Fyctia
Chapitre 4.1 : Arsène
J'avais toujours pensé que la forêt était un endroit silencieux. Pou moi, seule l'activité humaine pouvait venir troubler le calme de la nature. J'étais dans l'erreur.
Ma respiration était courte et saccadée après le sprint que je venais de faire. Je pouvais sentir mon cœur se contracter pour pomper plus rapidement le sang. C'était une sensation étrange et douloureuse.
Je m'arrêtai derrière un arbre car je n'entendais plus les chiens et les chasseurs partis à ma poursuite. Toutefois, de nombreux bruits parvinrent à mes oreilles. Le chant des oiseaux – survivants –, le vent sifflant entre les arbres, les branches grinçants autour de moi ou encore un écoulement d'eau.
Un sourire prit place sur mes lèvres. Je n'avais jamais pensé que ce clapotis pourrait un jour me procurer une joie aussi puissante. J'étais un coureur rapide et agile, mais peu apparemment un peu moins endurant que ce que j'avais pensé. Ma course m'avait fatigué et surtout j'étais mort de soif.
Je n'avais jamais rien appris sur la survie hormis la règle des trois. Trois minutes sans respirer. Trois jours sans boire. Trois semaines sans manger. Ces affirmations désignaient nos limites. En tout cas, je n'avais aucune envie de le vérifier.
Tel un – prédateur – loup solitaire je m'approchai lentement du ruisseau. Une partie de moi se méfiait de ce cadeau, un peu trop beau pour être vrai. Je pris soin de ne pas marcher sur les branches jonchant le sol. Le bois se brisant sous mon poids aurait risqué d'indiquer ma position à un chasseur en planque au milieu des bois. Le dos courbé je fis attention à bien rester à couvert entre les arbres. Cet endroit devait être probablement connu des chasseurs. Il était même probable qu'ils soient venus ici pour m'attendre et me fusiller dès que je m'approcherais. Les dernières heures m'avaient appris que la perversité de l'homme n'avait aucune limite. J'imaginai qu'ils avaient également pu piéger la forêt avec des collets ou d'autres ruses que les chasseurs utilisaient auparavant pour attraper les animaux sauvages.
Plus je m’approchais, plus le son du ruisseau devenait fort. Je n'entendais plus que lui. Je repoussai au loin la terrible sensation de tomber dans un piège qui ne voulait pas quitter mon esprit.
La rivière qui apparut sous mes yeux sortait de son lit à cause des dernières pluies qui étaient tombées durant plusieurs jours. J'avais du mal à l'imaginer complètement vide lors d’une des nombreuses périodes de canicule que nous connaissions régulièrement. Le plus invraisemblable était de me dire qu’à une époque – pas si lointaine – des cerfs et des biches venaient s’y abreuver avec leurs petits. À cause de ma propre espèce je ne pourrais jamais voir ces moments. Cela me frappa comme si on me donnait un coup.
Le plus discrètement possible je pris le temps d'observer avec attention les alentours pour m'assurer que personne n'était en train de me tenir en joue. Une fois mes arrières assurés je me dirigeai enfin au bord du ruisseau. L'eau était claire. Elle paraissait même trop pure. Les chasseurs y avaient peut-être dispersé du poison. Un terrible choix me fit face. Mourir de soif ou prendre le risque de mourir empoisonné. Après quelques secondes d'hésitation je me penchai pour boire une gorgée. La chance avait été de mon côté depuis le début de la traque alors je me dis qu'il n'y avait aucune raison qu'elle m’abandonne.
L'eau glaça mes dents avant de glisser lentement dans ma gorge et finir dans mon estomac. Je sentais toutes les parties de mon corps qu'elle touchait. Je frissonnai puis attendis un instant afin de découvrir si j'allais finir par me tordre de douleur et vomir une bile fluorescente comme dans ces – stupides – films postapocalyptiques. Je comptai jusqu'à dix, le plus lentement possible. Rien ne se passa alors je me penchai et aspirai l'eau en grandes gorgées. Je devais ressembler à un chien engloutissant toute sa gamelle d'eau à son retour de promenade. Cette image me fit serrer les poings.
Je relevai la tête. Aucun bruit. Je mis mes deux mains dans l'eau et m'aspergeai le visage. Dans d'autres conditions j'aurais même probablement pris le temps d'y plonger les pieds. Toutefois la – nouvelle – partie raisonnable – mature – de ma personnalité m'en dissuada. Ma mère aurait été surprise de découvrir à quel point j’avais plus évolué en quelques heures qu'en quelques années. La chasse était parvenue à me transformer comme elle n'y était malheureusement jamais arrivée.
1 commentaire
loup pourpre
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Il y a 10 jours