Fyctia
3.2 — Juliann
L'entraînement se déroule sans heurt pendant une heure. Les exercices s'enchaînent avec une fluidité à laquelle je ne suis plus habitué, les joueurs m'écoutent et restent sérieux même sur la fin quand la fatigue se ressent. La fin de notre temps alloué dans le gymnase sonne la libération, nous restons seuls avec Coline pour ranger le matériel tandis que les gars prennent une douche rapide et se changent dans les vestiaires.
— J'avais oublié qu'on pouvait s'entraîner dans une si bonne ambiance, me glisse Coline en refermant le filet qui contient les ballons.
— Moi aussi. Ils sont doux comme des agneaux.
Nous échangeons un sourire complice, je parviens même à lire dans ses yeux qu'elle est heureuse de me voir aussi détendu. C'est plus facile d'être calme quand ils le sont aussi.
— Ne crois pas que tout est oublié. On veut simplement que tout se passe bien avant que tu dégages à notre retour à Montpellier.
Ethan est vraisemblablement le premier à avoir quitté le vestiaire. Les cheveux mouillés, son sac sur l'épaule, il me fixe avec toute la haine qu'il éprouve envers moi. Un mélange de jalousie parce que je suis proche de Coline, et de rancœur pour ne pas savoir les mener aussi haut que mon père l'a fait à l'époque. Je lance un regard à ma meilleure amie, qui me supplie silencieusement de ne pas partir au quart de tour. J'ai dit que je prendrais sur moi et c'est ce que je vais faire.
— Hier, j'ai demandé à ce qu'on y mette chacun du nôtre et tu n'as pas protesté. J'aimerais savoir pourquoi tu cherches à ce que je te cries dessus aujourd'hui ?
Même moi, je m'impressionne sur le coup. Il y a encore une semaine, je lui aurais dit d'aller se faire foutre et je serais parti. Avoir été leur coéquipier avant leur coach, ça ne s'oublie pas et je suis parfois trop familier dans mes réactions.
— Je vois que tu fanfaronnes et ça m'énerve. C'est nous qui voulons bien nous plier à tes règles, pas toi qui est soudainement devenu le meilleur coach du monde.
— Ethan, préviens Coline.
— Écoute ta petite-amie Ethan, j'ajoute.
Il s'avance vers moi d'un air menaçant, à deux doigts de me mettre son poing dans la figure. Être poli ne semble de toute évidence pas fonctionner avec Ethan. Nous ne sommes que tous les trois, je peux donc me permettre d'avancer à mon tour et de hausser légèrement le ton.
— Je te conseille tout de suite de te calmer, c'est clair ? Je reste ton entraîneur, tu dois m'écouter et la fermer, point barre. Tes caprices de star alors que tu es un putain de bon joueur commencent à m'énerver. Maintenant, tu arrêtes avec tes remarques, contente toi d'être heureux que je n'ai gueulé sur personne aujourd'hui !
— Dis donc, sympa l'ambiance ici !
Génial, il ne manquait plus que ça. Je n'ai pas entendu la porte du gymnase s'ouvrir et résultat, je viens de me donner en spectacle devant l'équipe de Nice, Axel aux premières loges. Je me demande de quoi nous avons l'air avec Ethan, à nous affronter comme deux coqs, nos regards indissociables. Les nerfs en pelote, je récupère mon sac et fonce vers la sortie. Il faut que je reprenne le dessus sur mes émotions, maintenant, et loin de tout ce monde. Je ne veux pas qu'on me voit ainsi.
J'entends Coline m'appeler, je l'ignore. Elle sait que ça ira mieux dans quinze minutes, peut-être une heure ou deux. Mes poings sont serrés au fond de mes poches, je sens à peine le froid qui agresse la peau sensible de mon visage. Être seul avec moi-même, c'est la seule solution que j'ai trouvé pour retrouver mon calme, pour redescendre la colère qui monte trop haut, trop fort. Les remarques d'Ethan et une équipe entière qui me regarde gueuler sur un de mes joueurs... C'est trop.
Les mètres qui me sépare du chalet sont vite avalés, je suis soulagé de savoir que dans mon malheur, j'ai la chambre pour moi seul pendant une bonne heure, pas d'Axel en vu. La porte fermée à clé, j'abandonne mes affaires au sol et m'assois sur le lit, mon dos appuyé contre le mur et mes genoux ramenés contre mon torse. Je prends le temps de respirer, les yeux clos, et de penser à ce qui me fait le plus de bien au monde. Les souvenirs que j'ai avec mon père.
Des images de moi enfant, jouant avec mon père au volley me reviennent. Je revois son large sourire, ses cheveux qu'il n'aimait pas couper tombant devant ses yeux et moi, tellement petit face à ce géant. Je le regardais avec des étoiles dans les yeux, avec la détermination d'atteindre son niveau un jour. Devenir un grand joueur, puis un grand entraîneur. Mon cœur se serre brutalement. Je n'ai réussi ni l'un, ni l'autre.
Plusieurs larmes s'échappent de mes yeux, j'ai laissé mes pensées s'échapper et je me maudis. J'oublie la première méthode et m'oblige à me concentrer sur ma respiration. Inspire, expire. Inspire, expire. Mon corps cesse de trembler peu à peu, je suis capable de me pencher et de mettre mon casque sur mes oreilles. Je me glisse sous la couette et me recouvre entièrement. Dans le noir, coupé du monde grâce à la voix de Tommy, je chasse les dernières traces de colère et de tristesse pour repartir à zéro, jusqu'à la prochaine crise. Ça passe toujours. Il faut du temps, mais ça passe toujours.
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Bon... Relation très compliquée entre Juliann et Ethan, n'est-ce pas ? 😅
10 commentaires
signofbee
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Il y a 2 ans
lectureetpaillette
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans
Pat_de_Verre
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Il y a 2 ans
JLC
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans
MarionBtk
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Il y a 2 ans
Hōseki
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Il y a 2 ans
Dianebrm
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Il y a 2 ans
leaspreux
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Il y a 2 ans