Fyctia

La situation est plus critique qu'elle n'en a l'air. Mathias, Clément, Sacha, Juliann, Charles et moi sommes réunis sur l'immense canapé du salon, nos yeux rivés sur le téléphone posé sur la table basse. Les secondes défilent et emportent avec elle la victoire de mon meilleur ami, celle d'avoir convaincu le grincheux de service de se joindre à notre groupe formé pour l'après-midi. J'ignore ce qu'il a bien pu lui dire, tout ce que je sais, c'est qu'il est resté vingt minutes enfermé avec lui dans notre chambre, et que moi je me tournais les pouces en attendant le verdict. Aurais-je été déçu s'il n'avait pas accepté ? Je n'en sais rien. Tout comme je ne sais pas pourquoi je suis si ravi à l'idée qu'il parte avec nous.

Je croise le regard du plus vieux de notre groupe qui finit par grimacer. L'attente que nous subissons n'est pas bonne.

— Les gars... commence Charles avant d'être interrompu par la sonnerie de son portable.

Ce que l'on n'attendait plus ! Il se jette dessus et décroche, tous les regards sont braqués sur lui. Charles a eu une bonne idée de nous proposer de quitter le chalet seulement, au moment d'appeler un taxi, il s'est rappelé d'un léger détail. Le restaurant possède une vue magnifique, et peu de tables sur la terrasse. Autant dire que, même en hiver, il vaut mieux avoir réservé plusieurs semaines en avance pour espérer y manger. Demander une table pour six le midi même est quasiment impossible. Charles a tout de même tenté, et l'un des serveurs nous a annoncé être complet, mais qu'il appellerait si jamais une table se libérait.

Depuis, nous attendions comme des cons que l'écran de son téléphone daigne s'allumer.

— C'est super, merci beaucoup !

Suspendus aux lèvres de Charles, nous soupirons tous de soulagement en comprenant ce que ses mots signifient. Il nous le confirme directement après avoir raccroché :

— C'est bon, un groupe vient juste d'annuler ! J'appelle le taxi, vous pouvez aller vous préparer !

Mathias est le premier à sauter par dessus le canapé pour rejoindre sa chambre, je suis plus modéré en faisant le tour pour rejoindre les escaliers. Évidemment, je sens la présence de Juliann dans mon dos, aussi discret qu'à l'accoutumé. Quand il n'est pas énervé, ce type semble transparent. J'espère que cette sortie me permettra de découvrir une autre facette de sa personnalité, si seulement il en existe d'autres.

— Tu te voyais déjà rester ici ? je demande lorsque la porte se referme sur nous.

— Je compte juste profiter de la vue, me répond-il sans m'adresser un regard.

Je le laisse se rendre en premier vers l'armoire que nous partageons afin qu'il puisse récupérer ses affaires, puis je fais de même. Je ne me cache pas dans la salle de bain pour me changer, je ne suis pas du genre à rougir du fait d'être en boxer devant un autre mec. Au contraire, j'ai envie de voir si le regard de Juliann s'égare sur moi, ou pas du tout.

Je prends mon temps pour enfiler mes sous-vêtements, ainsi que mon polaire. Du coin de l'œil, je surprend ses yeux qui ne résistent pas à l'attention. Je cache un sourire en coin en passant mon jogging. Je le savais.

— Pourquoi as-tu accepté la proposition de Mathias ?

Je suis curieux, j'aimerais bien connaître les arguments qui convainquent Juliann de se mélanger à nous. Je pose mes fesses sur le bord de mon lit et bug directement. Mon colocataire vient de retirer son haut et je suis directement attiré par son torse nu. En revanche, je n'ai pas le temps d'apprécier la vue, il se tourne dos à moi et marmonne froidement :

— Tu as besoin d'une raison ?

— Non, je suis juste curieux.

Il y a un moment de blanc, durant lequel je me demande s'il va m'accorder une réponse ou non. S'il ne veut pas me montrer le côté pile, je peux mater le côté face sans me cacher. Les muscles de son dos roulent sur sa peau lorsqu'il met un pull. Je prends une profonde inspiration. J'ai un faible pour les dos musclés. Ça se voit ?

— Je suis venu ici pour jouer, mais je ne connais pas la région. L'équipe n'a pas besoin de moi cet après-midi alors...

— D'accord.

De nouveau face à moi, Juliann fronce les sourcils. Ma réponse l'intrigue, c'est vrai qu'il est étrange de ne pas surenchérir, de ne pas me foutre de lui. Parfois il n'y en a pas besoin. Je le laisse terminer de s'habiller sans rien ajouter, avant que nous ne rejoignons les autres, là où il peut mettre le plus de distance entre nous. Il part discuter avec Sacha, le seul gars de son équipe qui a souhaité venir. Le seul avec lequel il semble bien s'entendre, au passage.

— Avoue, tu comptes le pousser de la montagne, c'est pour ça que tu ne m'as pas empêché d'aller le voir ? me glisse Mathias lorsque j'arrive à sa hauteur.

— Mon plan est dévoilé, j'en ai bien peur, je soupire longuement.

Mon pote éclate de rire et secoue la tête.

— Je ne veux pas être complice d'un meurtre.

— Alors je te pousserai aussi, tu ne me laisses pas le choix.

Cette fois, c'est à moi de rire face à son visage décomposé. Ce mec est crédule, putain. Mais je l'aime pour tous ses défauts, c'est important.