Fyctia
Fiançailles - Partie 1
Mais l’homme se rapprocha encore d’un pas. Un courant d’air apporta à son nez l’odeur étrange qui émanait de lui. Il ne sentait pas mauvais, mais quelque chose interpella la jeune fille, sans pouvoir mettre le doigt dessus. Il se pencha vers elle et inspira deux grandes bouffées d’air proche de son coup. Venait-il de la renifler ?
« Elh pouart da suang »
Ses mots surprirent clairement les autres qui se rapprochèrent autour d’elle. Elle vit alors plusieurs paires de chaussures gigantesques s’ajouter à la première. Elle n’y connaissait pas grand-chose en unité de mesure, mais si elle devait se fier à la longueur de leurs pieds, ces hommes devaient faire au moins une fois et demie la taille d’un soldat de l’Empire. Elle se sentit comme une souris prise au piège, bien trop petite pour leur faire face. Une perle de sueur descendit le long de sa nuque.
« Da vra què detti ? la voix appartenait à l’homme sur sa droite. Elh ast anobe, guarriè non.
- Nuö, reprit le premier. Ast elh què saufro, vede coume ast grelaou »
L’homme se plaça en face d’elle et se baissa à la recherche de son regard, mais abandonna bien vite face au voile lesté de grelots la couvrant jusqu’à la lèvre supérieure.
« Dame, vous… Bien ? »
L’accent était fort mais c’était clairement une question. Seulement elle ne comprenait pas. Bien quoi ? Il n’était visiblement pas confortable dans la langue de l’Empire mais elle se devait de lui répondre. Elle ne savait même pas par quel titre s’adresser à lui. Elle réfléchit à toute allure. Sa question avait-elle un lien avec l’odeur qu’il aurait perçu en la reniflant ? Elle avait été tartinée de crème et de parfum par les servantes, elles avaient essayé de faire attention à ses plaies, mais plus d’une fois les différents produits lui avaient tiré des gémissements de douleur après avoir touché sa chair à vif. Ce seul souvenir suffit à faire trembler ses mains qu’elle camoufla sous sa robe. L’homme eut un mouvement vers elle qu’il suspendit et son cerveau lent compris enfin. Mais ça ne pouvait être ça… Pourquoi s’enquerrait-il de son état ? Seulement, elle ne voyait pas d’autres réponses possibles. Le faire attendre plus longtemps n’était pas envisageable, aussi répondit-elle en priant.
« Je vais bien Mon Seigneur, merci de vous préoccuper d’une petite chose comme moi. »
Un des hommes derrière elle commença à lui tourner autour à pas lent, elle sentit sa peur remonter à la surface, était-il celui qui la punirait ? Son cœur battait à toute allure et sa respiration devint courte. Quand le chambellan allait-il enfin venir la chercher ? L’homme lui faisait penser à un tigre jaugeant sa proie. Il prit alors la parole.
« Vede coume attaoure elh ? Ast grandel attaoure, nuö ?
- Pinse què ast Elh ? demanda le premier.
- Parquè astri aspertti attaoure coume què, cui, salnoné ?
- Ast tanté picco… Ast salomën appropre anné Elh ? » surenchérit un autre.
L’échange était sur le ton de la discussion mais un silence pesant s’installa. De quoi avaient-ils parlé ? Puis, comme prenant une décision mûrement réfléchie, celui qui l’avait reniflé eut un soupir résigné et lui tendit une main gigantesque. Sa peau était pâle et son avant-bras couvert de tatouages. Qu’attendait-il d’elle ? Elle se repassa la courte phrase du barbare en boucle mais elle ne voyait pas ce qu’elle aurait pu mal comprendre. Lui avait-il demandé de lui donner quelque chose ? Nishka avait-elle oublié de la prévenir d’un changement au protocole ? Devait-elle lui offrir un cadeau dont elle ne savait rien ? Son cerveau, noyé dans l’incompréhension, ne faisait plus acte de ce qui se passait autour d’elle. La douleur mêlée à la chaleur des vêtements la faisait transpirer à grosses gouttes et, les yeux fixés sur la main tendue, elle se sentit perdre pied. Allait-elle s’évanouir à nouveau ? Avant qu’elle ne réalise ce qui se passait, le barbare lui prit la main et la posa sur son avant-bras musclé.
« Dame, viens. »
Et il commença à marcher vers la porte ouverte de la salle du trône. Quand avait-elle été ouverte ? Et, surtout, qui l’avait ouverte ? Sa main posée sur l’avant-bras nu de ce géant qu’elle ne connaissait pas, elle allait entrer dans la salle du trône sans avoir été annoncée, entourée d’ennemis de l’Empire d’Or. Mais l’homme lui avait donné un ordre direct, ne laissant guère de doute sur la marche à suivre.
Ses jambes eurent d’abord du mal à la porter mais le barbare lui soutint le bras pour les premiers pas. Avait-il peur d’être embarrassé par sa maladresse ? Son regard se posa sur la hache accrochée à la ceinture du guerrier. Allait-il se présenter devant le Roi des rois en portant ses armes ? S’il tenait à sa tête, il ferait mieux de s’en débarrasser, mais elle ne pouvait le lui dire. Cette hache n’aurait pas dû être là en première place, les gardes du palais auraient dû la lui retirer avant même son entrée dans les jardins.
Mais bien vite, ses inquiétudes disparurent. Ses pieds avaient atteint le tapis vert canard et un murmure effaré traversa la cour. Elle sentait les yeux de tous rivés sur elle, la marche était interminable. La fatigue la fit trébucher à plusieurs reprises, mais, chaque fois, le barbare à ses côtés ralentissait et lui permettait de se rattraper avant que quiconque ne s’en aperçoive. Sans lui, elle se serait étalée de tout son long depuis longtemps. Elle ne comprenait pas ses intentions et se mit à douter qu’il le fasse de manière intentionnelle. Il n’en avait aucun intérêt.
Ils avaient déjà parcouru la moitié du chemin quand Ishta vit, du coin de l’œil, la rangée de gardes le long de l’allée. Elle séparait les barbares des nobles de la cour, assemblés dans la salle. Ishta comprenait mieux pourquoi leurs armes n’avaient pas été retirées, il n’y avait pas besoin de le faire. Sans nul doute qu’une autre rangée s’était placée entre eux et les marches menant au trône. Quant à elle ? Pourquoi s’embêter à lui accorder ne serait-ce qu’un garde ? Après tout, elle avait onze autres sœurs pour la remplacer en cas de problème…
Ils arrivèrent enfin au bout du tapis et Ishta se prosterna.
« Gloire au Roi des rois, Grand Sage devant les Éternels, Sauveur du Peuple et mon Père bien aimé. »
La phrase laissa comme un arrière-goût amer dans sa bouche. Puis elle entendit l’interprète royale répéter ses salutations dans la langue des étrangers. Apparemment peu habitué à la parler, il butait sur certains mots et son allocution était tout sauf fluide. Elle attendit que son père fasse signe à une servante de l’aider à se relever, mais ce sont deux mains puissantes qui lui attrapèrent les bras délicatement et l’aidèrent à se remettre sur pied. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre que, de chaque côté d’elle, se trouvait un guerrier barbare. Ne sachant pas comment réagir, elle se plaça en position d’attente, tête baissée.
Ishta sentit un malaise s’installer dans la salle alors que les courtisans murmuraient nerveusement. Maudit voile ! Que s'était-il donc passé ?
10 commentaires
Marion_B
-
Il y a un an
Hiurda
-
Il y a un an
Ordalie
-
Il y a un an
Mélanie Nadivanowar
-
Il y a un an
Mélanie Nadivanowar
-
Il y a un an
Hiurda
-
Il y a un an
ALaPointeDeLaPlume
-
Il y a un an
Hiurda
-
Il y a un an