Hiurda La Bête de la Terre des Rois Fiançailles - Partie 2

Fiançailles - Partie 2


« La fougue de la jeunesse je suppose... Mais les femmes du Saam’Raji sont bien plus civilisées. Aucune n’oserait braver votre regard avant d’avoir achevé son Vasheekaran.


- En effet, Altesse, la docilité de vos femmes est légendaire. Et la patience est une de mes plus grandes qualités. Que sont quelques mois face à toute une vie ? »


Le Roi des rois rit doucement devant la fougue du jeune homme. Toute une vie... Ishta se sentait emportée par la joie. Seuls les quinze kilos de tissus et de bijoux l’empêchèrent de sautiller sur place et il lui fallut toute sa concentration pour ne pas lever ses yeux curieux... Toute une vie, elle aurait bien le temps de l’admirer alors...


La conversation dura encore quelques minutes puis le Roi des rois confirma les fiançailles de sa fille et du premier fils de la famille marchande. Enfin, sous les applaudissements de la cour, elle eut finalement le droit de se retirer. Ishta retourna dans ses quartiers du palais des femmes en imaginant sa vie future…



Le grand salon de la suite des pétales avait sombré dans un silence solennel. Nishka, Mère des Futures Femmes, avait fait son entrée. Drapée du châle de sa fonction, ses cheveux rassemblés dans un chignon impeccablement tressé, décoré d’anneaux dorés et de petites fleurs colorées à la mode de l’Empire, elle était l’incarnation même de la dignité. Elle s’approcha du centre de la pièce et de son bassin principal autour duquel étaient rassemblés Ishta et ses douze sœurs. Le puit de lumière au plafond apportait une chaleur douce qui se mêlait à la fraîcheur humide des bassins d’eau disséminés dans la grande salle. La végétation et les fleurs de nénuphar qui y poussaient dégageaient un doux parfum apaisant qu’Ishta affectionnait particulièrement.


Née en cinquième position, Ishta était pourtant la troisième à passer son Vasheekaran. D’ordinaire, les filles étaient mariées par ordre de naissance. Les stigmates du rituel étaient bien affichés sur le dos de ses deux sœurs déjà femmes, mis à nu par la coupe de leur robe. La jeune fille, ne pouvait s’empêcher d’y jeter des coups d’oeils curieux.


Nishka prit un tabouret et s’assit devant le petit groupe de princesses, d’un geste simple et élégant elle rassembla gracieusement les plis de sa robe autour de ses jambes, faisant virevolter le motif réservé aux esclaves brodé sur son ourlet. Les rides légères entre ses sourcils lui donnaient un air continuellement sévère. Elle prit une théière en argent sur le plateau posé près d’elle et commença à servir du thé pour chacune. Lentement. Très lentement.


Cela faisait partie du cérémoniel, Ishta le savait. Mais ça ne l’empêcha pas, comme ses plus jeunes sœurs, de trépigner d’impatience. La cérémonie d’ouverture menée par Nishka apportait six mois de festivités au palais des femmes. Six mois de repas gargantuesques et de musique. Certes, ce serait compliqué pour Ishta qui ne pourra que très peu participer à cause de sa convalescence. Mais à la fin de ces six mois, elle pourrait enfin admirer son futur époux... Pour le reste de sa vie.



Elle savait que le Vasheekaran était difficile et douloureux, mais elle ne put s’empêcher de penser que ses aînées se donnaient de grands airs avec leur expression dure et leurs lèvres pincées. Pourquoi la regardaient-elles avec autant de pitié ? Ning n’était peut-être pas un prince comme leurs maris, mais il était le fils de la plus grande famille de l’Empire allié, pour une princesse de cinquième rang comme elle, c’était inespéré !


Nishka remplit la dernière tasse et posa enfin la théière sur son socle. Elle prit une grande inspiration et son visage se durcit.


« Sha Ishta, Pétale du Saam’Raji, tu parais devant moi aujourd’hui, enfant, sauvage, barbare, ignorante de ce qui fait la beauté d’une femme. Étrangère aux besoins des hommes. Aujourd’hui commence ta longue éducation et ton entrée dans le monde civilisé. Ce voyage va durer six mois. Six mois durant lesquels te seront inculquées les règles de bienséance que tu dois connaître. Chaque leçon incomprise sera gravée sur ta peau par le fouet. Le fouet sera manié par la main du Roi des rois, grand sage devant les éternels, sauveur du peuple et ton père bien aimé. Le Vasheekaran sera complet lorsque toutes les leçons seront apprises et le motif choisi par le Roi des rois sera apposé dans son entièreté sur ton dos. Ce motif sera ton blason et tu l’arboreras avec fierté, car il sera la preuve charnelle de ton éducation et de ton raffinement. »


Les plus jeunes ne purent s’empêcher de regarder le dos de leurs aînées avec envie. De son côté, une vilaine question trottait dans la tête de la jeune fille... Si seules les leçons mal apprises étaient marquées par le fouet, il suffisait de tout bien apprendre pour ne pas recevoir de coup. Mais elle ne voyait pas, alors, comment le motif pouvait être complété.


Ses questions furent bien vite éclipsées par le ravissement à la perspective d’avoir des instants privilégiés avec son père de manière hebdomadaire. Durant sa vie, Ishta ne l’avait que très peu vu. Elle apprendrait enfin à connaître cet homme que tant de gens admiraient. Elle pourrait enfin comprendre sa grandeur et s’en inspirer. Le fouet n’était qu’un mauvais instant à passer. Ça lui apporterait tellement en finalité, qu’elle se savait capable de le supporter. Après tout, les hommes aussi avaient leurs propres lots de souffrance. À l’issue de leur journée de passage de l’enfant à l’adulte, chaque homme devait subir un tatouage. Les femmes lui ont souvent dit que la douleur de l’aiguille était quasi insoutenable. Elle était bien heureuse de ne pas avoir à passer par là...


La cérémonie continua avec la récitation des poèmes de « Bienséance de la Femme Enfant » puis les jeunes filles burent leur thé dans un joyeux brouhaha. Seule note noire au tableau, Sha Eshita et Sha Baruna, ses sœurs mariées, qui sirotaient leur thé avec réticence, jetant des regards noirs à chaque éclat de rire. Pourquoi s’obstinaient-elles à vouloir gâcher son plaisir ? Ne voyaient-elles pas que ce jour devait être joyeux ?



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13 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

j'allais écrire un commentaire mais je vois que ce que je pense à déjà été dis! superbe présentation de la douce naïveté de l'héroïne et de sa confiance absolue en son père et son mariage ainsi qu'en ces 6 mois qui s'annoncent juste horribles..Les grandes soeurs passent à ses yeux pour des mégères, les sœurs de cendrillons et pourtant..si seulement elle pouvait voir et entendre leurs avertissements silencieux...

moiettoi833

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Il y a un an

Ha calvere

Anna Cesari

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Il y a un an

L'horreur se dessine doucement sous nos yeux et l'héroïne n'en a pas la moindre idée, je trouve ça absolument glaçant. Je suis une grande fan des personnages féminins effacés qui finissent par prendre leur place dans le monde, donc je sais d'avance que je vais adorer Ishta. La pauvre, tellement conditionnée par son éducation qu'elle en vient à se réjouir de son sort, ça me déchire le coeur.

Mélanie Nadivanowar

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Il y a 2 ans

Je vois l'atrocité de ton univers que j'adore complètement ☺️☺️. Cette civilisation est vraiment barbare, je confirme👌👌. Je ne sais pas pk mais j'imagine que son époux n'est pas l'homme qu'elle attend, du moins concernant sa beauté et sa bienveillance. Je ne le sens pas du tt et encore moins le roi des rois🤔🤔. Hâte de découvrir la suite☺️☺️

ALaPointeDeLaPlume

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Il y a 2 ans

Je prends le temps de commenter : le début de ton histoire est captivant et distille ce qu'il faut d'information pour comprendre les us et coutumes de ton univers. Petite remarque de style (Histoire d'améliorer encore cette histoire qui s'annonce passionnante et oui, je suis tâtillonne) : Attention aux répétitions. Dans le chapitre précédent, j'ai trouvé l'adjectif "présentable" et le verbe "présenter" à une ou deux lignes d'écart et dans ce chapitre-ci "Enfin" et "finalement" dans la même phrase. Je te souhaite bon courage et bonne chance pour le concours et, sur ce, je continue ma lecture.

Hiurda

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Il y a 2 ans

Merci pour les répétitions ! Je m'en vais de ce pas les changer sur mon texte 😁 J'ai hâte d'avoir ton avis pour la suite !
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