Hiurda La Bête de la Terre des Rois Questions - Partie 4

Questions - Partie 4

La seule personne à qui elle n’avait pas encore posé la question concernant son mari était Ulrik. Le peu de temps qu’elle avait avec lui passait tellement vite qu’elle n’osait pas aborder le sujet de peur qu’il ne se mette à l’ignorer aussi. Mais la situation n’avait que trop duré. Pourquoi tant de mystère autour de l’homme avec qui elle devrait partager le reste de sa vie ?


Ce midi-là, Ulrik lui avait donné rendez-vous devant le port, il l’attendait sur une des tables installées sur la place. 

« Regarde ce que j’ai trouvé ! lui dit-il. Je pensais devoir attendre cet été pour te le faire goûter, mais Sighild en avait encore un peu, j’ai dû négocier dur, mais voilà ! »

Et il désigna l’assiette placée sur la table, visiblement très fier de lui. Ishta avait pris l’habitude de déguster toutes sortes de nourriture depuis le début de leurs rencontres. Elle appréciait de découvrir de nouvelles choses et Ulrik se faisait un plaisir de partager tout ce qu’il connaissait de plus étrange. Sa curiosité piquée au vif, elle examina le morceau de viande rose foncé tout en s’asseyant. Mais, à bien y regarder, ça ressemblait plus à bout de poisson dont la chaire était encore attachée à la peau. Cependant, cette tranche de filet était plus grande que tous les poissons entiers qu’elle ait jamais vu.

« Lui doit être grand poisson ! dit-elle, plus excitée qu’elle ne le pensait.

— Celui-là faisait partie des petits, soixante centimètres tout au plus. Mais certains laks atteignent plus d’un mètre, répondit Ulrik, visiblement ravi de son enthousiasme. Ils remontent les rivières en été pour aller peìondiù leurs œufs. Puis les petits partent vivre en mer pour l’hiver. C’est encore meilleur frais, mais séché ou salé c’est pas mal non plus. »

Ishta avait toujours préféré le poisson, Ulrik le savait. Elle n’hésita pas plus et goûta. Comme elle s’y attendait, l’animal avait été séché dans une sauce à la fois sucrée et salée dont elle raffolait et le goût de la chair, subtil, se mariait très bien avec. Jusqu’ici, ce devait être ce qu’elle préférait de tout ce qu’elle avait pu manger et elle avait hâte d’être en été pour le manger frais. 

Elle voulait profiter du repas pour aborder le sujet de son mari. Mais une dizaine d’enfants en bas âge arriva sur la place et se précipita vers Ulrik en riant et en criant. Il ne parut pas surpris et les accueillit avec plaisir. 

« Un à la fois, je ne comprends rien ! » dit-il en riant. 

Alors un à un, chaque enfant lui donna un objet, qu’ils avaient visiblement fabriqué eux-mêmes, en indiquant à qui il était destiné. Celui-ci était pour mamie Olga, celui-là pour tonton Harald ou encore pour grand-mamie Ingebord. Ulrik les mit tous dans une grande poche en cuir qui en contenait déjà quelques-uns. Puis la horde sauvage répartie comme elle était venue. 

Il était curieux de voir Ulrik rire avec les enfants. Il paraissait chaleureux et avenant. Des termes qu’elle n’aurait pas pensé à utiliser le concernant autrement. Au fil des jours, elle avait appris à ne pas se fier à son air sévère et dur, mais le voir sourire était rare.

« Pourquoi eux donner tout ça à toi ? lui demanda Ishta. 

— C’est ce dont je voulais te parler aujourd’hui. Dans une semaine, on va tenir une cérémonie en mémoire de nos anciestiù. Les conditions idéales n’arrivent qu’une fois tous les huit ans. C’est l’occasion pour les parents de présenter leurs enfants à leurs proches disparus. Ces cadeaux sont des ofièrd pour eux. »

Ishta savait que les Íbúa avaient une affinité très forte avec ceux qu’ils appelaient les esprits. On lui avait parlé de plusieurs cérémonies et rituels, mais elle n’avait pas encore eu l’occasion d’en voir un. Elle savait également qu’Ulrik était le chaman de son clan, une sorte de prêtre, et qu’il était responsable de ces événements. 

« Toi va être très occupé alors ? demanda-t-elle.

— Oui, il eut l’air embêté. Je vais pas pouvoir manger avec toi cette semaine. Je dois partir en forêt pour préparer la cérémonie. »

Ishta ne comprenait pas ce qui le dérangeait autant. Elle posa une main sur son bras, comme elle avait pris l’habitude de le faire. 

« Toi fait ce que toi dois faire », dit-elle d’une voix douce. 

Certes, leurs rendez-vous allaient lui manquer, mais il ne partait pas pour toujours. Cependant, elle n’avait plus le choix que de lui poser la question aujourd’hui ou elle allait encore devoir attendre trop longtemps. 

« Ulrik, j’ai question pour toi que personne veut répondre, je peux ? 

— Toujours, Sjel, qu’est ce qui te tracasse ? 

— Si futur mari de moi ce pas être Leif, alors ça être qui ? »

Ishta vit Ulrik se figer, comme frappé par la foudre. 

« De tous les hommes ici, c’est à Leif que tu pensais en imaginant ton mari ? »

La voix d’Ulrik était sèche et le ton cassant. Ishta s’était attendu à bien des réactions mais la colère n’en faisait sûrement pas partie. Elle avait fait énormément de progrès dans la gestion des émotions, les siennes et celles des autres. Mais faire face à toute sorte d’animosité la mettait toujours dans un état proche de la panique. Elle souffla deux ou trois fois, se rappela qu’Ulrik ne lui avait jamais donné aucune raison de s’inquiéter, bien au contraire. 

« Oui. » Elle répondit d’une petite voix. « En venant, je croire que Leif être chef de tous. »

Le guerrier prit une grande inspiration, comme pour se calmer et reprit d’un ton vide.

« Et tu as été dièlust que ce soit pas lui ?  »

« Je pas comprendre dièlust. »

Elle ne comprenait pas la réaction d’Ulrik. Il ne pouvait être en colère simplement parce qu’elle s’était trompée, ça ne lui ressemblait pas.

Il semblait chercher ses mots, ne sachant comment lui reposer sa question différemment. Ishta pouvait sentir la frustration que le guerrier dégageait. Il prit la parole lentement, mais elle pouvait entendre le tremblement de sa voix qu'il essayait vainement de lui cacher.

« Si tu pouvais choisir, tu aurais choisi d’épouser Leif ?  »

La question laissa Ishta perplexe. Ça n’avait jamais été une question de choix. Si elle avait pu choisir, elle n’aurait choisi personne. Si elle avait pu vivre sa vie sans devoir partager son lit, voilà le choix qu’elle aurait fait. Mais elle doutait qu’il le comprenne, alors elle répondit ce qu’elle put.

« Ce pas être un choix pour moi. » 

La réponse ne plut pas à Ulrik qui serra les poings de rage. Encore une fois, le geste était imperceptible et Ishta ne s’en aperçut que parce qu’elle avait passé sa vie à en avoir peur. Pourquoi avait-elle été assez bête pour poser la question ? Si personne ne voulait lui répondre, il devait bien y avoir une raison. Elle aurait dû s’en tenir à ça. 

À deux doigts de voir Ulrik se lever et partir elle commença à paniquer. Qu’allait-elle faire si le guerrier se mettait lui aussi à l’éviter ? Elle comprit qu’elle s’était habituée à leurs rencontres journalières et à quel point elle y tenait.



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4 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

Oh punaise s'est trop mignoooon. Tu peux pas me laisser comme ça !

Hiurda

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Il y a un an

Tu ne vas pas avoir beaucoup à attendre, la suite est déjà écrite ! Je mets à jour dès que j'en ai le temps 😊 (surement ce weekend...)

🌿🌸 É-Stèle 🌸🌿

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Il y a un an

À priori, il est «dièlust» de sa réponse :)

Hiurda

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Il y a un an

😂 exactement !
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