisant retentir la voix de la chanteuse (une certaine Marie Cherrier) de plus en plus fort. Piquée au vif, je bondis sur mon lit pour dénicher le maudit smartphone, sans parvenir à mettre la main dessus. Je dois renvoyer une image d’une folle en furie qui retourne sa maison tous les sens.

Quand je trouve l’objet du crime, je réponds à Matthias d’une voix colérique :

— Quoi ? T’as pas vu qu’il est 22 heures passées ?

Des yeux, je cherche mon voisin qui a disparu. Dieu merci, il n’est pas resté planter là pendant que le gouffre de la honte s’ouvrait à mes pieds. À mon désarroi, je me rends compte que j’avais gardé les jumelles fluorescentes autour de mon cou.


Cette fois, c’est fichu (et officiel), il sait que je suis une voisine cinglée, doublée d’un penchant pour l’espionnage.



— Mince, désolée Ali.

Matthias adorait m’affublait de cet horrible surnom. Moi, tout ce que cela m’évoquait c’était Aliexpress ou Alibaba, vous savez les marchés chinois où on emploie des enfants pour travailler pour une bouchée de pain ?

— Alice, reprends-je.

— Je pourrais passer ce week-end ?

— Pourquoi ?

— Pour récupérer le canapé.

Le canapé qu’on avait payé à deux. Bon, j’avoue, lui a contribué davantage que moi, mais tout de même ! Matthias est resté vivre ici quelques mois avant qu’on partage le loyer à deux. Il ne m’était jamais venu à l’esprit de lui demander un remboursement.

— D’accord, mais je garde les coussins (il y en a 4 assorties au canapé vert d’eau).

— Pourquoi donc ?

— C’est ma part investie dans le meuble, il me paraît logique vu que tu prends tout le reste, non ?

— Pffff… T’es vraiment pas généreuse, Alice.

Je ne réplique rien.

— Bon, ça roule. Je passerai à midi.

— Va pour midi, dis-je malgré moi.

— Dis, ça te dérangerait de me préparer à manger ce jour là ? La route vers Rouen est assez longue, ça me ferait gagner un max de temps et de blé, aussi !

— Compte sur moi !

Je lui ferai des toasts à l’avocat, œufs durs et oignons frits, avec en prime, une tarte aux pruneaux achetée chez le boulanger en guise de dessert. Un succès garanti pour qu’il aille à la selle en cours de route.


Quand je raccroche, j’ai des envies de meurtres, mais j’ai à présent un remède anti-stress. Je m’empare d’une feuille de papier et j’écris la lettre numéro 2 :


Cher toi…

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13 commentaires

Caroline-Noëlle

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Il y a 2 ans

Coup de pouce ! N’hésite pas à venir liker chaque chapitre de mon histoire et m’aider aussi 😁

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

Merci ! je passe

MélineDarsck

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Il y a 2 ans

J'aime beaucoup le menu proposé 🤣

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

et moi donc lol

kiki744

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Il y a 2 ans

Trop bien! Hâte de lire la suite.

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

Hi hi, je suis sur le coup, lol

Katie P

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Il y a 2 ans

Les jumelles fluo au cou, je dois reconnaître qu'elle fait fort ! Et à sa place, j'ajouterais un peu de laxatif dans le repas pour son ex, histoire d'assurer le coup. 😁

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

ah ah ah oui, exact ! je n'y ai pas pensé merci

Rose Foxx

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Il y a 2 ans

🦋😉

Là où est ton coeur

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Il y a 2 ans

Et ben il m'a l'air bien sympathique ce Matthias ! Vu sa réplique je ne suis pas sûre que j'aurai accepté de lui faire à manger moi lol
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