Hiurda La Bête de la Terre des Rois Peur - Partie 3

Peur - Partie 3

Ils se trouvaient à l’orée du village, sur le chemin menant à la forêt. Le trajet au milieu des rues désertes s’était fait dans le silence tandis qu’Ulrik aidait Ishta à marcher dans l’obscurité. Elle ne comprenait pas où il l’emmenait. Les idées les plus folles lui avaient traversé l’esprit. Elle les avait toutes mises de côté les unes après les autres. Si Ulrik lui avait voulu du mal, il aurait eu mille occasions de parvenir à ses fins. De plus, il ne serait pas aussi prévenant qu’il l’était maintenant, à la soutenir pour l’empêcher de glisser sur le bois humide, à la soulever doucement pour passer les tas de neige qui entravait leur chemin ou encore à lui montrer des obstacles que le noir de la nuit lui avait cachés.

Enfin, l’homme s’était arrêté devant une petite maison à l’écart des autres, dernière avant la fin du village. Quelques clôtures délimitaient un terrain étroit où se trouvaient un puits et une cabane à poule inoccupée. Il ouvrit la barrière et escorta Ishta jusqu’à la porte qu’il poussa d’une main, lui faisant signe d’entrer. Ce devait être chez lui.

Il faisait trop sombre à l’intérieur pour voir grand-chose, mais Ulrik entreprit d’allumer un feu dans la fosse au centre de la pièce. Bien vite, la chaleur se répandit et la lumière repoussa les ombres.

La maison se présentait comme la plupart des habitations íbúan. Une grande salle principale avec un plancher, un foyer en son milieu et de petites fenêtres. Une table avec quelques chaises et des fauteuils de bois couvert de peau étaient installés autour de la fosse. Mais contrairement à la plupart d’entre elles, le lit n’était pas derrière une cloison. Il n’y en avait tout simplement pas. Elle était aussi incroyablement vide. À part le mobilier et les accessoires de cuisine et de ménage de base, il n’y avait rien.

Ulrik l’aida à retirer sa cape et ses gants. Ishta ne savait trop quoi dire, elle contemplait la pièce et ne comprenait toujours pas ce qu’ils faisaient là. Il n’habitait visiblement pas dans cette maison. Tout semblait intact, aucune trace de l’usure habituelle d’un lieu de vie. À bien y regarder, tout était neuf, même l’air était empli de l’odeur du bois franchement coupé.

« J’aurais préféré t’emmener ici avec le soleil encore dans le ciel, dit-il, embarrassé. Mais il nous fallait un endroit tranquille pour discuter, alors… Bienvenue chez toi. »

Ishta n’était pas sûre de comprendre ce qu’il voulait dire.

« Pardon ? demanda-t-elle, abasourdie.

— Tu ne peux pas habiter au Hovedhuren indéfiniment. On a mis plus de temps que prévu pour la finir. Mais on y est arrivé avant le Storkan. »

Elle doutait fortement que le chaman lui ait offert une maison par pure bonté, elle devrait payer, elle ne connaissait seulement pas encore le prix. Voyant qu’Ishta ne réagissait pas, il ajouta d’un air gêné.

« Tu peux amener tes affaires dès demain si tu veux… Ou pas. Aucune obligation… »

Et il avait raison, elle ne pouvait rester au Hovedhuren toute sa vie. Un jour, elle devrait cohabiter avec son mari. Alors le placement de l’habitation prit sens. Sur la route menant à la forêt… Fryktebjorn n’allait sûrement pas vivre en intérieur. Elle n’aurait peut-être pas à payer pour cette maison, son futur époux l’avait déjà fait.

Ulrik devint de plus en plus mal à l’aise devant son silence. Soudain, comme s’il venait de se souvenir d’un détail, il ouvrit une porte qu’Ishta n’avait pas remarquée. De l’autre côté se trouvaient un lit, un tapis de peau, un coffre immense et une petite table avec une chaise. Il n’était pas habituel pour les habitations íbúan d’avoir plusieurs pièces, encore moins avec une porte, le Hovedhuren était une exception. Cet aménagement était fait spécialement pour elle. Elle ne savait pas d’où Ulrik avait appris l’importance de cette porte pour elle, mais le geste la toucha plus que tout le reste.

« Ishta… Je sais que tu ne dois pas être ravie de moi en ce moment. »

Il lui prit la main pour la tourner face à lui.

« J’ai eu le temps d’y réfléchir alors que j’étais seul, pour préparer le møtbarn. Je regrette ce que je t’ai dit, et comment je l’ai fait. Je ne sais pas ce qui m’a pris, je suis désolé. »

Jamais personne ne s’était excusé auprès d’elle. Pas même Toumet. Encore que, à bien y penser, elle ne lui en avait pas laissé l’occasion. Mais Ulrik tombait à côté du problème. Il ne pouvait pas sincèrement croire qu’elle était en colère simplement pour le ton qu’il avait employé.

« Tu peux crier, dire des mots qui font mal à moi. Je être habitué. Mais tu cacher de choses à moi que je besoin savoir. »

Sans le vouloir, sa voix devenait de plus en plus forte et elle sentit la boule peser de nouveau sur sa poitrine.

« Tu voir moi tous les jours, tu gentil avec moi tous les jours. Et moi je contente de être avec toi, je contente de parler avec toi. Tu faire croire que moi importante. Mais tu attendre quoi pour me dire ? Le jour que je me marier ? »

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