Hiurda La Bête de la Terre des Rois Tradition - Partie 2

Tradition - Partie 2

C’est en se levant et en se dirigeant vers la vasque d’eau pour faire sa toilette qu’elle comprit pourquoi Nishka ne l’avait pas réveillée avant l’aube comme à son habitude. La vieille femme s’était endormie sur le sol, là où elle se trouvait la veille. Les yeux gonflés d’avoir trop pleuré, elle somnolait encore. Avec toute la douceur dont elle se sentait capable, Ishta réveilla la Vieille Mère et l’amena vers un fauteuil pour l’aider à s’y asseoir. Qu’importe la colère qu’elle avait pu ressentir après la visite de Ning. S’en prendre à Nishka n’avait aucun sens quand tous les reproches qui pouvaient lui être fais valaient aussi bien pour elle-même. Le regard vide de la vielle femme fit écho au défaitisme dont elle avait fait preuve quelques mois auparavant. Elle lui apporta un verre d’eau, mais ne pouvait pas l’aider plus. C’était un chemin que l’esclave devait parcourir seule. Ne pouvant faire grand-chose d’autre que d’attendre, Ishta s’installa sur le fauteuil en velours avec son ouvrage en cours et se mit à broder sous les yeux médusés de Nishka.

La matinée passa ainsi. Nishka, les yeux dans le vague, laissait parfois échapper un sanglot et Ishta, concentrée sur son travail, tendait l’oreille au moindre bruit de pas dans le couloir devant ses appartements.

Plus le temps passait, plus son inquiétude s’envolait. Si l’étranger avait réellement parlé de la visite de Ning, la garde serait venue la chercher aux premières heures du jour. L’heure du repas de midi approchait et elle était à peu près sûre que ce danger était écarté.

Mais une nouvelle crainte avait déjà remplacé la précédente. À en croire l’annonce du barbare, ils partaient aujourd’hui. Elle savait que ça ne pouvait se passer de cette façon. Elle ne pouvait se marier avant la fin de son Vasheekaran et le Roi des rois ne laisserait pas une bande de sauvages lui donner des ordres et ce, qu’importe la situation de l’Empire. Mais que diraient les barbares si elle ne se présentait pas lors de leur départ, partiraient-ils sans elle ? Elle se demandait quelles répercussions cela aurait sur la suite des événements quand le Chambellan du Roi des rois en personne entra dans la pièce.

Il ne jeta pas un regard à Nishka et s’adressa directement à la princesse qui se levait pour faire la révérence.

« Le Roi des rois vous attend dans son bureau pour votre dernière leçon, la chaise à porteuses patiente dans l’allée. »

Sa dernière leçon ? Lakshan sortit de la pièce et tint la porte, il attendait visiblement que la princesse le suive. Perplexe, il lui fallut quelques secondes de trop pour comprendre. Enfin, elle se dirigea vers le couloir. Nishka se précipita à sa suite, mais le soldat l’arrêta d’un geste de la main. Il se pencha alors vers elle pour lui murmurer à l’oreille, juste assez bas pour avoir l’air discret, mais pas assez pour qu’Ishta n’entende pas.

« C’est la dernière fois que tu te présentes ainsi devant le Roi des rois, une fois de plus et s’en est fini de toi pour de bon. »

La vieille femme blêmit et suivit la princesse. Ishta aurait pu tirer une certaine satisfaction de la scène, mais elle était bien trop occupée à chercher ce que « sa dernière leçon » pouvait bien vouloir dire. L’Empereur allait-il terminer son blason en une fois ? Non seulement le résultat ne serait pas bon, mais en plus elle n’était pas sûre de pouvoir survivre à un tel traitement. Ou devrait-elle quitter son pays avec un blason non fini ? En plus de la baisse significative de statut qu’elle subirait, son père devrait vivre avec l’humiliation d’avoir mal éduqué sa fille. Il n’accepterait jamais ça. Elle-même ne savait quelle option serait la pire. Une nouvelle fois absorbée par ses réflexions, elle ne prit pas conscience du trajet emprunté et se retrouva, bien trop vite à son goût, dans la salle d’attente devant le bureau de l’Empereur.



Ishta fut étonnée de la voir déserte. Avec la guerre en cours, la petite pièce semblait plus remplie à chaque visite. Elle ne savait dire si l’absence de soldats et nobles en tout genre était un bon ou un mauvais signe. Quoiqu’il en soit, ils n’eurent pas besoin de patienter et le Chambellan entra directement dans l’office, sans même prendre la peine de frapper. L’atmosphère du bureau n’avait pas changé, saturée par l’odeur de cigare froid mélangé à celle, entêtante, des fleurs blanches qui couvraient le mur du fond. Retenant un haut-le-cœur, Ishta suivit docilement, fit quelques pas et se prosterna, imitée par la Mère des Futures Femmes.

« Gloire au Roi des rois, Grand Sage devant les Éternels, sauveur du Peuple et mon père bien aimé.

— Ah ! Parfait ! »

La voix de l’Empereur, d’ordinaire grave et profonde, sonna étrangement aiguë aux oreilles de la jeune fille.

« Êtes-vous sûr que ce soit la meilleure solution, mon ami ? »

Lors de ses leçons, Ishta avait déjà eu l’occasion d’entendre le Chambellan s’adresser de manière aussi familière à son père. Après tout, ils avaient été élevés ensemble. Lakshan avait servi l’Empereur depuis le plus jeune âge. Mais il ne le faisait jamais sans un but précis. Bien souvent, le Chambellan utilisait le lien d’enfance pour faire entendre raison à son supérieur sur un sujet de désaccord.

Le Roi des rois laissa échapper un long soupir d’ennui avant de reprendre d’une voix irritée.

« Parles-en à ces salopards ! Ils ne nous octroient aucune latitude… Ce n’est pas comme si ces sauvages connaissaient vraiment la signification du blason de toute façon. »

Il se leva de son fauteuil, contourna le bureau et fit signe à sa fille de se relever. En position d’attente, la tête baissée, elle reteint ses larmes du mieux qu’elle put. Elle ne savait pas réellement si elles étaient de soulagement à l’idée de ne plus subir d’entailles dans ses chaires, ou bien d’humiliation à imaginer sa vie future sans aucun statut dans une cour étrangère. Et, s’il ne lui donnait pas le fouet, en quoi consistait sa dernière leçon ?

« Fille de Moi, le Vasheekaran a pour but de t’apprendre les bonnes manières de la féminité et je vois que mes leçons ont fait de toi une femme digne et gracieuse » Le Roi des rois avait pris un ton solennel. « Le moment est venu de te préparer comme il se doit à recevoir ton mari. »



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4 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

Oulab ...recevoir ton mari.. il ne va quand même pas la violer :(

Mélanie Nadivanowar

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Il y a un an

Ça ne sent vraiment pas bon cette dernière épreuve 😱😱. Nischka me fait de la peine quand même 😔😔

Ordalie

-

Il y a un an

... J'ai très peur là
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