Fyctia
Fiançailles - Partie 5
Des larmes de frustrations et de rage glissèrent le long de ses joues mais pas un son ne s’échappa d’entre ses lèvres. Son père les lui essuya d’un geste tendre, les prenant pour des pleurs de souffrance il ajouta :
« Ne t’inquiètes pas, fille de moi, la douleur va très vite disparaître et tu pourras alors dormir tranquillement. »
Il rangea le pot de crème et se rassit sur le bord du lit, tout en douceur et il commença à lui caresser la tête avec affection.
« Le Vasheekaran est un rituel cruel, c’est vrai, mais il est nécessaire, mon Pétale. Les femmes sont sauvages par nature, l’incarnation du chaos. Tu ne le vois pas encore car tu n’as pas atteint l’âge où elles tombent dans l’hystérie. »
Le Roi se perdit dans un silence contemplatif, Ishta pouvait presque voir les souvenirs de son père défiler dans le fond de ses yeux.
« Et c’est en ça que le Vasheekaran est important ! Son ton décisif la surprit, toute son attention était de nouveau tournée vers elle. Il intervient avant que tu sombres dans la folie et incruste au fond de ton être tout ce qui fera de toi une femme gracieuse, désirable et obéissante. Je ne veux que ton bonheur, fille de moi. Je veux un bon mariage pour toi, avec un mari qui saura te nourrir et qui sera fière de t’avoir à son bras. Pour ça tu dois devenir la plus belle fleur de mon palais. Grâce à ton Vasheekaran tu auras le plus beau blason de tout l’empire d’or, on ne verra jamais mari plus fier que Sichuna Ning, je t’en fais le serment. »
Il se pencha légèrement vers elle et ajouta, sur le ton du secret :
« Chaque coup de fouet que je t’inflige me transperce le cœur, chaque claquement de cet instrument maudit fractionne mon âme. Je ne souhaite pas ta souffrance, mon doux pétale… »
L’homme était au bord des larmes, le cœur d’Ishta sombra. Jamais elle n’avait vu son père si affecté. Le Roi des rois, grand sage devant les éternels et sauveur du peuple souffrait pour elle. Et qui était-elle pour remettre en cause la sagesse de son père ? Pour défier un rituel ancestral ? Les femmes de son peuple n’étaient-elles pas réclamées par les hommes de toutes les terres civilisées ? Qu’était-ce que quelques semaines de douleur face à la perspective de faire partie de ses femmes désirées du monde entier ? Et avec l’onguent de son père ce n’en serait que plus supportable.
« Alors, reprit-il, promets- moi de te comporter de manière exemplaire durant ce Vasheekaran, fille de moi. Mon cœur de père ne supporterait pas un coup de fouet de plus que nécessaire au blason. Pour moi, mon Pétale, ne me force pas à être plus cruel que le rituel. Tu feras ça, mon doux pétale ? Tu me promets de ne pas me forcer à te discipliner plus que nécessaire ? »
Ishta avait la gorge serrée par l’émotion, comment ne pas être favorable à une requête si poignante ? Elle ne sentait déjà plus son dos et l’affection sincère de son père réchauffait son cœur meurtri. Elle acquiesça mais le mouvement de sa tête tira la peau de son dos et raviva la douleur.
« Ne bouge pas, fille de moi, dit le roi. Réponds moi, fait moi entendre le doux son de ta voix.
- Oui, père, je vous le promets. »
Sa voix était rauque de n’avoir parlé depuis longtemps et sa gorge serrée par l’émotion la rendit plus aiguë qu’à l’accoutumée mais son père ne s’en formalisa pas.
« Bien, fille de moi, repose-toi maintenant et nourris-toi convenablement. Tu dois reprendre des forces pour notre prochaine leçon. »
Le Roi des rois déposa un baiser sur son front, se leva et s’adressa à la mère des futures femmes, toujours prostrée au sol :
« Tu me feras prévenir quand elle sera capable de se lever, femme. »
Sans plus lui jeter un regard, il sortit de la pièce.
Nishka se releva enfin, reprit le bol de bouillon entre ses mains et plongea de nouveau la cuillère dedans.
« La soupe est froide désormais, Pétale de Sha, souhaitez-vous que je la fasse réchauffer ? »
Mais Ishta ne prêta pas plus attention à la question qu’au ton étonnamment doux de la vieille femme.
« Mon père m’aime sincèrement…
- C’est ce qu’il a dit, en effet… »
Elle ne vit pas non plus l’unique larme de regret rouler sur la joue de la mère des futures femmes.
Pour un homme grand et sage comme lui, pour l’amour sincère qu’il lui porte et pour son intégrité, elle supporterait chaque coup de fouet et elle en sortirait grandie.
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Anna C
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Il y a un an
Hiurda
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Anna Cesari
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Mélanie Nadivanowar
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Hiurda
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Ordalie
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Hiurda
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Il y a 2 ans
ALaPointeDeLaPlume
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Il y a 2 ans