leaspreux L'ombre de tes peines 1.1 — Juliann

1.1 — Juliann

Vendredi 3 décembre 2021



If you're feeling lonely and you're feeling far away

(Si tu te sens seul et que tu te sens loin)

That don't define who you are

(Ça ne définit pas qui tu es)



La voix de Tommy, le chanteur d'Only the Poets, m'enveloppe d'un cocon protecteur. Ces derniers temps, si j'avais pu vivre avec des écouteurs dans les oreilles à écouter en boucle les musiques de ce groupe, je suis certain que les moments compliqués auraient été plus simples à affronter. À la place, j'ai du tout supporter sans la moindre bande son, subir les remontrances comme un gosse de douze ans, les avertissements qui se mélangeaient à la petite voix dans ma tête. Ce trajet, c'est le seul moment que j'aurai seul avec les notes de guitares avant deux semaines. Je sais que je m'accorderai des minutes loin du groupe, mais ça ne sera pas pareil.


La météo du jour s'accorde parfaitement avec la mélodie mélancolique. Des gouttes s'échouent avec violence sur les vitres du car et, dans un soupir, je ne cesse de me dire qu'il aurait pu neiger avec dix degrés de moins. Notre arrivée en Savoie aurait été mémorable pour des purs montpelliérains comme nous. Découvrir les montagnes enneigées, un manteau blanc sur la ville, peut-être que cela aurait adouci l'équipe, plutôt que de découvrir des nuages coincés à basse altitude et la nuit déjà bien installée à dix-huit heures à peine.


Seule preuve de notre arrivée imminente à Annecy, le lac que nous distinguons dans la pénombre. Il semble immense, et j'ai vraiment hâte de me dégager du temps libre pour visiter les alentours. Le travail avant tout, l'équipe avant tout, mais mon côté curieux s'en voudrait de ne pas faire quelques balades pour admirer les paysages.


Un coup de coude me sort de ma contemplation. À contre cœur, j'abandonne Tommy en retirant mon casque et le laisse reposer sur ma nuque.


— C'est beau, n'est-ce pas ? me dit la fille à mes côtés. Nous serons au chalet dans cinq minutes, l'autre équipe est déjà sur place si j'en crois les messages WhatsApp.


Trop absorbé par mes derniers instants de calme, je n'ai pas fait attention aux vibrations émanant de mon téléphone. En effet, plusieurs notifications s'affichent lorsque j'allume l'écran, qui finit par s'éteindre de lui même au bout de trois secondes.


— Il n'y avait pas d'heure d'arrivée définie, je tiens bon de préciser, soudainement agacé.


Nous avons tous des vies différentes, nous avons mis un moments à nous décider sur une heure de départ qui convenait à tout le monde et, même en faisant cet effort, il y avait des retardataires. Jouer dans un club qui évolue en nationale n'est pas la priorité de mes joueurs qui ont une vie de famille, un travail prenant. Bloquer deux semaines dans leur emploi du temps juste avant Noël a déjà été compliqué pour eux à accepter, je ne pouvais pas leur passer un savon pour avoir oublié l'heure. Ils me détestent assez comme ça.


— Je sais, c'était une simple constatation. Respire Juliann, tout va bien se passer.


Le sourire de Coline qui m'apaise d'ordinaire, n'a pas d'effet aujourd'hui. Comment pourrais-je être serein ? Ce tournoi, c'est celui de la dernière chance, celui où je dois faire mes preuves si je ne souhaite pas me retrouver au chômage dans quelques mois. Le comité veut des résultats et, pour avoir des résultats, il faut déjà que les liens avec mes anciens coéquipiers se resserrent. Je compte sur ce voyage pour réparer les dégâts causés. Ils ne sont pas tous irréversibles, j'en ai l'espoir.


Le car ralenti son allure jusqu'à s'arrêter au fond d'une allée, signe que notre voyage prend fin. Mes jambes sont engourdies, j'attends mon tour pour descendre les marches et resserre les pans de mon manteau. La pluie est toujours présente mais moins forte, nous pouvons récupérer nos affaires dans la soute sans nous presser. Étant le premier à prendre ma valise, je peux examiner notre résidence pour nos quinze prochains jours. Un chalet typique de montagne qui en impose, entouré d'immenses sapins. On ne peut pas dire que les organisateurs du tournoi se soient moqués de nous, et j'apprécie ne pas me retrouver entassé avec mes joueurs.


Ces derniers émettent des sifflements en découvrant le chalet. Ils se mettent à discuter, comme s'ils étaient finalement heureux d'être là. À défaut d'apprécier leur coach, ils s'apprécient entre eux.


Ils m'appréciaient, avant.


Je chasse cette pensée en élevant la voix. Il est temps de reprendre mon rôle.


— Bien, voici l'endroit où nous allons vivre pendant les deux semaines que durent le tournoi. Le complexe sportif où auront lieu les matchs se situe à quinze minutes en car, le gymnase où nous nous entraînerons est à dix minutes de marche, de quoi commencer l'échauffement.


Je marque une pause, mon regard passant sur chacune des personnes devant moi. Je m'attendais à des protestations pour la marche, mais il faut croire que je les sous estime. Coline m'enjoint à continuer avec un de ses sourires.


— Nous le partageons avec les autres équipes du tournoi, je reprends. Le planning des entraînements a déjà été établi et envoyé sur le groupe WhatsApp. Je compte sur vous afin d'en prendre connaissance. Concernant le chalet, nous partageons le notre avec l'équipe de Nice. Ils sont neufs joueurs, ainsi que l'entraîneur et l'entraîneur adjoint. Je compte sur vous pour que tout se passe bien, même si j'ai conscience que vous avez passé l'âge des chamailleries.

— Parle pour toi.


Mon libéro vient d'élever la voix. Il me fixe sans sourciller, une attitude banale chez lui. Toujours à chercher le conflit.


— Il n'est pas question d'interdits, c'est un tournoi caritatif et sans doute que pour les autres clubs, il n'y a que l'argent récolté pour Noël jaune qui compte. Pas pour nous.


Coline se sépare du groupe pour se mettre à mes côtés, un soutien qui me décrispe. J'essaie toujours de trouver les bons mots, ni trop sévères, ni trop laxistes, pour que tout se passe au mieux. Savoir qu'elle est près de moi, qu'elle peut intervenir à tout moment m'aide beaucoup.


— J'ai ma part de responsabilité, j'en ai conscience. Mais je souhaite que ce soit clair pour tout le monde, je tiens à vous, à cette équipe. L'unique chose que je désire est de vous ramener au meilleur niveau, ce qui ne sera possible que si nous y mettons chacun du nôtre. Maintenant, si votre choix est de passer votre temps à provoquer des disputes, me blâmer, le car n'est pas encore reparti. Je veux avancer avec des personnes qui souhaitent le faire tout autant que moi.


Silencieux, mes joueurs s'échangent des regards lourds de sens. Aucun d'entre eux n'ose parler après mon discours, ce qui est rassurant. Je veux bien donner tout ce que j'ai, mais pas dans le vent. Il en est hors de question.


Esteban baisse enfin les yeux. J'ai gagné cette manche.

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11 commentaires

signofbee

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Il y a 2 ans

Très bon début !!

lectureetpaillette

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Il y a 2 ans

Cette ambiance volley-ball j’aime 🥰

Dianebrm

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Il y a 2 ans

J’adore déjà 🥰

Hōseki

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Il y a 2 ans

Hâte de voir la suite :)

Sonnydiary

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Il y a 2 ans

Bon début :D

MarionBtk

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Il y a 2 ans

Ça promet une bonne ambiance 😬 hâte de lire la suite!

MYRIAM LECENE

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Il y a 2 ans

J adore , hâte de voir la suite 🥰

MYRIAM LECENE

-

Il y a 2 ans

J adore , hâte de voir la suite 🥰

Amélie C. Astier

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Il y a 2 ans

Un premier chapitre sympathique ! Je suis curieuse d'en savoir plus prochainement. L'idée du volleyball change. Bon courage dans l'écriture.

leaspreux

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Il y a 2 ans

Merci beaucoup !🥰
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