Fyctia
Esclaves - Partie 2
Petit à petit, le salon se vida, chacun ayant été reçu par le Roi des rois. Il ne resta bientôt que trois jeunes nobles de la cour et leur serviteur. Ils avaient été appelés pour recevoir leur premier commandement et s’en rengorgeaient ouvertement, fanfaronnant qu’il leur suffirait d’apparaître sur le champ de bataille pour faire fuir La Bête, la queue entre les jambes. Leur uniforme impeccable et leurs insignes neufs et luisants, ils avaient pris place sur les canapés au centre de la pièce. Ishta ne prêtait pas vraiment attention à leur attitude. Pour avoir un peu côtoyé ses frères, elle savait que la jeunesse compensait le manque d’expérience par un gonflement de l’ego. Le fait qu’ils étaient le dernier rempart entre elle et sa leçon était bien plus préoccupant.
Elle savait s’être bien tenue, certes Nishka avait souligné son ignorance du monde, mais ce n’était pas une chose dont elle était responsable. Il n’y avait pas là matière à punition. Cela n’empêcha pas sa respiration de s’accélérer ou ses mains de transpirer. Se sentant gagnée par la panique, elle focalisa ses pensées sur autre chose.
La fraîcheur du soir commençait à tomber et les odeurs de cuisine lointaines rappelèrent à son estomac qu’elle n’avait rien avalé depuis le repas du matin. Au moment où il se mit à grogner, quatre esclaves arrivèrent, chacune portant un plateau à cloche dégageant un parfum des plus alléchants. Trois d’entre elles apportèrent le repas du souverain dans son bureau, la dernière déposa le plat qu’elle portait sur la petite table devant les nobles, sous leurs exclamations de satisfaction. Ils blaguèrent entre eux tandis que la servante déballait des assortiments de petits pains fourrés et de légumes coupés.
L’espace d’un instant, Ishta regretta de ne pas être un homme. Elle aurait tout donné pour croquer dans un de ses petits pains, mais il n’était pas convenable, pour une femme de son rang, de manger à la hâte.
Alors que la servante allait partir, le plus grand des trois lui ordonna de s’asseoir à côté de lui, sous les rires gras de ses collègues. Ishta n’y prêta pas attention, ils devenaient bruyants mais la conversation ne l’intéressait pas. La longue journée d’attente cumulée à la faim pesait lourd sur son dos déjà meurtri et son regard se posa sur la grosse porte en bois sculptée menant au bureau de son père. On entendait régulièrement des éclats de voix échapper aux murs épais, provenant d’une conversation animée de l’autre côté. Mais des mouvements brusques ramenèrent son attention du côté du canapé.
Le jeune noble s’était levé, traînant la servante au regard terrorisé par le bras, vers un des bureaux contre un mur de la pièce. Les deux autres étaient toujours assis sur le canapé, hilares et l’un d’eux s’esclaffa.
« Ma parole ! Quand tu as dit que tu voulais la prendre, j’ai pas compris que tu parlais de maintenant.
- Si pas maintenant, ce sera peut-être jamais. Qui dit que je rentrerai vivant de cette campagne ? »
Ishta était tellement confuse par ce qui se passait qu’elle en oublia de baisser les yeux, mais personne ne le remarqua. Le garçon poussa les livres posés sur le bureau avant de plaquer la servante dessus face contre le bois. Celle-ci tremblait comme une feuille et tenta comme elle pu de retenir ses larmes. Il souleva ses jupes, exposant ses sous-vêtements aux yeux de tous. Ishta n’arrivait plus à détourner ses yeux de la scène, son cerveau réfléchissant à une vitesse folle.
L’homme descendit son pantalon jusqu’à mi-cuisse et défit le lien de son caleçon. Elle sentit son sang se retirer de son visage et un frisson parcouru son corps quand elle comprit. Objectivement, elle savait ce qui se passait. On lui en avait vaguement parlé et elle avait vu les animaux du jardin exotique. Mais pourquoi ici et maintenant ?
Il commença à se toucher d’une main, un sourire carnassier aux lèvres, tout en utilisant sa seconde main pour baisser les culottes de sa proie. La servante tremblait comme un lapin mais elle ne bougea pas. Ses sanglots s’entendaient à peine au milieu des rires mais ils sonnaient comme un hurlement aux oreilles d’Ishta. Nerveusement, elle chercha des yeux les gardes. Ne voyaient-ils pas qu’elle était terrorisée ? Mais le léger sourire aux lèvres de certains lui glaça le sang. Elle ne comprenait pas.
D’un mouvement brusque le nobliau pénétra la domestique qui étouffa un cri de douleur entre ses mains. Les acclamations de fiertés des jeunes sur le canapé firent écho au barrage qui céda en elle. En un instant tout devint plus clair. Comment avait-elle pu être aussi stupide ? Voilà ce qu’on attendait d’elle. Elle était au service de son mari et de tout homme décidant de la commander. Et elle devait obéir. Qu’il lui demande de se taire, de se laisser fouetter ou encore s’il lui prenait l’envie de se vider. Elle n’avait qu’à se pencher en avant et attendre son bon vouloir, que ce soit dans un endroit approprié ou bien sur un coin de bureau exposée aux yeux de tous. Voilà ce qu’on attendait de toutes les femmes.
Les bruits répétitifs de l’homme besognant la servante devinrent plus pressants. Les gardes ne comptaient pas intervenir, pire encore, ils appréciaient la situation et ne voyaient pas le mal. Elles n’étaient guère plus que des objets pouvant être utilisé à leur guise. La louche en veut-elle au cuistot d’être trempée dans la soupe bouillante ? Un objet, aussi chéri soit-il, n’a pas de sentiments, d’envie ou de projet. Il sert la fonction pour laquelle il a été acheté, et ce, qu’il le veuille ou non. Toute sa vie, quelqu’un déterminera pour elle cette fonction. Son père d’abord puis son mari ensuite.
Qu’importe qui la possède. On n’attend pas d’elle qu’elle soit heureuse ou qu’elle décide par elle-même. Elle aurait ri de sa naïveté si elle l’avait pu, « la prendre pour aller où ? » Mais nulle part, la prendre pour l’utiliser, la prendre pour faire ce qu’il veut. Comme on prend un verre ou un mouchoir. Un objet dont on peut disposer une fois cassé. Puis il suffit d’en prendre un autre…
Dans un gémissement pathétique, le noble donna son dernier coup de rein. Des félicitations grivoises s’élevèrent du canapé alors que la servante, prenant à peine soin de remettre ses jupons en place, se précipita dehors en pleurant. Assommée par ses pensées, Ishta n’eut pas conscience de la fin de la scène, elle n’avait plus conscience de rien. Son cerveau embrumé et hagard tentait de digérer ces nouvelles révélations. À quoi bon vivre, si elle ne pouvait décider comment ?
8 commentaires
Anna Cesari
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Il y a un an
Mélanie Nadivanowar
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Il y a 2 ans
Hiurda
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Il y a 2 ans