Fyctia
6.2 — Juliann
Le froid glacial de cette nuit de décembre ne parvient pas à altérer ma bonne humeur, ni à effacer le sourire indélibile sur mes lèvres. Dans ma tête se rejoue en boucle les images de mon équipe dans les vestiaires, en train de faire la fête, de se féliciter du travail accompli. Aux yeux des autres, notre bonheur face à cette première victoire pourrait paraître ridicule seulement pour nous, c'est énorme. Les gars n'ont beau pas avoir dominé la partie, ils ont montré ce qu'ils avaient dans le ventre et ne se sont pas laissés marcher dessus, jusqu'à reprendre l'avantage. Ils peuvent être fiers d'eux, tout comme je le suis. Ils ont le droit de faire la fête pour ce soir, de traîner avant de prendre une douche bien méritée. Demain, nous serons de nouveau sérieux et prêts à continuer le tournoi, dans un bon état d'esprit.
— Faut être sacrément maso pour rester dehors à cette heure-là.
Je cesse d'admirer le ciel étoilé pour tourner la tête vers l'homme qui vient de me déranger. Je me suis éloigné du complexe, histoire de ne pas être dérangé par la foule venue assister au match. De toute évidence, je n'étais pas assez bien caché, plongé dans le noir vers l'arrière de l'immense bâtiment.
— Si tu as froid, tu peux très bien retourner d'où tu viens.
— Je vois que tu te transformes en glaçon, si je ne viens pas c'est de la non assistance à personne en danger, ricane Axel.
Je secoue la tête, cachant mon amusement. Amusement ? C'est ce que je viens de penser ? La victoire déteint un peu trop sur mes émotions. Axel s'arrête en face de moi, il me fixe, emmitouflé dans un épais manteau noir. Heureusement pour moi, j'ai une écharpe qui me mange la moitié du visage, impossible donc qu'il découvre mon sourire. Il est tellement imbus de lui-même qu'il pourrait penser que je souris pour lui.
— Tu as assisté au match ?
— Je voulais voir de mes propres yeux votre médiocrité.
Dans la pénombre, je peux à peine discerner les expressions de son visage, néanmoins je n'en ai pas besoin pour comprendre que nous sommes définitivement tous les deux sur un statut quo. Il ne cherche pas à être méchant, il dit juste ce qui lui passe par la tête, sans intention de me blesser. Je suppose que si nous nous adressons la parole jusqu'à la fin du tournoi, ce sera pour s'envoyer des piques.
— Ce n'est pas ce que je peux qualifier de médiocre. Mais tu as raison, continue de nous sous-estimer, la victoire contre vous n'en sera que plus belle.
— C'est plus agréable de te voir compétiteur plutôt qu'au bord de la mort, dis donc.
Putain, il est en forme.
— Axel !
Nous tournons la tête de concert vers son coéquipier qui s'approche de nous. Mathias, si j'ai bien retenu son prénom.
— On repart, tu viens ?
— Je me ferai une place dans le car de Juliann.
Mathias fronce les sourcils et nous regarde tous les deux, à tour de rôle.
— J'ai raté quelque chose ? Vous étiez en train de vous taper dessus il y a deux jours.
— Ton pote aime bien se faire maltraiter apparemment.
— Touché.
Axel passe sa main gantée sur l'hématome qui commence à disparaître. J'enfonce un peu plus mon visage dans mon écharpe.
— Qui t'as dit qu'il y avait une place dans le car pour toi ? je reprends.
— Personne, je m'incruste. Il y a des bons gars dans ton équipe, comme Ethan.
Je me retiens tout juste de lever les yeux au ciel. Bon gars n'est pas ce par quoi je le qualifierais, mais il arrive à faire illusion auprès de tout le monde, même de ma meilleure amie. Arrivera un moment où il montrera son vrai visage. Celui d'un homme qui n'a jamais digéré que je passe de joueur à entraîneur en un claquement de doigt.
— Bon, comme vous voulez. Tant qu'on ne doit pas nettoyer un homicide sur un des sièges, tout me va. À tout à l'heure !
Mathias disparaît parmi les arbres qui rejoignent le devant du complexe. Le silence qui s'installe entre Axel et moi est légèrement désagréable, j'ignore quoi dire. Il est clair que nous ne serons jamais amis lui et moi alors... je ne comprends pas trop ce qu'il cherche à essayer d'engager une possible conversation. Le statut quo n'a pas besoin d'être entretenu.
— Ta réputation est mauvaise dans le milieu. Personne ne pense que tu es à la hauteur de ton père. Mais de ce que j'ai vu ce soir, quand tu fais confiance à tes joueurs, que tu ne leur cris pas dessus, tout roule. Tu devrais y réfléchir.
Je croise les bras contre mon torse. Je n'ai vraiment pas envie de parler de ça avec lui.
— Je gère mon équipe comme je le souhaite.
— Tu vois, c'est ça ton problème. Tu es incapable de prendre le moindre conseil.
— Wow, tu as déduit ça alors que tu me connais depuis cinq minutes ?
— Cinq jours. Et tu n'as montré que tes mauvais côtés, que ce qui donne envie d'aplatir ta tête contre un mur.
Lentement, sans le quitter des yeux, j'approche d'un pas, puis d'un second.
— Je commençais à me dire que tu étais peut-être sympa au final, mais je te déconseille de parler de ce qui ne te regarde pas, si tu veux qu'on garde une relation cordiale et sans heurts.
— Qui a dit que j'aimais les relations cordiales ? Toi non plus, tu ne me connais pas.
Putain, le sourire ironique qui se dessine sur ses lèvres, je ne l'invente pas. La lune l'éclaire assez. C'est à son tour de faire un pas, j'en retiens mon souffle. Je n'aime pas ça. Les seules fois où je me retrouve aussi proche de quelqu'un, c'est pour le frapper par la suite. Je n'ai pas envie de frapper Axel.
— Un conseil, ne joue pas Axel, je le préviens.
— J'adore jouer.
Ce sont deux petits mots prononcés à voix basse, auxquels je n'ai pas le temps de répondre. Il se détourne et rejoint le hall du complexe, me laissant interdit. C'est moi où... tout ça était ambiguë ? Foutrement ambiguë ? Je découvre mon visage. Il fait toujours 1 degrés à l'extérieur et pourtant, mon corps semble en combustion. C'est trop d'émotions peu côtoyées en une soirée. Il est temps de rentrer.
9 commentaires
signofbee
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Il y a 2 ans
Hōseki
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Il y a 2 ans
Sandrine L
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans
Dianebrm
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans
MarionBtk
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans