Fyctia
Chapitre 2.2 : Arsène
Lorsque le camion s'arrêta de nouveau, je sus – avant même qu'on me le dise – que mon tour était arrivé. Une poussée d'adrénaline explosa dans mon corps comme si je venais de m'injecter plusieurs drogues directement dans les veines. J'étais prêt – autant qu'on puisse l'être – à affronter la mort.
— 69A36-89 debout.
Déterminé je me levai convaincu que j'allasse réussir à m'en sortir avec habileté. Une main attrapa mon bras pour me faire descendre de la camionnette. Dès que mes pieds touchèrent le sol mon cœur s'emballa. C'était comme si on me donnait un coup dans la poitrine. Lorsqu’on m'enleva mon bâillon, je réalisai que ma mâchoire était tout engourdie. Je me mis à la faire bouger dans tous les sens comme pour la remettre en place. Ma bouche était particulièrement sèche. Avant même d'avoir couru, j'étais déjà assoiffé.
Enfin, on me retira le bandeau qui me couvrait les yeux. La lumière du soleil m'aveugla si fortement que je fus contraint de les refermer quelques secondes. Lorsqu'ils furent habitués à la luminosité extérieure je découvris que le soleil brillait haut dans le ciel. La chaleur de ses rayons n'était effacée que par le vent glacial. Je tournai la tête vers la forêt pour repérer les chasseurs tandis qu'on me retirait les menottes. Au loin sur ma droite j'aperçus deux silhouettes qui me tenaient déjà en joue. Il allait falloir que je sois extrêmement rapide. Les tirs étaient faciles à réussir depuis leur position. Mes poignets étaient douloureux et lorsque je les frottai par réflexe, je réalisai que ma peau était entaillée par endroits. L'envie de me ruer sur l'instructeur en chef ne me quitta pas une seule seconde. J'avais deux possibilités : lui casser la gueule et mourir, ou bien ne rien lui faire et tenter de me sauver. La deuxième option avait bien plus de sens ; il fallait donc que je la suive.
Dès que l'on me poussa dans l'arène, je me mis à courir le plus vite possible. Je partis sur la gauche avant de me faufiler entre les arbres comme un de ses fauves que j'avais vu dans de vieux documentaires sur internet. Droite. Gauche. Droite. Droite. Gauche. Droite. Gauche. Gauche. Les balles fusaient derrière moi. Je pouvais les entendre s'enfoncer dans les bois et les feuillages autour de moi. Un plomb passa si près de mon oreille que je crus durant quelques secondes qu'il m'avait touché.
J'étais parti – trop – vite le souffle me manquait déjà. Je devais faire une pause pour reprendre ma respiration sinon je prenais le risque de m'épuiser sur les prochains kilomètres. Comme par miracle un tas de rochers apparut devant moi. Sans attendre je me mis à couvert derrière. Je pouvais entendre les chasseurs crier et leurs chiens aboyer avec férocité. Je devais retrouver rapidement mon souffle alors comme si cela pouvait m'aider je me mis à parler à voix haute.
— Inspire. Expire. Inspire. Expire.
Dès que je retrouvai une respiration régulière je repris ma course folle à travers les bois. Le plus important maintenant était de distancer les deux chasseurs partis à mes trousses. J'étais étonné qu'ils ne soient pas plus nombreux. J'imaginai qu'ils s'étaient tous rués sur les premières proies. Finalement dans mon malheur j'avais eu beaucoup de chance.
Les feuilles tombées des arbres avaient créé un tapis glissant particulièrement dangereux. Je me focalisai donc sur mes pieds pour ne pas trébucher. La moindre chute risquait de me faire perdre une bonne partie de mon avance et surtout d'être rattrapé par les chiens.
Je ne courais plus. Je trottinais en slalomant entre les arbres. J'avais perdu toute notion de l'heure. S’était-il écoulé plusieurs minutes ou bien plusieurs heures depuis ma libération ? Je n'entendais ni chasseur ni chien. Malgré tout je décidai de rester sur mes gardes. Seul l'instinct de survie me poussait à avancer encore et encore. Prendre une pause était trop dangereux. J'aurais tout le loisir de me reposer lorsque je serai mort. N'ayant aucune idée de l'heure et aucun moyen de la savoir, je ne pouvais pas prévoir combien de temps il me restait avant que le soleil ne se couche. La nuit tombait rapidement en forêt. En quelques minutes la pénombre s'installait pour vous dévorer. Toutefois mon objectif premier était de trouver de la nourriture car mon estomac me torturait depuis bien trop longtemps. Je savais que j'avais déjà utilisé toute l'énergie que mon corps avait gardée en réserve.
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