leaspreux L'ombre de tes peines 8 — Axel

8 — Axel

Après plus d'une demi-heure de route et le prix de la course divisé par six, le taxi nous laisse au pied du restaurant, là où une pancarte à l'écriture verte sur fond blanc nous indique ce qui nous attend un peu plus haut. Terrasse avec vue panoramique sur tout le lac d'Annecy. Mathias est celui qui ouvre la marche, nous n'avons que quelques mètres à grimper avant de nous retrouver devant la porte du chalet, là où l'odeur du fromage fondu se met à réveiller nos estomacs. Nous éclatons de rire en entendant plusieurs ventres gargouiller, ce qui est mon cas. J'aime la cuisine généreuse et le fromage, la Savoie ne peut pas me décevoir sur ce point.


Un serveur vient nous accueillir et nous invite à le suivre, nous faisant longer le chalet et zigzaguer entre les clients déjà nombreux. La terrasse semble bondée mais je n'y prête pas plus attention que ça, parce que nous arrivons à notre table et que mon regard se dirige directement sur la fameuse vue. C'est à couper le souffle, il n'y a pas d''autres choses à dire. Le fameux lac d'Annecy dont nous avons déjà vu une petite partie en nous promenant, se dresse dans son entièreté, sillonnant la vallée et les villes de ces grandes montagnes avec tout au fond, telle la cerise sur le gâteau, la ville d'Annecy.


Le soleil effleure mon visage qui, je le sens, commence à chauffer, malgré la petite brise qui nous rappelle que nous sommes en décembre, que Noël approche. C'est loin d'être mon soucis premier, je n'arrive même pas à y penser cette année. Mon monde tourne autour du volley et de cette région que j'ai la chance de pouvoir découvrir à côté des entraînements et des matchs. Les cadeaux, on verra plus tard.


— Putain, t'as pas menti mon gars, lâche Mathias, autant absorbé que moi.


Le serveur ne semble pas se formaliser de notre inactivité, il doit avoir l'habitude que les gens bloquent sur le paysage. Nous finissons par nous asseoir tandis qu'il distribue les menus et, pour mon plus grand bonheur, je suis au bout de la table, contre le grillage qui nous protège du vide, face à Juliann.


— Content d'avoir quitté le chalet ? je lui demande par dessus le brouhaha.


Nous avons beau être en extérieur, il y a beaucoup du monde ce midi, et des tables semblent rajoutées à droite et à gauche pour faire plaisir à des groupes venus à l'improviste. Juliann, le menton dans sa main, se détache du lac. Il pose les yeux sur moi comme si j'osais l'importuner pendant un moment important. Prend-il le temps de profiter des choses aussi simples, d'ordinaire ? Il semble ne rien s'accorder, ne vivre que pour une seule et unique chose. Faire du volley sa priorité, je peux le comprendre, mais la vie regorge de tellement d'activités différentes.


— Ouais. C'est sympa.

— Sympa ? je demande en levant un sourcil.


Il doit bien avoir de nombreux qualificatifs pour parler de ce que nous avons sous les yeux, mais sympa... C'est trop peu. Je dirais incroyable, immense. On se sent si petit face à tout ça. J'ai envie de grimper encore plus haut, de parcourir toutes les montagnes du coin. Je crois que j'aime de plus en plus la Savoie.


— Tu cherches vraiment à faire ami-ami avec moi ?


Son ton n'est pas froid, il me pose une simple question. Mais j'ignore pourquoi, sortant de sa bouche, ces mots ne semblent pas... banals.


— Nous n'avons plus envie de nous taper sur la tronche, je pensais que oui, nous pouvions agir comme deux humains normalement constitués. Discuter, tout ça.


Mathias, assis à côté de moi, semble concentré sur le menu. Pourtant je sais qu'il a une oreille qui traîne pour tout entendre. D'autres gars de la table discutent entre eux, il n'y a donc que mon meilleur ami comme témoin.


— Je n'ai pas envie d'être ton ami, Axel, me dit Juliann, avant de regarder les plats à la carte.


Comme s'il clôturait la discussion, comme s'il n'y avait rien à redire à ça. Comme si je devais fermer ma gueule et accepter. Je ne suis pas du genre à quémander de l'affection, à vrai dire, je me suis toujours foutu de plaire ou non à des inconnus. Seulement, ses mots réveillent quelque chose en moi que je ne saurais définir.


— Je peux savoir ce que je t'ai fait pour que tu me repousses à ce point ?


Juliann prend le temps de laisser passer plusieurs secondes, avant de refermer le menu. Je me tends, tout comme Mathias à mes côtés. Je sens que je vais encore moins aimer ce qui s'apprête à suivre.


— D'accord, je vais te le dire, et peut-être que tu me laisseras tranquille une bonne fois pour toute. Je ne veux pas être ami avec toi parce que je n'apprécie pas la personne que tu es, ton arrogance. Ton talent aussi. Lorsque j'étais joueur, je te détestais déjà parce que tu faisais sensation. Tout le monde parlait de toi, mon père a même essayé de te recruter mais tu l'as envoyé se faire foutre. Et aujourd'hui, dès que je pose les yeux sur toi, je vois simplement ce à quoi je n'ai jamais su accéder parce que j'ai dû arrêter trop tôt ma carrière de joueur. Je vois ce que j'aurais pu devenir si je m'étais donné corps et âme dans le volley, et ça me rend malade. Satisfait ?


Les gars se sont arrêtés de parler, tout le monde a entendu son petit discours et maintenant, un silence pesant règne sur la table. Le serveur revient pour nous demander nos boissons, et je suis bien incapable de lui répondre. Je ne fais que fixer Juliann qui est déjà passé à autre chose et indique prendre un coca zéro. Heureusement, mon meilleur ami est une perle et sait ce que je prends toujours, alors il commande deux orangina.


Ma mâchoire se contracte, je préfère me concentrer sur le plat que je vais prendre, même si mon appétit a disparu. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, je lui ai demandé d'être sincère et il l'a été. C'est juste... compliqué à encaisser. Il ne m'apprécie pas parce que je suis... doué ? Je ne peux pas lutter contre ça. Je devrais donc lâcher l'affaire, me faire violence pour bâillonner la voix dans ma tête qui me souffle de m'accrocher à lui, parce qu'il semble avoir désespérément besoin de quelqu'un qui le sorte de la situation dans laquelle il se trouve. Il finira par laisser le volley le bouffer, et il ne trouvera plus rien d'agréable dans ce sport qu'il semble affectionner autant que moi. La famille Lavie est toujours autant connue dans notre monde, son père était respecté de tous. S'il voyait ce que Juliann est en train de devenir...

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4 commentaires

signofbee

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Il y a 2 ans

C’était très… cash 🥲

Dianebrm

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Il y a 2 ans

Quelle ambiance… il voulait de la sincérité.. bah ça lui est tombé à la gueule 😭

Sandrine L

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Il y a 2 ans

Juliann ne veut pas être ami avec Alex pour son arrogance, son talent 😬 L'ambiance après 🙁 Hâte de lire la suite ❤️

MarionBtk

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Il y a 2 ans

Alors là... Je ne m'attendais pas à ce que Juliann dise tout comme ça de façon aussi cash !
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