Fyctia

— Tu écoutes des conversations privées maintenant ?

— Tu parles sur mon dos à je-ne-sais-qui, je crois que ça me concerne un minimum, surtout quand tu racontes un nombre de conneries impressionnantes à la minute.

— Si tu n'as pas envie qu'on parle de toi, ne donne pas matière à le faire, Juliann.

Le silence se fait dans la chambre, sa mâchoire est plus contractée que jamais. S'il croit m'impressionner, il est tombé sur la mauvaise personne. J'enfonce mes mains dans les poches, un brin arrogant. Je sais que j'ai le dessus sur la situation.

— Tu sais, tu devrais apprendre à te détendre.

— Je suis très détendu, ça ne se voit pas ?

— Pas quand tu gueules sur tes joueurs, non. C'est une nouvelle méthode pédagogique ? Je t'en prie, éclaire-moi sur le sujet.

— Va te faire foutre, crache-t-il.

Un regard vers le bas m'indique que ses doigts tremblent légèrement. C'est presque imperceptible et pourtant c'est bien là. Ses poings se serrent d'un coup, mais il tremble toujours. Est-ce la colère qui lui faire perdre ses moyens, ou un autre sentiment ? Ce mec est vraiment trop étrange.

— Avec plaisir. Tu te portes volontaire ?

— Je ne te touche même pas avec un bâton, Axel.

Ses mots ne semblent pas en accord avec ses pensées. Pas du tout même, si j'en crois ses yeux qui vacillent légèrement, qui glissent sur mon visage avant de revenir sur mes pupilles.

— Tant d'amour, c'est presque mignon, je souffle pour le déstabiliser.

Juliann prend une brusque inspiration et se détourne. Ma main part d'elle-même et agrippe son bras. Non, il ne va certainement pas fuir, c'est beaucoup trop facile.

— Tu restes là, je reprends, tout amusement ayant disparu.

Il s'apprête à protester mais je le coupe.

— À ton âge, je pense que tu peux te comporter comme un adulte, non ? Alors tes colères, ton manque de respect et ta mauvaise humeur tu peux les ranger dans un coin. On est tous venus ici pour passer un bon moment, pour jouer au sport qu'on aime et pour l'instant le seul fauteur de troubles, c'est toi.

— Putain mais pour qui tu te...

— Ferme-là. Je ne sais pas ce que fou ton équipe à ne pas oser te dire tes quatre vérités mais moi je ne suis personne, je me fous de ce que tu peux penser, je me fous que la vérité te blesse. Arrête de cacher ton comportement de merde derrière la mort de ton père.

Juliann se défait violemment de ma poigne.

— Ne parle pas de mon père, me prévient-il d’une voix grave.

Je n’avais besoin que d’une confirmation de sa part et il vient de me la donner. Son air s’est fait plus dur à la seconde où j’ai mentionné l’homme qui l’a élevé.

— Je ne manquerais pas de respect à l’homme qui a sans doute été le plus doué de sa génération. Mais il doit avoir honte de ce que son fils devient.

Le coup part tout seul, sans que je ne le vois venir. Je fais bouger ma mâchoire endolorie et porte directement ma main sur cette dernière. D’accord, j’y suis sans doute allé un peu fort.

— Mais qu’est ce qui se passe ?!

La voix affolée de Coline met fin à notre tête à tête et c’est mieux comme ça. Je lui aurai explosé la gueule sans intervention.

 — Il se passe que ce fils de chien vient de me frapper. Un conseil, changez de coach.

J’attrape mon téléphone abandonné sur le lit et quitte sa chambre. Je n’aime pas ce que ça signifie, je ne veux pas qu’il pense avoir gagné, ce n’est pas le cas. Je n’ai juste pas le temps de m’amuser à frapper un pauvre mec paumé devant sa meilleure amie. J’ai d’autres choses à faire.

Je trouve refuge dans la chambre de Mathias qui m’accueille sans poser la moindre question. C’est ce que j’adore avec mon meilleur ami. Il ne me force pas à parler, il attend que ca vienne de moi. Pour le coup, je ne saurais même pas quoi lui dire. Ouais, j’ai peut être cherché le coup mais de nous deux, c’est lui l’emmerdeur de service qui trimballe son aura de merde partout dans la maison depuis deux jours.

La tête sur les cuisses de Mathias, je fixe le plafond. Puis merde, pourquoi je ne l’ignore pas tout simplement ? Pourquoi je m’entête à essayer de lui rentrer dedans, de le faire parler ? L’ignorance est la meilleure des réponses, c’est ce que mes mères m’ont répétées toute mon enfance.

Je lève mon téléphone au dessus de ma tête pour leur envoyer un message et les rassurer. J’évite évidemment de mentionner la fin de ma discussion avec Juliann. Elles ne supportent pas la violence, ne m’ont jamais élevé comme ça. Les poings, dans les poches. Pas dans le visage de mes camarades, même quand dans la cour d’école, j’entendais sans cesse que mes mères étaient des sales gouines.

Un frisson d’effroi me parcourt.

— Juliann est un connard, je lâche sans prévenir.

Mathias baisse son livre pour me regarder. Moi, je fixe toujours le plafond.

— Ne te rends pas malade pour un type que tu ne verras plus après le tournoi.

— Ouais, je vais essayer.

Mes doigts frôlent ma mâchoire. Georges va devenir fou quand il va voir la trace sur mon visage, mais il est hors de question que je lui donne une explication.

— Ça va aller mon pote.

Cinq petits mots que je me répète lorsque que je suis contraint de rejoindre ma chambre. Heureusement, Juliann n'est plus là.