Fyctia
Chapitre 7.1 : Détenue 42C09
Je n'avais pas pu retourner dans ma cellule sur mes deux jambes. Mon cerveau s'était mis sur pause. J'étais incapable de marcher, de penser ou d'agir d'une quelconque manière. Un gardien attrapa mon corps pour le faire passer d'une chaise roulante à mon nouveau lit. Je fixai le plafond de ma cellule. Une minuscule pièce de béton, froide et humide, qui m'apparut alors comme un lieu étrangement rassurant. Je ne souhaitais plus jamais en sortir. L'extérieur était devenu beaucoup trop dangereux. Je réalisai peu à peu que tout ce qui m'attendait de l'autre côté de la porte serait épouvantable.
Mes yeux refusèrent de quitter les fissures et les nombreuses tâches de moisissure au-dessus de ma tête. Je tentai de fermer les yeux, mais les images de mon supplice m'assaillaient avec violence. Ma gorge se serra, faisant revenir la douleur qui n'était alors pas vraiment passée. Même si le métal bouillant ne touchait plus ma peau, je sentais toujours son feu dévorer chaque centimètre de mon cou. N'ayant rien pour apaiser ma brûlure j'étais contrainte d'attendre qu'elle disparaisse d'elle-même. Une souffrance lancinante dont j'ignorais à ce moment qu'elle ne serait ni la dernière ni la plus violente.
***
— Cette histoire sera vite derrière toi, me dit ma mère en me servant une nouvelle tasse de thé.
Pour simple réponse, je haussai les épaules et fixai ma tasse. Un long silence s'installa. Nous ne parlions que très peu de mon procès à venir comme s'il n'était qu'une petite imperfection sur la toile de notre vie parfaite et rangée.
— L'autre jour j'ai lu que le dérèglement climatique devrait ralentir, continua t-elle dans l'espoir de me faire parler.
Je relevai enfin les yeux.
— Ca serait une bonne nouvelle. Je crois que j'ai de plus en plus de mal à supporter les chaleurs.
— Tu es bien comme ton père ! Moi je crains plus le froid.
Un nouveau silence s'installa. Il semblait encore plus puissant que le précédent car mes oreilles se mirent à bourdonner.
— Tu penses qu'ils pourraient me condamner, finis-je par demander d'une voix tremblotante.
Ma mère attrapa avec douceur ma main. Ce simple contact réchauffa mon corps et mon âme. Telle une petite fille après avoir un cauchemar, je n'avais besoin que de quelques mots de soutien pour m'apaiser.
— Notre gouvernement est juste et Dieu est avec nous.
J'eus l'impression que des larmes emplissaient ses yeux, mais elle ne pleura pas.
— Je prie pour toi tous les jours.
— Tu as raison, je répondis avec un sourire triste. Notre justice est là pour nous protéger et je suis sûre que Dieu a aussi entendu mes prières.
***
Un bruit de clef se fit retentir au loin. Il s'approcha tout doucement avant de devenir puissant. Un verrou s'ouvrit dans un grincement strident. Je me redressai sur ma couchette, le cœur battant. Il me fallut quelques secondes pour revenir à la réalité. Malgré des conditions terribles, j'étais parvenu à dormir un peu. Mes yeux croisèrent ceux d'un gardien dont l'expression me fit froid dans le dos.
L'homme âgé d'une quarantaine d'année, tenait dans sa main droite une matraque et dans l'autre une paire de menottes. Mon regard passa de l'un à l'autre. Je n'avais pas besoin de menacer supplémentaire pour faire tout ce que l'on allait me demander.
— Face au mur, mains dans le dos.
Sa voix était froide et avait une sonorité inhumaine. Docile et anxieuse, j'obéis. Le front contre le béton glacial de ma cellule, je réalisai que toutes mes croyances n'étaient peut-être que des leurres. En effet, notre justice ne me semblait pas protéger les hommes comme elle le prétendait. Elle torturait des prisonniers grâce à une légitimé donnée par les tribunaux.
Dés l'instant où l'on m'avait désigné coupable, on m'avait traité comme une bête et non pas comme un être humain. Aux yeux de tous je n'étais plus qu'une proie. Ce constat aurait dû me faire pleurer, mais le choc et le stress empêchèrent à mes larmes de se répandre sur mes joues.
Le gardien me menotta avec vigueur comme s'il cherchait à couper volontairement mes poignets. Le contact de ses doigts sur ma peau me donna un haut le cœur. Mon corps frissonna. Tout à coup on me bâillonna et on me banda les yeux sans me donner aucune explication. Pourquoi ? La panique m'envahit et je n'entendis plus que les battements pressés de mon cœur dans mes oreilles, tandis que mon corps tremblait. Dans l'espoir de me calmer, je récitai intérieurement l'une des nombreuses prières que je connaissais.
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