Fyctia
Fables - Partie 2
Ishta profita du calme revenu dans la pièce pour remettre ses idées en place. Elle était allongée sur le ventre, ses doigts retracèrent le pattern de sa couverture tricotée, comme ils l’avaient fait un milliard de fois depuis le début de sa convalescence. Elle était sur son lit. Une légère brise amena des frissons sur son dos nu et humide. Le tissu fin de sa chemise de nuit collait à la sueur de sa peau et ses bandages lui avaient été retirés. Une éponge gorgée d’eau froide sur ses épaules à vif la fit tressaillir alors que quelqu’un s’occupait de nettoyer le sang coagulé maculant son dos. La tendresse du geste la surprit. Nishka lui avait tellement souvent lavé le dos, elle reconnaîtrait son toucher entre mille. Bien que douce, elle n’était pas particulièrement bienveillante. Qui donc s’occupait d’elle ? Et à qui appartenait cette voix ? Mal à l’aise, elle voulut s’éloigner de l’inconnu mais des doigts frais se posèrent sur sa joue.
« Sshh… Amour, tout va bien. Laisse-moi te soigner... », la voix de Ning était douce.
Soudain, tout lui revint en mémoire. La panique la saisit alors qu’elle ouvrait enfin les yeux. Elle se redressa d’un coup sur son lit et se retrouva nez à nez avec le jeune homme. Elle baissa les yeux aussi vite qu’elle le put mais... Trop tard, le mal était fait. Il eut un geste vif qui la mit en état d’alerte, mais le mouvement ne lui était pas destiné. Il pointa du doigt quelque chose derrière le dos de la jeune fille et leva la voix.
« Non ! Restez assise où vous êtes. »
Puis Ning tourna de nouveau son attention vers Ishta. Elle devait l’apaiser au plus vite. Deux fois déjà elle avait bravé son regard et, bien que ça n’ait pas été son intention, il était plus qu’en droit de la punir. Paniquée, elle se mit à bredouiller des débuts d’excuses sans queue ni tête avant de se mordre la lèvre. Après toutes les remontrances qu’elle avait pu se faire, elle venait une nouvelle fois de parler sans autorisation. Des larmes coulèrent d’elle-même le long de ses joues alors qu’elle fermait les yeux dans l’attente des premiers coups. Mais ils ne vinrent pas.
Elle entendit Ning souffler lentement, comme pour se calmer. Puis, il posa deux doigts sous son menton pour le soulever. Elle garda ses yeux solidement fermés de peur de commettre un nouvel impair, puis, paniquée à l’idée qu’il le prenne mal, elle les ouvrit mais les détourna sur le côté de la pièce. Ils se posèrent sur Nishka, prostrée sur une chaise dans un coin, triturant nerveusement sa robe tout en les regardant. Elle avait enfin perdu toute sa superbe.
Ishta était toujours en état de choc quand Ning prit la parole.
« Me détestes-tu tant, pour que croiser mon regard te soit insupportable ? »
La question prit tellement la jeune fille au dépourvu qu’elle se surprit à bredouiller d’une voix rauque.
« N... Non, Futur Époux, je n’oserais pas v...vous défier, voilà tout... »
Ning soupira de nouveau.
« Allonge-toi, Amour, je ne voudrais pas te faire saigner à nouveau. »
Le parfum boisé l’envahit une nouvelle fois alors que le jeune homme l’aidait à se réinstaller. Elle se retrouva de nouveau sur le ventre, la tête tournée vers le balcon pour ne pas croiser le regard de Ning par inadvertance. Il recommença à lui nettoyer le dos, doucement. La nuit était bien avancée et les bruits habituels parvenaient à ses oreilles, tout semblait à sa place. Exception faite de l’homme présent dans sa chambre.
Ishta n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait. Pourquoi l’humilier à l’heure du thé si c’était pour venir la voir en cachette ? Lui avait-elle tellement déplu qu’il tentait de la faire tuer ? Mais se mettre lui-même en danger n’avait aucun sens. Chaque passage de l’éponge la mettait plus mal à l’aise que le précédent. Elle n’avait que trop conscience de la présence du jeune homme et devait se concentrer pour respirer normalement. À quoi jouait-il ? Prise de panique, son cœur se mit à battre de plus en plus vite. Ce n’était pas seulement sa tête et celle de Nishka qui allaient tomber, mais aussi celle du Fils de Sichuna.
« J’ai endormi ta douleur, tu ne devrais plus souffrir pour les deux ou trois prochains jours. Mais n’en fais pas trop, tu n’es pas guérie. »
Sa voix était posée, s’il était inquiet du sort que lui réservait le Roi des rois, il n’en montrait rien. Mais elle n’y prêta pas attention, trop abasourdie par le sens de sa phrase. Elle réalisa alors l’évidence, son dos la tirait encore un peu quand elle bougeait mais elle s’était redressée et recouchée sans ressentir aucune souffrance. Elle ne savait comment Ning s’y était pris mais, pour la première fois depuis le début du Vasheekaran, elle n’avait plus mal nulle part. Le soulagement lui fit monter les larmes aux yeux et elle ne put retenir un sanglot.
« Je suis désolé, Amour. »
La voix du jeune homme se brisa et une larme coula sur sa joue.
« Si j’avais su que tu allais souffrir comme ça, jamais je n’aurais demandé la cérémonie de l’heure du thé. Tu étais si pâle, j’ai fait ce que j’ai pu pour écourter mais… Et cette odeur de sang... Me pardonneras-tu un jour ? »
Le pardonner ? Mais de quoi parlait-il ? Ishta se rendit compte alors qu’il lui avait posé une question directe, elle se devait de lui répondre. Mais que dire quand la problématique n’aurait jamais dû être posée ? Un homme n’a pas à chercher le pardon de sa femme. Il fait ce qu’il lui plaît et la femme n’a rien à dire sur le sujet.
« Il ne m’est pas autorisé de me sentir offensée, Futur Époux. De fait, je n’ai rien à vous pardonner. »
Ning soupira de nouveau et jeta rageusement son éponge dans la bassine d’eau.
« Il me manque le temps où tu me parlais encore comme un être humain plutôt que comme un jouet de l’Empire. Certes nous étions enfants… Mais la petite fille qui nous parlait avec passion des grillons de son jardin doit bien se trouver encore quelque part ici, non ? »
Le malaise d’Ishta avait fait place à la confusion la plus totale. Elle ne lui avait parlé qu’une fois, en présence de sa nourrice et elle s’était couverte de ridicule. Certes les insectes avaient été une de ses obsessions d’enfant, mais comment Ning pouvait-il être au courant ?
4 commentaires
Anna Cesari
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Il y a un an
Ordalie
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Il y a un an
Mélanie Nadivanowar
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Il y a un an
Hiurda
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Il y a un an