Hiurda La Bête de la Terre des Rois Esclaves - Partie 1

Esclaves - Partie 1

Nishka prit les mains d’Ishta dans les siennes, la regarda dans les yeux et prit trois longues respirations. La jeune fille calqua son souffle sur celui de la vieille femme et aussitôt, elle reprit contrôle de ses émotions. Elle savait désormais que si elles ne sortaient pas vite du véhicule, la Mère des Futures Femmes ne serait pas la seule à se faire corriger. Elle descendit les trois marches menant au sol et le capitaine de la garde l’accompagnant fronça les sourcils.

« Pourquoi avez-vous mis autant de temps ? »

C’était une question directe, elle se devait d’y répondre. Elle rassembla le courage qui lui restait et répondit les yeux fixés au sol, d’une voix douce et posée.

« Je vous pris de bien vouloir nous excuser. Les plis de ma robe se sont pris dans un rebord en bois. »

L’explication parut satisfaire le garde qui les accompagna jusqu’au salon d’attente devant le bureau du Roi des rois.

Lors de sa dernière visite la pièce était vide, mais aujourd’hui Ishta eu du mal à trouver où se placer pour ne pas déranger les allées et venus des hommes rassemblés. Principalement des militaires au visage hagard, quelques nobles en tenues officielles pompeuses et des serviteurs les bras chargés de cartes, papiers et autres instruments de travail. Tous des hommes. Ishta baissa vite les yeux avant de se faire prendre et tenta de calmer ses nerfs. Sa robe orange, simple et légère, laissait voir sa taille. Ses jupes longues étaient faites d’un tissu fin qui virevoltait à chaque mouvement d’air et son dos était quasiment nu afin d’exposer son blason partiel. Elle avait l’habitude de porter ces vêtements au quotidien, mais ici elle se sentit vulnérable, exposée... La jeune fille regrettait de ne pas pouvoir porter les lourdes armures de bataille qu’elle avait vue en peinture. Malgré la chaleur de la journée, un frisson la parcourut de la tête aux pieds.

La Mère des Futures Femmes la conduisit dans un angle de la pièce où deux fauteuils avaient été laissés vacants. Ishta fut plus que surprise par le choix de la vieille femme, ce n’était pas la première fois qu’elles devaient patienter mais jamais Nishka ne s’était permis de s’asseoir. Cependant, un rapide coup d’œil discret à la salle et elle comprit que l’attente serait longue. Elle s’assit aussi confortablement que possible, les mains sur les genoux et les chevilles croisées à l’opposé, comme l’indiquaient les poèmes de « Bienséance de la Femme Enfant ». Et les heures commencèrent à défiler lentement...



La tension dans le salon d’attente était palpable, tous parlaient nerveusement et des éclats de voix soudains s’élevaient régulièrement. Des bureaux de fortune étaient aménagés dans tous les coins de la pièce, les hommes passants de l’un à l’autre d’un pas pressé, regardant une carte ici pour la comparer à celle de là-bas, additionnant les unités d’une liste de recensement à l’autre.

La plupart des chaises avaient été empilées dans un angle pour ne pas déranger les déplacements frénétiques des occupants. Seuls les deux canapés centraux avaient été laissés à leur place, un petit groupe de militaire vétérans, couvert de médailles, y discutait d’un ton agité, cigares à la bouche dont la fumée accentuait le sentiment oppressant généralisé.

Le chaos ambiant donna le tournis à Ishta mais personne ne fit mine de remarquer leur présence, tous les esprits étaient tournés vers la guerre et Ishta prit conscience pour la première fois de l’ampleur du problème. C’était un des rares avantages d’être une femme, tant qu’elles ne dérangeaient personne, elles étaient complètement invisibles. En l’occurrence tous discutaient de stratégies, de mouvements de troupes ou des dernières nouvelles sans se préoccuper de ce qu’elles entendaient. Si le langage rustre et cru la dérangea, le contenu des propos tenus était encore plus choquant.

Elle avait entendu les civils parler d’escarmouches, mais rien n’était plus loin de la vérité. Les militaires présents parlaient de front, de batailles et de lourdes pertes. C’était bel et bien une guerre et, à les entendre, l’Empire d’Or n’était pas en situation de force. Ishta comprit vite pourquoi tout le monde parlait d’escarmouches, le nombre d’ennemis engagés dans les batailles semblait ridiculement bas. Là où les unités Impériales étaient comptées en bataillons, les armées ennemies dépassaient rarement les trois ou quatre cents combattants. Bien que c’était bel et bien les chiffres que les rapports indiquaient, il paraissait impossible qu’une centaine d’hommes, ou à peine plus, puisse défaire trois bataillons complets de l’Empire d’Or, aussi les rumeurs s’étaient déformées en faveur de l’armée impériale.

Ce que la jeune fille ne comprenait pas, par contre, c’était l’air perdu des hommes autour d’elle alors qu’ils contemplaient les chiffres. Tous se disputaient en cherchant la raison de tant de défaites, chacun accusant les autres de défaillances. Certes, elle n’était pas instruite dans l’art de la guerre et n’avait pas les capacités intellectuelles masculines, mais il lui paraissait évident que le problème venait de leur manque d’adaptation. Qu’aucun de ses vétérans ne s’en rende compte lui paraissait absurde. Mais tous au final ne parlaient que d’une seule chose... La Bête.

L’arme secrète des armées barbares et, à en croire tous ces experts, la seule raison de leurs plus grandes défaites. Deux mètres cinquante, un corps humain avec des griffes aussi longues que le bras d’un homme, une tête de monstre et un rugissement à faire trembler les montagnes. La bête paraissait à elle seule capable de mettre au sol vingt hommes d’un coup de patte. La jeune fille doutait qu’une créature pareille puisse réellement exister. Mais à les entendre, elle semblait apparaître au moment le plus tragique pour retourner le champ de bataille et leur arracher la victoire. Le chef barbare garderait le guerrier mi-homme mi-bête comme animal de compagnie et Ishta retint de justesse un haut-le-cœur à la lecture d’une lettre, témoignage d’un commandant.

L’homme avait vu son bataillon anéanti en moins d’une heure. Fait prisonnier avec une dizaine de ses hommes, ils furent amenés devant le chef barbare. Il leur demanda d’être témoin de la supériorité de ses guerriers et de ramener à ses supérieurs le récit de sa victoire écrasante. Durant tout l’entretient, la bête se tenait aux pieds de son maître, dévorant un des hommes du commandant tombé quelques heures auparavant, fouillant ses entrailles à mains nues. Un des soldats fut pris d’un éclat de rire hystérique à la vue de son camarade éventré et le barbare le plus proche l’exécuta sur-le-champ.

La jeune fille regretta aussitôt d’avoir écouté la conversation. Comment avait-elle pu penser qu’elle serait assez forte pour entendre une conversation d’homme ? Ishta passa les heures suivantes à essayer d’oublier le contenu de cette lettre, mais elle était persuadée que les images apparues dans sa tête hanteraient ses nuits pour longtemps.


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5 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

J'ai envie de croire que la bête n'a de bête que le nom et que la véritable bête est bien lmle royaume dans lequel elle vit....et qui prend les femmes pour des hystériques.

Anna Cesari

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Il y a un an

Que de suspense dans ce chapitre ! On en apprend davantage sur l'armée du Nord, et sur cette horrible bête qui semble terroriser tous les guerriers de l'Empire d'Or. La Bête et le chef des "barbares" nordiques ne font-ils qu'un ? J'ai hâte de le savoir.

Mélanie Nadivanowar

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Il y a 2 ans

La tension est palpable dans cette guerre 😱😱. Cette bête me fait pensé à la bête dans la belle et la bête, sûrement par le nom😅😅.

Hiurda

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Il y a 2 ans

Ahah ! J'ai bien envie de te répondre mais je ne peux pas sans spoiler ! ALors je me tais 🫣
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