Fyctia
Chapitre 8 : Détenu 69A36-89
On m'avait assis sur une chaise, puis bâillonné, menotté et bandé les yeux. J'aurais aussi aimé avoir les oreilles bouchées car le discours de l'instructeur en chef était terriblement long et chiant. J'avais toujours détesté ces types qui parlent juste pour le plaisir de s’entendre. Ce moment – sous certains aspects – me rappelait le lycée et surtout les raisons pour lesquelles je n'y allais presque jamais. À l'époque j'étais en terminale. Ma mère me répétait tous les jours que c'était une année capitale et donc que je me devais de fournir des efforts importants pour pouvoir obtenir mon diplôme en fin d'année. En repensant à cela j'eus envie de rire. Il était clair que je n'obtiendrais jamais ce précieux sésame, mais ça ne serait pas à cause de mes absences répétées ou mon manque de travail.
— Dans quelques heures maintenant nous allons vous amener dans les bois. L'instructeur s'arrêta, marquant une longue pause pour donner un peu d'effet à ses paroles. Ensuite, vous serez progressivement libérés et... traqués.
Si je n'avais pas été privé de la parole je lui aurais probablement demander s'il avait encore beaucoup d'évidences à nous donner. Il savait que tout le monde dans cette pièce connaissait le principe de la chasse, mais il en parlait comme si nous étions idiots. Cherchait-il à nous énerver ou juste à profiter de son petit pouvoir ? La réponse m'échappait.
Alors que je râlais intérieurement une délicieuse odeur fruitée me vint aux narines. C'était un parfum de femme très agréable, mais un peu trop capiteux – comme l’aurait dit ma mère – pour ce qui nous attendait. Les chiens arriveraient facilement à pister la femme qui le portait. Elle ne le savait probablement pas, mais elle n'allait pas survivre longtemps. Elle ferait partie des premiers tués. Je le sentais. Un homme bien se serait – probablement – inquiété pour elle. Heureusement je n'en étais pas un et cette nouvelle – qui n’en était pas une – me rassura. Pendant que les chasseurs la traqueraient avant de l’abattre, je pourrais prendre de l'avance. Grâce à cette inconnue mes chances de survie venaient d'être revues à la hausse.
— La forêt est un véritable labyrinthe alors n'espérez pas vous y rejoindre. Vous serez seul face à vous-même, face à vos erreurs.
La voix du petit chef résonnait dans la pièce, mais je ne faisais plus attention au sens des mots qui sortaient de sa bouche. L'odeur du parfum me perturbait. Il m’avait happé. C'était un mélange de miel et de fruits rouges. Mon estomac affamé se mit à gargouiller face aux images de nourriture qui se présentaient à mon esprit car nous n'avions toujours rien mangé. Essayaient-ils de nous affamer afin de réduire nos chances de survie ? Cette course poursuite au cœur de la forêt n’allait pas être juste pour tout le monde.
— Toutes les proies ont toujours été tuées dans les quelques heures suivant leur libération. Aucune n'a jamais passé la nuit dans les bois, mais si jamais vous y parvenez je vous conseille de profiter de ce moment pour prier et faire en sorte que votre dieu ait pitié de votre âme.
Quel connard ! Je n'avais jamais rien entendu de plus débile. Je ricanai en me demandant si tout cela n'était pas qu'une caméra cachée. Prier était la chose la plus inutile qui soit et j'osai espérer que personne dans cette assemblée n'était assez bête pour croire en Dieu. Les miracles n'existaient pas. Si ça avait été le cas, je n'aurais jamais été assis sur cette chaise métallique qui me faisait mal au cul dans cette prison.
Soudainement une puissante vague d'excitation me submergea. Le discours de l'instructeur ne fonctionnait pas sur moi comme il l'aurait voulu Au lieu de me terrifier il me stimulait. J'avais envie de montrer au monde mes capacités. J'avais hâte de me retrouver seul face aux chasseurs pour leur échapper. La solitude ne m'effrayait pas. Je n'avais jamais eu besoin de personne. Ma mère voulait toujours m'aider, mais je refusais à chaque fois. Quant à mon père il avait été absent durant toute ma vie.
— N'ayez aucun espoir. Vous êtes certain de mourir. Le ton de sa voix donnait l'impression qu'il était en train de sourire. Je peux même vous dire que certains d'entre vous espérons se faire attraper le plus rapidement possible. À chaque nouvelle traque des proies vont d'elles-mêmes trouver les chasseurs pour se faire abattre. Vivre face à sa culpabilité n’est pas une chose évidente.
J’eus envie de lui demander ce qu’il pouvait bien connaître de la culpabilité puisque contrairement à nous il n’était pas un criminel. Cet homme avait – l'emmerdante – tendance à se croire supérieur aux – proies – autres.
Je repartis dans mes pensées pour ne plus avoir à entendre son discours qui n’en finissais pas. Je me mis à l'imaginer en train de préparer son prochain monologue pour la chasse suivante. Mentionnerait-il le fait que je serais parvenu à déjouer tous ses pronostics ? J'étais le premier mineur condamné à mort, mais j'allais également être le premier condamné à déjouer les balles des chasseurs. D'ici quelques heures j'allais retrouver ma liberté tandis que tous les autres présents dans cette pièce seraient déjà morts.
1 commentaire
Vana Aim
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Il y a 2 mois