Fanny, Marie Gufflet La Cire de tes mots fait fondre mon cœur À travers la pluie

À travers la pluie

Hier soir tard dans la nuit, la pluie est tombée et la terre mouillée s’est embaumée. À l’aube, ce matin, le soleil s’est enfui tel un voleur, le ciel morne s’étire à l’infini. Assise sur le rebord de la fenêtre de mon salon, j’écoute l’oiseau qui se met à chanter tandis que mon cœur, lui, se met à pleurer. Tout cela à cause d’une stupide photo postée sur Instagram. Matthias et sa nouvelle copine, dénichée sur la nouvelle tendance Only Fans. Suis-je trop vieille et ringarde pour penser que cette application dépasse l’entendement ? Les vêtements de la fille en question (Denise) ne laissent aucune place à l’imagination, sa chevelure est d’un blond platine, ses ongles manucurés à la perfection pourraient m’arracher un œil au passage, ses lèvres pulpeuses ne souffrent d’aucune asymétrie. Malgré la « perfection » affichée et sans aucune jalousie de ma part, je ne parviens pas à la trouver jolie. Elle est en somme toute vulgaire.

Comment ai-je pu me mettre avec un tel abruti ? Matthias était le genre d’hommes qui soigne son look, sportif à outrance, mais dénué de substance. Il est telle une coquille magnifique, mais vide d’intérêt. Nos conversations me reviennent en mémoire et elles étaient si creuses. Il avait certes une belle apparence et tel un poisson, j’ai mordu à l’hameçon. N’empêche que j’avais miroité un avenir avec lui, je m’étais accrochée à notre relation, j’avais cru que c’était le bon. Il m’a fallu deux ans pour me rendre compte au fil d’une sérieuse conversation qu’il n’était pas prêt à s’engager. Malgré tout, le voir s’afficher sur la toile décuple ma colère contre les hommes. Tous les mêmes ! Paul, mon premier, était issu de la bourgeoisie et visiblement, que je travaille à la mairie n’était pas assez ambitieux pour lui et sa famille. Quand au second, il s’est tapé tellement de femmes dans mon dos que je n’en ai perdu le compte. Je ne sais pas pourquoi, mais le voisin me rappelle un concentré des 3 : un tantinet trop parfait physiquement, élégant et calme en apparence (comme Paul). Il a toujours un essaim de femmes qui butinent autour de lui (si j’en crois les dames qu’il reçoit deux fois par semaine).

L’alarme de mon téléphone m’arrache de mes pensées noires. Aujourd’hui c’est Pâques et après la messe à l’église, comme chaque année, nous faisons un repas de famille. Ce midi c’est moi qui reçois et maman sait que cuisiner me stresse, aussi, j’ai pris toute ma matinée pour préparer un repas pour quatre.

Après avoir bu mon thé, m’être habillée à la vitesse de la lumière, je file mettre le couvert. On frappe à la porte et sans que je ne donne l’autorisation, ma jumelle déboule comme une furie dans ma cuisine. Elle est aussi brune aux cheveux lisses que j’ai les cheveux châtains et ondulés.

— Alice, avant que tu ne te fâches, sache que tu devais être la première personne à qui j’annonce ma grossesse…

— Après ton mari quand même, finit de dire Nathan, son époux.

— N’en rajoute pas, dit-elle en le foudroyant du regard. J’avais acheté le test pour le faire chez toi aujourd’hui, mais mon mari est tombé dessus. Du coup, je l’ai fait avec lui et…

— Ta mère l’a vu posé dans la salle de bain avant qu’elle ne puisse te l’annoncer !

Nathan et Romy sont le genre de couple qui finisse les phrases de l’autre.

J’allais la féliciter mais ma mère débarque avec son énorme parapluie et fracasse une de mes bougies au passage.

— Oh désolée. En même temps quelle idée d’avoir de la décoration inutile !

— On se met à table, lancé-je, je meurs de faim. Maman, fais attention avec ton gros panier ou tu risques de casser une autre de mes bougies !

Je suis plutôt fière de moi, ma salade est colorée (comme maman le nomme), ma quiche n’est pas cramée et mes tapas ont l’air appétissant. Le tout sur la table est rehaussé par des tulipes rouges.

Tandis que je sers mes convives (qui servent aussi de cobayes à mes maigres talents culinaires), ma mère se lance dans un laïus sur ma vie amoureuse.

— Ah Alice, je t’ai dégoté un bon parti et il est d’accord de passer rencontrer cet après-midi pour le café.

— Quoi ?

— Ça tombe mal maman, Alice n’a plus de café et de thé ! Si tu avais prévenu, elle en aurait acheté, tente de me sauver ma jumelle.

— Le plus simple serait de remettre ça à la semaine prochaine, tenté-je

— J’ai tout prévu, moi. Pourquoi crois-tu que mon panier en osier est aussi encombrant ?

Quelle prévoyante, ma mère !

— Qui est l’heureux élu ?

— Tu te souviens de l’enterrement de tante Berthie le mois dernier ?

J’ai peur !

— Euh oui…

— Bon eh bien, j’avais sympathisé avec l’employé des pompes funèbres, tu t’en souviens ?

Ma sœur ne se prive pas d’éclater de rire.

— Celui que tu trouvais élégant dans son costume ?

— Oui, lui-même. Il s’appelle Louis. Il s’avère que sa mère est une de mes collègues de travail. Vu qu’on est dans un service où il n’y a que des reclassés, je peux te dire qu’on a le temps de papoter. Son fils, Louis serait parfait pour toi. Il n’est pas trop porté sur son physique, mais pas bête non plus, il a quand même une licence en chinois. Sa fiancée la quittait l’an dernier alors qu’il venait de construire sa maison. Il fait pitié à voir, mais il est si gentil ! Alice, tu devrais lui donner une chance.

— Au moins, avec lui, tu as déjà la maison et un pied dans la tombe, pouffe Romy qui n’en peut plus.

Médusée, j’enfourne une bouchée de quiche. Maman a un faible pour les causes perdues. Quand elle fait les marchés aux puces, elle revient les bras chargés de babioles dont elle n’en a cure, tout ça parce qu’elle a pitié du vendeur qui ne vend rien.

— Alors, tu le laisseras t’inviter à dîner ? Prends ça pour un échange de service. Tu lui remontes le moral et vis versa.

— Maman, on est plus dans les années collèges là ! m’indigné-je.

— Quoi, les années collèges ? demande Nathan, curieux d’en apprendre plus.

Hugo le gros ! je m’exclame en même temps que ma jumelle. Tu ne te souviens pas que tu m’as forcée à sortir avec lui parce qu’il était la risée de l’école à cause de son poids ?

— En échange de 20 € ! surenchérit Romy. Moi, j’avais un petit copain donc j’ai échappé belle.

Je suis fichue.

— Si tu es à court d’argent, je peux te filer 50€, mais pas plus, je n’ai pas encore touché l’héritage de papi.

— Maman, non ! Je ne vais pas sortir avec Louis, le croque-mort…

— L’employé des pompes funèbres…

Soudain, j’entrevois une échappatoire : le voisin. Ce dernier est en train de massacrer les roses du jardin. D’un bond, je me lève et me rue à la fenêtre :

— Eh, mais ça ne va pas chez vous ? Pourquoi vous amocher les fleurs comme ça ? crié-je plus que de raison.

Au lieu de répondre, il hausse les épaules.

— Quand même si ! J’ai pris un temps fou à les entretenir.

Le tueur de fleurs m’ignore totalement et continue d’exterminer les pauvres roses comme si elles étaient des vulgaires insectes.

— Crétin !

Je regarde le voisin à travers la pluie qui a redoublé d’intensité mais l’Apollon n’est fait en carton, il persévère dans sa lutte acharnée, cisailles à la main.

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32 commentaires

Aurélie Benattar

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Il y a 2 ans

Coup de pouce

Laeticia LC

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Il y a 2 ans

Très agréable ce début d'histoire, je poursuivrai dès que possible. ✨🦋

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

merci

Là où est ton coeur

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Il y a 2 ans

J'ai hâte de connaître la raison pour laquelle il s'acharne sur les fleurs ! Et si cela va ouvrir la discussion entre les deux.. :)

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

merci bcp

Katie P

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Il y a 2 ans

Mais qu'est-ce qu'elles lui ont donc fait, les fleurs, au voisin, pour qu'il les maltraite ainsi ?!!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

ça vient ! ça vient !

Mary Cerize

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Il y a 2 ans

Coucou entre tensions palpables et choix difficiles à gérer c'est pas évident mais une entrée en matière intéressante

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 2 ans

Merci

Rose Foxx

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Il y a 2 ans

Salut ! Bienvenue dans l'aventure ! Je viens te donner un peu de soutien 🧡, j'aime bien ton début, son rythme et ta facon de nous présenter les choses! Petit conseil : pense a bien aérer ton texte pour nous faciliter la lecture ;) J'ai hate de lire la suite ! (Si jamais tu as un peu de temps et que le coeur t'en dit, n'hésite pas à passer sur Cheerlover en Comme dans un film et éventuellement y laisser un 🧡 pour m'aider ! Merci d'avance !) A bientot ! 🦋
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