Hermine Ariane Tecg La Chasse Chapitre 3.2 : Détenue 42C09

Chapitre 3.2 : Détenue 42C09

Sa déclaration me surprit car je n'avais pas pensé à cet aspect des choses. Spontanément je me mis à le dévisager sans savoir ce que j'étais censée lui répondre. Il profita de mon silence pour glisser devant moi un stylo et du papier. Je fixai longuement la feuille blanche sans trouver la force de la remplir. Rédiger mon testament c'était accepter mon sort ; la mort. Je n'y étais pas encore prête. Je n'avais aucune envie de mourir. Pas maintenant. Pas si jeune. Pas pour un crime que je n'avais pas commis.


— Hors de question, finis-je par répondre avec colère.


— Vous ne devriez pas hésiter. C'est votre seule chance de mettre de l'ordre dans vos affaires avant de...


— … de quoi, le coupai-je avec une brutalité que je ne me connaissais pas. Ils vont m'abattre alors que je suis innocente et vous n'allez rien faire pour m'aider !


Tout à coup je m'écroulai en sanglot. La réalité m’était soudainement apparue. La chasse n'était rien d'autre que la peine de mort. On en avait simplement changé le nom et la procédure. Elle avait été créée par le président de la République pour une multitude de raisons. La première était simple. Il y avait trop de prisonniers et pas assez de place dans les établissements pénitentiaires. Le moyen le moins cher trouvé par l'état pour endiguer la surpopulation carcérale fut d'éliminer les délinquants. Toutefois notre pays n'était pas prêt à voir le retour de la guillotine alors le gouvernement avait dû faire preuve de créativité.


La seconde raison était liée au réchauffement climatique. À cause des canicules de plus en plus longues et nombreuses, tous les cours d'eau avaient tari ce qui avait entraîné la mort progressive de tous les animaux sauvages. Ceux qui ne mouraient pas de soif mouraient de faim car nos forêts étaient les victimes d'incendies incessants. Les hautes herbes s'embrasaient d'elles-mêmes et il ne fallut que quelques années pour que la moitié de la flore naturelle disparaisse. Les animaux, laissés sans ressource, décédaient d'une mort lente mais certaine. Les chasseurs, électorat important pour n'importe quel homme politique, étaient furieux de ne plus pouvoir s'adonner à leur loisir. Pour les satisfaire l’État créa des fermes d'élevages dont le seul but était de réintroduire des animaux dans les bois pour qu'ils puissent être traqués et tués. Cette solution a fonctionné quelque temps, mais elle ne fut pas pérenne. Elle coûtait trop cher et les nombreuses associations de défense des animaux passaient leur temps à déposer des plaintes contre le gouvernement.


Ces deux raisons, qui a priori n'avaient aucun rapport, ont été liées d'une manière inattendue. Le monde politique avait réussi à faire d'une pierre deux coups. Comment satisfaire les chasseurs tout en freinant la surpopulation carcérale ? Créer une sentence intitulée « la chasse » dans laquelle les animaux étaient remplacés par les criminels dit les plus dangereux du pays. Ceux qui ne pourraient pas changer, ceux qui récidiveraient nécessairement, ceux dont la société voulait se débarrasser sans jamais avoir eu le courage de le faire.


Cette idée fut extrêmement bien accueillie. Les chasseurs voulaient se sentir puissants avec leur fusil et se moquaient de la proie qu'ils avaient à traquer. Tuer était leur seul leitmotiv. La plupart des citoyens avait accepté l'idée car abattre des meurtriers et des violeurs semblait être un juste retour des choses. Personne n'avait alors pensé aux éventuels innocents qui y seraient condamnés comme je l'étais. Après tout nous n'étions que des dommages collatéraux, un chiffre sans importance au milieu de toutes les statistiques.


— C'est l'heure du transfert !


Une voix autoritaire me sortit de mes réflexions. Je reniflai sans aucune élégance et essuyai du revers de la main les larmes qui m'avaient échappées. Le pire était encore devant moi, mais à ce moment je n'en avais pas vraiment conscience. L'espoir me poussait vicieusement à croire que la justice allait se rendre compte de son erreur.


Lorsque mon avocat se leva il prit le temps de me lancer un dernier regard. Nos yeux refusèrent de se quitter pendant de longues secondes.


— Si vous voulez je peux transmettre un message à vos parents.


Que devais-je dire pour les apaiser ? Leur fille unique allait mourir comme les pires délinquants. Il n'y avait rien de pire et je n'osai penser à l'anéantissement dans lequel ils devaient être. Je me devais de trouver les mots dont ils avaient besoin. Je balbutiai avant de me reprendre.


— Dites-leur simplement que je les aime, et que je suis désolée.


Il hocha la tête et se mordit les lèvres comme pour retenir des larmes avant de sortir. Le claquement de la porte fut un véritable coup de poignard qu'on m'enfonçait dans le cœur. Je n'étais plus libre. J'étais condamnée à mourir sous les balles de chasseurs enragés. Lorsque la porte se rouvrit deux gendarmes armés apparurent. Cette vision cauchemardesque m'effraya. Sans autre alternative je me mis à prier silencieusement pour la rédemption de mon âme



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