leaspreux L'ombre de tes peines 6.1 — Juliann

6.1 — Juliann

Mercredi 8 décembre


Le gymnase dans lequel nous jouons ce soir est plein à craquer. Il y a des familles venues passer un bon moment, des férus de volley habillés de maillots à nos couleurs et ceux de nos adversaires, des bandes d'amis prêtes à voir l'une des des équipes se faire dominer. J'ignore si cela me met une plus grosse pression que lorsque nous disputons nos rencontres dans des endroits à moitiés vides. Il faut avouer que, depuis plusieurs semaines, on ne se presse plus pour nous voir jouer. Nous ne rayonnons plus autant qu'à l'époque de mon père.


— Hé, les gars.


Mes joueurs semblent tout autant perturbés par ces gradins remplis. Si j'en crois leurs regards, certains sont excités, d'autres apeurés. Et il y a ceux comme Ethan, qui ont cette lueur de confiance qui brille quoi qu'il arrive. Un mélange d'arrogance et de confiance en soi qui m'agace autant qu'elle me rassure ce soir. Il donnera tout pour l'équipe, pour que notre entrée dans le tournoi se déroule sous les meilleures auspices.


J'élève la voix à cause du bruit ambiant. Nos spectateurs sont surexcités à quelques secondes du coup d'envoi.


— Coline n'a fait que des éloges sur votre entraînement d'hier, et depuis que nous sommes arrivés à Annecy, vous êtes sérieux et déterminés. Je sais que vous aller rentrer sur ce terrain et donner tout ce que vous avez, que ce soit pour vous ou pour l'équipe.


J'appuie ma main sur l'épaule de mon capitaine qui m'adresse un regard entendu.


— Peu importe le résultat à la fin de la soirée, vous pourrez être fiers de vous, je termine.


Et même s'ils n'ont pas l'habitude de l'entendre, je le pense sincèrement. Si nous ressortons de ce gymnase vaincu, je ne péterai pas un plomb je me suis le promis. Tant que je serais encore leur entraîneur, il n'y aura plus d'éclats de colère. Mes derniers instants avec eux doivent se dérouler sereinement.


— À trois, lance Sacha en mettant sa main au milieu de notre cercle. Un, deux, trois !

— VBC ! nous crions tous ensemble.


Nous voir aussi motivés les uns que les autres me mets du baume au cœur, ma respiration se fait plus calme lorsque je les observe se placer sur le terrain. Pour les prochains sets, je serai en apnée totale, les yeux rivés sur chaque élément du club, à noter mentalement le moindre défaut qu'il y aura à retravailler. Je ne m'en fais pas pour le positif, je sais qu'il y en aura et que je n'aurais pas besoin de note mentale pour m'en rappeler.


— Ça va le faire.


Coline, debout près de moi, pose sa main sur mon coude. Sa tentative de me rassurer me touche, mais je ne lui dis pas qu'elle n'a pas besoin de le faire, elle trouverait ça louche. Je me contente donc d'un sourire comme réponse, avant de poser un baiser sur sa tempe.


Le coup de sifflet de l'arbitre signe le début du match, l'adrénaline se met directement à parcourir mes veines. Comme à chaque fois, mes doigts me démangent de frôler le ballon, de l'envoyer moi-même dans le camp adverse. Trois ans que je suis sur le banc, trois ans que je rêve de retrouver ma place en tant que joueur et que je ne peux pas. Ça m'a tellement rendu malade qu'aujourd'hui, je ne suis même plus capable de prendre soin de l'équipe pour laquelle mon père a tout donné. Axel a raison, dans un sens. Il ne doit pas être fier de tout le gâchis que j'ai créé.


— Sacha putain !


Même perdu dans mes pensées, je suis toujours capable de voir mes joueurs faire de la merde. Il ne peut pas perdre un ballon aussi facilement, c'était donné par le joueur de Limoges ! J'enfonce mes mains dans mes poches, les retire uniquement lorsque nous marquons un point et que je me mets à les applaudir de toutes mes forces. Je gueule afin d'éviter que ma voix ne soit couverte par le brouhaha ambiant, les cris de nos quelques supporters.


— Les passes les gars, les passes !


Notre plus grand défaut, c'est le manque de passes. Nous pouvons faire tourner le ballon pour avoir un meilleur angle de tir, une meilleure prise en main mais non, une fois sur deux, nos attaquants tentent de marquer trop vite.


Heureusement, les gars m'écoutent et nous gagnons le premier set sans que je n'ai à demander le moindre temps mort pour leur remettre les idées en place. Je tape dans mes mains une nouvelle fois, leur crie de continuer sur cette voie. Rien n'est encore fait, nous aimons bien gagner le premier set et perdre les deux autres de façon si minable. Nous prenons la confiance et nous faisons des erreurs idiotes, nous perdons des points qui auraient pu être gagnés facilement, et nous donnons accès total à l'autre équipe.


Je serre les dents lorsque nous menons 20-16 dans le second set. Andrew, notre passeur, se retrouve à terre sans que je ne comprenne pourquoi, ses doigts massant sa cheville. Coline le rejoint sur le terrain et lui parle quelques secondes, avant de revenir. Andrew est à nouveau sur ses deux pieds et me fait un signe du pouce.


— Qu'est-ce qu'il a eu ?

— Faux mouvement, ça va mieux.


J'acquiesce, de nouveau concentré sur le match. Les points défilent et, comme je le pensais, nous nous faisons rattrapés. Nous perdons le troisième set et entrons dans le dernier à la fois dépités et motivés. Ce n'est pas un bon mélange, je demande un temps mort et regarde mes joueurs quand ils se forment en cercle autour de moi.


— Vous m'avez fait un putain de premier bon set, je veux que vous repreniez confiance et que vous me fassiez la même chose. Pensez à la fête que ce sera, de gagner après des mois de défaites ! Jules, montre que ta taille est un atout et que tu es un mur, que plus aucun ballon ne peut passer d'accord ? Sacha, le côté droit est le plus faible essaie de le viser autant que possible. Allez, je compte sur vous !


Mon petit discours semble avoir remotivé l'entièreté de l'équipe, je les laisse retourner à leur place et ne peut m'empêcher de faire les cents pas. Je décide de ne plus rien dire, de leur laisser champ libre sur ce set décisif. Encore une vingtaine de minutes de suspense avant que nous soyons fixés. Est-ce que nous allons faire la fête ou rentrer en faisant la gueule, je l'ignore mais bon sang, je n'ai pas envie que ce soit la deuxième option. Vraiment pas.


Lorsque l'arbitre siffle une faute ridicule, je ne tiens plus ma décision d'être muet, je lui crie dessus, ce qui me vaut un regard noir qui m'indique clairement de rester à ma place. Je secoue la tête, marmonnant dans ma barbe et croise mes bras contre mon torse. J'ai le ventre noué, je continue de marcher le long du terrain, de tout analyser. Coline, assise sur un des sièges, fait de même.


Les minutes défilent.


Mon corps se tend.


Le coup de sifflet final résonne dans le gymnase.


Nous avons gagné.

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5 commentaires

signofbee

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Il y a 2 ans

C’est cool de voir juliann sous cet aspect!!!

Hōseki

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Il y a 2 ans

Très bon chapitre !

Sandrine L

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Il y a 2 ans

Le discours de Juliann pour booster l'équipe 😉 Super ils ont gagnés 🤗

julie07

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Il y a 2 ans

C'est cool d'enfin en voir Juliann et son équipe en situation de match!

Dianebrm

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Il y a 2 ans

Yayyyy !!! enfin une victoire punaise
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