Fyctia

6 ans plus tôt.

Le crissement des freins fait place au brouhaha joyeux des retrouvailles sur le quai de la gare. Mais moi, personne ne m'attend… pour l'instant.

Je suis heureuse. Je viens d'arriver dans ma nouvelle ville. J'ai vingt et un ans et ma vie commence.

La tristesse et le remord d'avoir laissé mes parents derrière moi est loin, bien plus loin que cette enfance qu'il me semble quitter pour la première fois aujourd'hui.

Je me sens devenir une, pleine, moi. J'existe, je sens, je vis. Je goûte chaque instant de cette nouvelle vie. Libre, libérée de ce qui m'attachait lourdement au sol, j'ouvre enfin mes ailes et rejoint de nouveaux horizons.

Toutes mes affaires tiennent dans deux immenses valises et un sac de randonnée. Mais qu'importe. Je ne suis pas sans ressources. J'ai un boulot qui m'attend. Et j'ai même eu la chance de trouver une chambre encore libre dans une coloc, et dans mon budget qui plus est !

La vie est belle, non ? Spoiler alert : non. Elle en donne parfois l'illusion. Mais c'est une vraie garce. Leçon numéro un.

Flottant sur mon petit nuage de bonheur, je ne sens (presque) pas le poids de mes bagages. Le trajet entre la gare et la coloc me semble très court, bien qu'il me faille traverser plus de la moitié de la ville. Elle a l'air magnifique d'ailleurs. Surtout ensoleillée comme aujourd'hui. J'ai hâte de pouvoir la découvrir et faire du shopping ! Moi qui ai toujours vécu dans une petite ville de banlieue, ça va me changer d'être dans la capitale.

Le bâtiment et l'appartement ont le charme de l'ancien - comprendre : sont vieux, à la limite de la décrépitude et remplis de courants d'air. Et mes colocataires ont des personnalités colorées et originales - vous avez compris je pense.

Mais rien, absolument rien n'entache mon bonheur tout neuf. Enfin, j'ai pris mon envol. Je vais réaliser mes rêves. Je sais que j'en ai la force et la volonté.

Et puis, je suis plutôt bien partie. Je n'ai pas encore vingt-cinq ans et j'ai déjà un diplôme, un poste et un appart - bon, ok, une coloc. Mais dès que j'aurais mis de l'argent de côté, j'aurais mon appartement, c'est promis.

Pour ne rien gâcher, je suis éducatrice spécialisée, ce qui devrait me garantir un travail loin des bureaux, à aider des enfants et des jeunes à grandir. J'adore me sentir utile. Je ne pourrais pas faire un travail dénué de sens. Mon premier poste commence demain. J'ai hâte.

Il ne manque qu'une chose dans mon tableau idyllique : l'Amour - j'aurais pu dire : "un mec", mais je n'y peux rien, je suis une grande romantique. Donc je ne cherche ni plus ni moins que LA relation rêvée. Coup de foudre, mariage, happily everafter.

Mais ça viendra. J'ai confiance. IL viendra.

Après tout, Paris, c'est la ville de l'amour, non ?