Fyctia
Chapitre 4 - 3e partie
Je réalisais aussitôt quel piteux spectacle je devais présenter : rouge, échevelée, pieds-nus, essoufflée…. C’était bien la peine de passer une heure à choisir une tenue !
Sans se démonter, Louis ramassa la balle et me la tendit, souriant :
- C’est à vous je crois ?
- Oui, merci, répondis-je dans un souffle.
J’hésitais. Fallait-il poursuivre ma chance en reprenant une conversation avec lui ? Ou retourner jouer avec les enfants et profiter un moment encore d’une insouciance pure et si rare dans ma vie ?
L’annonce du début du repas par le maitre de maison m’évita d’avoir à trancher. Mais me plongea aussitôt dans une angoisse terrible : où m’asseoir ? Près de mes collègues ? A une table au hasard ? Pourquoi pas la table des enfants ? Et si… Et si pour une fois j’osais ? Et si je demandais à Louis de s’asseoir ensemble ?
Mais il me devança :
- Me ferez-vous le plaisir de m’accorder votre compagnie pour le repas ?
- Oui, certainement, répondis-je en sentant un sourire franc naitre sur mon visage.
- Merveilleux. Peut-être pouvons-nous nous tutoyer ?
- Avec plaisir.
- Ouf ! lança-t-il. J’étais très formel jusqu’à présent. J’adore jouer un rôle et celui de serveur guindé avec son bon de commande me plaisait jusqu’à maintenant. Mais si tu veux bien, je préfère être naturel pour le reste de la soirée.
Le reste de la soirée. J’en garde un souvenir flou. Nous avons mangé, certainement. Mais je ne me souviens absolument pas de ce qui est passé dans mon assiette. Nous avons parlé. Ça, j’en ai la certitude. Nous avons même beaucoup parlé. De tout, de rien, de nous. De nos vies, de nos habitudes, de nos rêves, de nos envies. Et plus nous parlions, plus il me semblait plonger en plein rêve. Au point que je me pinçais discrètement le bras pour en être sûre : j’étais bien éveillée.
Et pourtant, ce que je vivais là, c’était impossible. C’était une rencontre comme on les voit dans des contes de fées. Le coup de foudre, l’amour au premier regard, la compatibilité parfaite, ça n’existe que dans les films. Ou les romans.
Mais plus la soirée avançait, plus je doutais que mon sentiment soit partagé. Je me sentais tomber de plus en plus amoureuse de Louis. Sans savoir ce que lui ressentait en réalité. Je voulais croire que l’attirance était mutuelle. Après tout, nous parlions depuis plusieurs heures et il n’avait pas semblé se lasser. Il n’avait pas cherché à s’éloigner alors qu’il aurait pu. Les prétextes ne manquaient pas. Mais il n’avait pas non plus initié de rapprochement. Ni même laissé entendre qu’il puisse y avoir un quelconque demain.
La soirée se terminait. Les invités commençaient à rentrer chez eux. Et j’étais toujours perplexe. Je ne savais pas quelles étaient les intentions de mon chevalier servant. La conversation nourrie que nous avions eue jusqu’alors s’interrompit quand un de ses amis vint le saluer avant de partir. Puis, brusquement, Louis s’excusa, se leva et entra dans la maison.
Et voilà. L’oiseau s’est envolé. Dépitée, je ravalais mes sentiments, mes espoirs et mes larmes et décidais de rassembler mes affaires pour partir.
Je venais de mettre la main sur mon deuxième escarpin quand Louis revint vers moi :
- A cette heure-ci il n’y a plus de RER. J’ai réservé un Uber. Je crois qu’on n’habite pas trop loin, tu veux qu’on partage la course ?
Mon espoir remonta en flèche. Au milieu des autres invités, il n’avait peut-être pas osé. Mais seuls dans une voiture, peut-être dévoilerait-il ses intentions ?
J’en fus pour mes frais. Nous demeurâmes étonnamment silencieux durant le trajet. Pour autant, je ressentais avec une nette intensité nos deux mains, posées sur la banquette arrière, à quelques centimètres l’une de l’autre. Quelques centimètres qui contenaient un monde de possibilités, de promesses, d’espoirs. Quelques centimètres que nous pourrions franchir en une fraction de secondes mais qui semblaient aussi inatteignables que l’Everest. Quelques centimètres que nous respectâmes tous deux avec une constance étonnante au vu de nos échanges passionnés durant la soirée.
J’avais donné mon adresse en premier au chauffeur. Nous arrivâmes donc bien trop tôt devant le vieil immeuble défraichi que je n’avais jamais autant détesté que ce soir. J’aurais souhaité me trouver n’importe où, mais pas là. Pas déjà. Pas sans savoir s’il y avait un espoir. Pour autant, je ne dis rien. Je ne tentais rien. Je ne voulais pas m’accrocher à du vide.
Et puis… avant que je n’ouvre la porte, Louis se pencha vers moi :
- Au fait, je pourrais avoir ton numéro ?
Le cœur battant la chamade, bénissant l’obscurité qui l’empêchait de voir mes joues en feu et contrôlant tant bien que mal les tremblements de ma voix, je le lui dictais.
- Merci, dit-il. Comme ça, je te recontacte pour qu’on partage le prix du trajet.
Ma bulle éclata brusquement. Je pris congé aussi rapidement que possible et montait d’un pas titubant jusque dans ma chambre. Là, je m’écroulais sur mon lit et m’autorisais à sombrer dans le désespoir. Et dans le sommeil.
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User190757
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Il y a 3 ans
Mira Perry
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Il y a 3 ans
izoubooks
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Soleil7
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Aurélie M
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Ellover
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iris monroe
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Soleil7
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Il y a 3 ans