Hiurda La Bête de la Terre des Rois Manteau Blanc - Partie 2

Manteau Blanc - Partie 2


L’hiver serait passé et son peuple serait prêt à reprendre les combats sans avoir à entacher leur parole.

L’Ansatt du clan Solv Skjold, inhabituellement silencieux jusque là, tapa du poing sur la table.

« Cesse donc tes énigmes, Sorcier ! À qui veux-tu marier la princesse ? »

Ce clan n’était pas réputé pour leur intelligence, et leur Ansatt était visiblement le seul à ne pas avoir fait le rapprochement. Il précisa :

« Marions-la à Fryktebjorn. »

Leif retrouva un air sérieux avant de répondre.

« Et la pauvre fille ? »

Ulrik sentit sa colère monter sans vraiment savoir pourquoi. Son plan était bon, il ne voulait aucun mal à la fille de l’Empereur. D’après leurs expériences des coutumes de la Død Varmt, elle n’avait sûrement pas pu donner son avis, mais il se devait de faire au mieux pour son propre peuple.

« Tu prétends qu’elle sera moins libre ici, parmi nous, que chez elle ? Qui ici n’a pas vu la manière dont ils traitent leurs femmes ? Vous avez eu affaire à la population autant que moi… »

Les Ansatte acquiescèrent gravement. Comment pouvait-on se considérer comme civilisé d’un côté et, d’un autre, utiliser la moitié de sa population comme de la perte acceptable sans sourciller ? Pire encore, violer ses propres filles pour s’occuper dans l’ennui. L’hilarité laissa place à des expressions de colère et de dégoût.

Leif acquiesça.

« Très bien, Sjel. Comme tu voudras, mais elle te haïra pour ça. »

Ulrik en était bien conscient. Ça restait tout de même la meilleure solution. Il plaça sa cape sur ses épaules et se dirigea vers la grande double porte du Hovedhuren.

« J’aurai toute une vie pour me rattraper. »

Et il sortit sous la neige.



Manteau Blanc

Les cahots de la route secouaient la voiture en tout sens. C’était la première fois qu’elle voyageait dans un véhicule à roues, et son dos n’appréciait pas le traitement. Les coussins en velours de la banquette n’atténuaient que très peu les bosses et aspérités du chemin de terre.

Les barbares avaient rejoint la calèche à la sortie des jardins de la Maison des Bureaux de son père. Ils avaient échangé quelques mots simples avec les soldats de l’Empereur lorsque ceux-ci se retirèrent, leur laissant la garde d’Ishta. Personne ne prit la peine de lui adresser la parole, elle aurait été bien incapable d’ouvrir la bouche en réponse de toute façon. Son cerveau ne sachant plus s’il devait être choqué de ce qui venait de se passer ou inquiet de ce qui allait arriver dans un futur proche.

La dernière phrase du Chambellan tournait en boucle dans sa tête, tandis que les larmes envahissaient ses yeux. Elle pleurait quand les gardes repartirent pour le palais. Elle pleurait quand les barbares reprirent la route, chevauchant autour de la calèche, et elle pleurait toujours alors que Doosara se couchait à l’horizon et que le ciel prenait une teinte violette. Son corps meurtri et souillé tremblait d’épuisement. Ses joues étaient brûlées par le sel de sa détresse et sa vision était trouble.

Ils continuèrent à rouler quelques heures avant de sentir la calèche s’arrêter et entendre le bruit des bottes en cuir souple sur le sol. Les hommes avaient mis pied à terre. L’espace d’un instant, elle se laissa submerger par la panique, mais très vite elle reprit le contrôle. Après tous ses beaux discours internes sur la situation des femmes et leur rôle dans leur propre malheur, elle ne valait guère mieux elle-même. Elle avait assez pleuré, les poèmes de bienséance et les leçons de Nishka étaient littéralement gravés sur sa peau. Elle savait comment se comporter pour échapper au pire de ce qu’on pourrait lui faire subir. Sa meilleure chance était encore d’attendre et d’observer attentivement les interactions autour d’elle, pour en tirer parti le plus possible le moment venu.



Elle entendit les guerriers échanger quelques phrases avant que l’un d’eux ne se dirige vers la porte de sa voiture. Habillée de robes de tous les jours, elle aurait préféré quelque chose de plus sophistiqué, mais cela devrait faire l’affaire au vu des circonstances.

Quelques coups furent tapés à la porte de bois, suivis d’une voix.

« Dame, vous faim ? »

Est-ce qu’elle avait faim ? Elle n’avait rien avalé depuis la veille au soir. Son estomac n’eut pas besoin de plus pour émettre une protestation sonore. Un léger rire se fit entendre à l’extérieur alors que l’humiliation s’emparait d’elle. Le silence s’installa quelques instants avant que le guerrier reprenne la parole.

« Dame, moi ouvre porte, tu d’accord ? »

Ishta ne savait plus sur quel pied danser. Si elle avait appris quelque chose durant son éducation au Saam’Raji, c’est bien qu’il valait mieux éviter une punition certaine et immédiate, plutôt que de la recevoir par peur d’un châtiment futur et hypothétique. Autrement dit, répondre à une question directe, même étrange, était moins dangereux que de ne pas y répondre par peur de commettre une erreur.

« Ma permission n’a aucune importance Messire, faites à votre envie. »

Ishta s’assit bien droite et laissa son regard posé sur la banquette face à elle alors que la porte s’ouvrit. Un courant d’air glacial pénétra l’habitacle, la faisant frissonner. Elle se réjouit de n’avoir pas relevé ses cheveux. La masse épaisse et bouclée recouvrait la totalité de son dos et ses épaules, la protégeant partiellement du froid. Le guerrier se figea un instant, visiblement surpris, puis referma la porte. Ishta ne comprenait pas pourquoi l’avoir ouverte en premier lieu. Les soleils étaient couchés, certes, mais ça n’expliquait pas une telle baisse de température. Une journée de voiture ne les emmenait pas assez loin pour un changement pareil. Il leur faudrait encore trois jours, au minimum, à longer le désert avant de pouvoir le contourner et se diriger vers le nord.

Elle n’avait pas fait le tour de sa pensée que le guerrier avait rouvert la porte et jeté sur ses épaules une épaisse cape de fourrure, elle s’empressa de s’enrouler dedans. Le vêtement était bien trop grand pour sa petite figure, mais elle apprécia la douce chaleur qu’il dégageait, il était encore porté quelques instants auparavant.

« Dame, toi viens mange. »

Elle voulut se lever pour sortir, mais elle se prit les pieds dans la fourrure et serait tombée si un bras puissant ne l’avait rattrapée pour la poser directement par terre, à l’extérieur. Elle se sentit comme une poupée de chiffon dans les bras d’un gorille et cette pensée la fit frémir. La terre crissa de manière étrange sous ses chaussures, et elle fut surprise de voir le sol recouvert d’une matière blanche et brillante. Elle poussa un petit cri de panique alors qu’elle reculait en essayant d’y échapper. Elle s’empêtra de nouveau dans les plis de la cape, tombant à la renverse sous l’hilarité générale.

Elle se retrouva roulée en boule sous la fourrure épaisse. Elle était au chaud et se sentait en sécurité. Le rire gras des barbares autour d’elle se gaussant de sa maladresse lui parvenait de manière étouffée. La jeune fille prit deux secondes pour souffler et se calmer.


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6 commentaires

Siha

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Il y a un an

Soutien de like ♥

Hiurda

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Il y a un an

Merci 🧡

Ordalie

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Il y a un an

Yeah, give this woman some warm clothes she needs it. Et ils l'ont invitée à manger avec eux, ça va être encore un truc innovant pour Ishta ^^'

Hiurda

-

Il y a un an

🤣 Elle va de nouveauté en nouveauté ! ahah
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