Hiurda La Bête de la Terre des Rois Questions - Partie 1

Questions - Partie 1

Les jours suivants se révélèrent être des plus compliqués pour Ishta. S’acclimater à cet environnement, sans connaissance de la langue s’avéra encore plus difficile que ce qu’elle aurait cru. Elle était dépassée par les événements et ignorait ce que l’on attendait d’elle.

On lui fournit une chambre à l’arrière de la salle commune. Avec une porte, à son grand soulagement. Elle avait une fenêtre donnant sur le lac, le mur extérieur était en pierres épaisses recouvertes de tapisseries et les autres étaient d’un beau bois foncé. Il y avait un lit, une table, une fosse à feu au centre et plusieurs coffres remplis de vêtements et objets du quotidien qu’elle n’osa tout d’abord pas toucher. Einar dut lui confirmer par deux fois que tout leur contenu était bien pour elle et qu’elle pouvait en faire ce qu’elle souhaitait. La pièce n’était pas bien grande, mais tout ce qui s’y trouvait appartenait exclusivement à Ishta. Elle n’avait jamais été aussi riche.

Elle se retrouva également seule pour la première fois de sa vie. 

Pas de nourrice ou de chaperon, pas de sœur ou de servante. Le silence de la première nuit fut d’abord oppressant, elle pleura doucement de ne pas entendre la respiration régulière d’un autre être vivant. Encore une fois, elle pleurait et ce constat la désola. Comment pouvait-elle regretter cette période ? Au moins, il n’y avait personne ici pour épier ses faits et gestes. Mieux, il n’y avait personne à qui rapporter ses faits et gestes ! Elle vit alors ce silence pour ce qu’il était : sa liberté. 




Dès le lendemain, Toumet l’emmena pour ses activités quotidiennes. Accompagnées d’Astrid et d’Ingunn, deuxième fille de Toumet, la plupart des journées étaient consacrées à suivre l’évolution des préparations en vue du Storkan. Einar lui expliqua plus tard qu’une grande tempête de plusieurs semaines allait s’abattre sur la Terre des Rois, empêchant quiconque de se déplacer. Il leur faudrait alors assez de provisions et de fournitures pour survivre sans avoir besoin de sortir de la maison.

À son grand étonnement, les trois femmes n’hésitaient pas à user de leurs mains pour aider aux différentes tâches. Un jour, elles vidèrent les poissons fraîchement pêchés en vue du salage. Un autre, elles déplacèrent elles-mêmes plusieurs piles de bûches pour alimenter les feux de la forge alors que le lendemain elles entreprirent de filer plusieurs bacs de laine avec les autres femmes. 

La différence avec l’Empire ne pouvait être plus saisissante. Certes, les femmes étaient des citoyennes à part entière, mais la distinction allait au-delà, jusque dans leur vision des interactions sociales même. D’après ce qu’elle avait observé, le statut n’avait de valeur que s’il était soutenu par la connaissance. Elle avait cru que Leif était le chef de leur peuple et Toumet, étant sa femme, dominait sur toutes les autres femmes.

Elle ne pouvait pas être plus loin de la réalité. Ishta en resta muette de stupéfaction quand Einar lui expliqua que Leif ne contrôlait que la guerre. Oui, cette position faisait de lui l’homme le plus puissant actuellement au sein des clans, mais en dehors des combats et de la stratégie, il ne dirigeait rien du tout. Toumet était l’Ansatt de leur clan, elle s’occupait de la politique interne. Mais cela ne faisait pas d’elle quelqu’un à qui il fallait obéir aveuglément. Elle était là pour coordonner et aider au dialogue entre les différents corps de métier, mais à aucun moment elle ne donnait d’ordre qu’elle s’attendait à voir exécuter sans discussion. 

Et elle ne décidait pas de tout. Toumet n’avait pas les connaissances nécessaires pour choisir comment pêcher le poisson ou quand tondre les moutons. Le pêcheur et le berger sauront toujours mieux qu’elle. 

Les Ansatte étaient élus en fonction de leur compétence et ils pouvaient être désignés dès que le besoin s’en faisait sentir. Pour coordonner les plantations ou pour délimiter les zones de pêches. Pour la recherche d’un nouveau terrain de chasse ou pour les négociations avec un autre clan. L’Ansatt ayant dirigé le festival du solstice cette année ne sera pas forcément celui qui le fera l’année prochaine. N’importe qui estimant avoir les capacités nécessaires pouvait se proposer, avec l’accord des personnes concernées et de l’Ansatt du clan, autrement dit Toumet. Et elle n’avait pas ce titre pour une raison aussi simple et stupide que l’hérédité ou le statut de son mari. Elle avait reçu ce titre parce qu’elle avait prouvé qu’elle était la plus à même de résoudre les conflits et de gérer l’organisation du clan. Elle l’avait gagné par elle-même et il était mérité.

Voilà qui donnait une tout autre perspective de vie à Ishta. Ning n’aurait jamais été à même de lui offrir une telle chance. Ce peuple considéré comme barbare lui offrait une vie dont elle n’aurait jamais rêvé au sein des royaumes dits civilisés. 

Mais l’existence d’autant d’Ansatte soulevait un problème d’une autre sorte pour Ishta. Elle avait bêtement cru qu’elle serait mariée au chef des Íbúa. Mais très vite, l’évidence s’imposa d’elle-même. Les Íbúa n’avaient pas de chefs à proprement parler. Le titre d’Ansatt ne donnait pas un statut supérieur. Il donnait des responsabilités et un certain respect, mais pas beaucoup plus que celui octroyé à n’importe quel autre être humain. Mais alors, qui allait-elle épouser ? 



Si le repas de midi se faisait quand on le pouvait et où l’on se trouvait, celui du soir voyait une grosse partie du clan se réunir dans la grande salle du Hovedhuren, la maison principale. Ishta y retrouvait généralement Einar et certains des guerriers l’ayant accompagnée durant son voyage. Elle en profitait pour poser toutes les questions auxquelles elle n’avait pas trouvé de réponses pendant la journée. Quand elle aborda le sujet de son futur mari, Einar eut un rire gêné.

« Tu plus de cervelle que le père de toi hein… »

Il regarda autour de lui comme pour chercher de l’aide. Ishta ne comprenait pas sa réaction, il n’avait jamais montré de gêne auparavant, peu importe le sujet et surtout si celui-ci pouvait la faire rougir. 

« Je pas être le mieux pour te dire. Tu sais, mariage de toi pas avant printemps. Peut-être toi pas réfléchir ça maintenant. Apprends parler et quelqu’un de mieux dira à toi. »

Il vit un ami à lui passer et en profita pour esquiver la suite de la conversation. La réponse n’était pas pour satisfaire Ishta ni la rassurer. Mais elle n’avait pas vraiment d’autres choix que de suivre le conseil d’Einar. Sa connaissance de la langue augmentait chaque jour, mais la grammaire était tellement différente de celle de l’Empire qu’elle avait encore beaucoup de mal à parler. Pourtant, elle s’entraînait à chaque occasion qu’elle avait. Principalement avec Ulrik.


Elle l’avait croisé un matin alors qu’elle rentrait du port avec Toumet. Il était installé au bord du lac et mangeait son repas de midi, l’invitant d’un geste de la main à s’asseoir avec lui pour partager sa collation.


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