Hiurda La Bête de la Terre des Rois Prière - Partie 3

Prière - Partie 3

Ishta ne comprenait pas. Les paroles de sa sœur tournaient dans sa tête mais elle n’en comprenait pas le sens. Ning n’avait rien d’un barbare et le mariage ne pouvait avoir lieu avant la fin du Vasheekaran. Et surtout, en quoi allait-il mettre fin à la guerre ? Madhur comprit enfin l’ignorance de sa sœur et précisa.

« Père offre votre main en mariage au chef barbare dans l’espoir de signer un traité de paix. De ce que j’ai entendu votre départ est déjà planifié »

Impossible. Madhur avait dû mal comprendre.

« Il devait parler d’un autre Pétale... »

La voix de Nishka s’était brisée avant même d’avoir fini sa phrase. De toute évidence elle était tout aussi surprise qu’Ishta.

« Non, Vieille Mère. Je suis bien certaines de mes paroles, je n’aurais pas pris tous ces risques si je n’étais pas sûre de ce que j’avais entendu. Um Dakshi n’avait pas conscience de ma présence dans le salon d’à côté. Il parlait sans détours. »

Ishta calma son souffle et tenta d’arranger ses pensées. Son Vasheekaran n’était pas terminé, le Roi des rois ne laisserait jamais une de ses filles se marier avec un blason incomplet. L’humiliation d’avoir une femme mal éduquée serait trop grande, pour le mari autant que pour le père. Impensable donc pour l’Empereur du Saam’Raji. L’idée que son père puisse finir le blason en moins d’un mois la fit pâlir. Elle ne survivrait pas à un tel traitement. Le Roi des rois le savait sûrement. L’angoisse la prit et elle en perdit de nouveau le souffle. Madhur avait dû se méprendre sur les délais. C’était la seule explication.

Mais cela ne changeait rien au problème. Son père comptait la vendre à une brute assoiffée de sang, à l’ennemi de l’Empire d’Or, pour acheter la paix. L’idée de sa nouvelle vie auprès de Ning venait seulement de prendre place dans son esprit que, déjà, elle lui était arrachée. Si le peuple le plus civilisé du monde moderne traitait ses femmes comme du bétail, qu’allait-elle subir entre les mains des sauvages ? C’était impossible. Tout ça n’était qu’un simple malentendu. Une manigance de son père pour la déstabiliser et remettre son Vasheekaran sur le droit chemin. Certainement que Nishka était au courant. Mais un simple coup d’œil au visage tordu par l’angoisse de la vieille femme et cet espoir mourut dans l’œuf. La mère des Futures Femmes venait d’apprendre la nouvelle et elle était tout autant sous le choc qu’elle-même.

Le bras de Madhur se glissa sous le sien alors qu’elle titubait légèrement. Elle croisa son regard à travers les larmes qui brouillaient sa vision. Chaque fois qu’elle faisait la paix avec sa situation et qu’elle tentait de reprendre le dessus, sa vie devenait plus compliquée. Si les dieux voulaient la tester, ils ne s’y prendraient pas autrement. Elle n’était pas la croyante la plus assidue, mais pour la première fois depuis bien longtemps, elle se mit à prier avec toute sa ferveur.

« Faites que ce ne soit qu’un malentendu... »


Ishta retint de justesse un bâillement. Réveillée aux aurores par sa bonne, elle avait ensuite traversé huit heures de préparation pour être présentable. Douze couches de vêtements, quinze kilos de tissus et de bijoux, un nombre incalculable de pots de crème et maquillages plus tard, elle attendait debout, derrière la porte de la salle du trône, afin d’être présentée à la famille de son futur époux. La pendule avait déjà sonné deux fois. Incapable de s’asseoir par peur de ne jamais pouvoir se relever, la seule chose gardant la jeune fille encore éveillée était la peur panique qui s’était emparée d’elle depuis la veille.

La scène était semblable au commencement de son calvaire mais les situations ne pouvaient être plus différentes. L’excitation avait laissé place à la peur. La joie, à la douleur. Les muscles de son dos brûlaient sous le poids des vêtements et les bandages collaient à ses plaies, récemment réouvertes, qui dégoulinaient à nouveau le long de son dos. Si, autrefois, elle avait eu peur de trébucher, aujourd’hui elle s’estimerais heureuse de ne pas s’évanouir avant que les portes ne daignent s’ouvrir.

Comment pouvait-elle se retrouver à nouveau là ? Après tout ce qu’elle avait vécu. Après avoir, enfin, fait la paix avec sa future vie. Qu’importent ses apprentissages et à quel point elle avait grandi. La voilà une nouvelle fois face à l’inconnu, terrifiée, ballotée par les décisions d’un autre, comme un bouchon de liège au milieu d’une mer déchaînée. Elle avait tout d’abord cru à un malentendu mais la convocation du Roi des rois dissipa tout doute possible. Et le silence pesant des servantes lors de sa préparation ce matin en disait long. Pas de bavardages joyeux ou de joues roses d’émotions, ils avaient été remplacés par des regards pleins de pitié et des gestes craintifs.

Non, son sort n’était pas enviable. Offerte en mariage au peuple le plus sanguinaire du continent, elle ne connaissait toujours pas l’identité de son mari. Elle avait entendu tant de choses sur les hommes bêtes, certaines parmi les plus folles leur prêtaient des traits en commun avec des ours ou des sangliers, d’autres les dépeignaient comme des géants faisant cinq fois la taille d’un humain. Mais toutes ces histoires s’accordaient à dire qu’ils étaient rustres, sauvages et assoiffés de sang.


Perdue dans ses pensées, assommée par la douleur et la fatigue, elle n’entendit pas de suite les bruits de pas lourds provenant du couloir derrière elle. C’est la porte ouverte avec fracas qui lui indiqua l’entrée des nouveaux arrivants. Surprise, elle faillit se retourner mais se reprit à temps et riva de nouveau son regard sur les quelques mètres devant ses pieds que le voile couvrant son visage lui permettait de voir.


Les hommes venants d’entrer parlaient fort et joyeusement dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Leurs voix étaient étrangement graves et profondes. Sans faire mine de la voir, ils passèrent autour d’elle en direction de la double porte en bois élégamment sculptée. Allaient-ils rentrer dans la salle du trône sans être annoncés ? Mais alors qu’elle les pensait sur le point d’ouvrir la porte, l’un deux attira l’attention des autres et s’approcha d’elle. Ses jambes entrèrent dans son court champ de vision et elle comprit alors qui ils étaient. Des chaussures en cuir fourrés, attachés par des lacets faisant le tour du mollet. Un pantalon brun large en tissu épais et grossier. Personne au palais ne porterait de tels vêtements. Ce devait être les émissaires barbares envoyés pour la rencontrer. Une bouffée de panique la submergea mais elle la repoussa bien vite. Elle ne pouvait rien changer à sa situation actuelle, elle savait comment une femme servile devait se comporter désormais et les portes de la salle du trône pouvant s’ouvrir à tout instant, quoiqu’il puisse arriver, ça ne durerait pas longtemps.

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6 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

En fait cette guerre lui suave la mise j'ai l'impression qu'elle va complètement changer d'horizon

Anna Cesari

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Il y a un an

Je suis trop impatiente de lire la suite pour laisser un commentaire réellement constructif, désolééééééée !!

Hiurda

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Il y a un an

On commence enfin un de mes chapitres préférés… Je suis impatiente aussiiiii 🫣

Mélanie Chloé Sevilda

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Il y a un an

Très bon revirement de situation ! J’ai hâte de voir tout ce qui va découler de cette nouvelle union !

Hiurda

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Il y a un an

Et j'ai hâte que le chapitre suivant soit lu ! C'est l'un de mes préférés ❤️

Mélanie Nadivanowar

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Il y a un an

Très intéressant ☺️☺️. Je suis pour et contre qu'elle soit utilisée pour la paix entre les 2 peuples. Dans un sens, ça peut être intéressant, mais voyant le caractère de son père, je sens qu'il va se servir d'elle et pas de la meilleure des façons. À voir tt ça 🤔🤔. Mais hâte de découvrir la suite ☺️☺️
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