Fyctia
Battement d'aile (3/3)
- Si je comprends bien, tu souffres du syndrome du mouton curieux.
- C'est quoi ça ?
- C'est quand tu veux aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs au lieu de cultiver ton propre jardin, et que tu te sens emprisonné entre quatre murs.
- Oui c'est un peu ça... D'ailleurs j'ai fait un rêve étrange l'autre jour : le voisin venait de tondre la pelouse, je sentais l'odeur de l'herbe verte à travers la haie et j'avais bien envie de m'y faufiler, mais c'était impossible sans m'écorcher les bras et les jambes.
- Et qu'est-ce que tu as fait ?
- Comment ça ?
- Dans ton rêve ?
- J'ai essayé de passer mais une fois de la haie ça me piquait de partout et j'ai fait demi-tour.
- Et tu t'es retrouvé au point de départ, pas plus avancé, frustré, et avec des bobos en plus.
- Exactement.
- Et tu en tires quoi, comme leçon ?
- Euh... y'a une leçon à tirer de ça ?
- Si tu décides de faire quelque chose où tu sais ce que tu vas y laisser des plumes, il faut arriver à passer outre la douleur et aller jusqu'au bout. Si tu le fais qu'à moitié, tu auras juste la douleur sans la satisfaction du résultat. Cette haie, c'est ton histoire de couple. Et ton demi-tour une fois au milieu de la haie...
- C'est mon manque de courage et de décision... Putain, j'ai un ami philosophe et j'étais pas au courant !
- Souvent Jimmy, trop souvent, le manque de courage nous fait prendre (ou ne pas prendre, d'ailleurs) des décisions que l'on regrette ensuite. J'ai l'impression que c'est ton cas... Oser prendre des décisions difficiles, c'est très dur. Mais une fois que tu l'as fait, tu te sens libéré. Tandis que si tu hésites, si tu ne fais rien, la vie se chargera de prendre les décisions pour toi. Il faut que tu choisisses, un point c'est tout. Aies le courage d'écouter ton coeur, ton âme, ta conscience... Peut-être que c'est ça qu'il te manque : du courage ?
- Je crois que tu viens de mettre le doigt là où ça fait mal. En effet, c'est ça qui me manque. Et peut-être aussi un peu de self-estime.
- Le monde actuel est plein de couards, si ça peut te consoler...
- Euh... non, pas vraiment...
- Je m'explique : Il y a ceux qui ont peur de tomber amoureux, ceux qui ont peur de souffrir, ceux qui préfèrent les relations d'un soir ou sans compromis - vides de sens, finalement. Ça fait du monde !
- La seule crainte que j'ai, c'est de la faire souffrir, elle.
- C'est pas ton problème.
Il a dit ça d'un ton péremptoire, interdisant toute contradiction, laissant Jimmy interloqué.
- C'est pas mon problème !?
- Non.
- Comment ça, non ?
- Si elle souffre parce que tu veux te séparer d'elle, c'est triste. Mais tu la feras encore plus souffrir si tu restes avec elle sans l'aimer, parce que tu lui voleras un temps précieux, qu'elle pourrait utiliser pour faire le deuil de votre relation, se consoler et refaire sa vie. Même si cela paraît altruiste de ta part, décider de rester avec elle parce qu'elle t'aime est injuste envers elle. Je suis désolé de te dire ça, mon pote, mais je crois qu'il faut que tu arrêtes de te faire des illusions : ton couple bat de l'aile depuis trop longtemps. Il faut que tu lui annonces la couleur, que tu acceptes les pleurs, les cris, les reproches, toutes les douleurs liées à la séparation. Mais il faut que tu lui rendes sa liberté - et que tu retrouves la tienne. Mieux vaut qu'elle aies très mal maintenant, ça sert à rien de reculer pour mieux sauter et la faire souffrir pareil dans cinq ans ou dix ans.
- Putain t'as raison... T'es vachement bien comme psy, tu sais ?
- Ça sera 200 euros !
- Tu sais quoi ? Je vais t'offrir une bouteille de cognac, ça ira ?
- Comme tu voudras. Mais j'avais pas fini.
- Vas-y, je t'écoute.
- As-tu songé que peut-être, en restant avec elle pour ne pas la faire souffrir, tu empêches que quelqu'un d'autre arrive dans sa vie qui l'aime vraiment ?
- Attends, dis pas ça : je l'ai vraiment aimée, et je l'aime toujours un peu quand même !
- Faut savoir... tu l'aimes, ou tu l'aimes pas ?
Jimmy prend sa tête dans ses mains, s'effondre à moitié sur le comptoir. Quand il relève la tête, c'est les yeux humides, la voix altérée :
- Je suis complètement perdu... Tous les jours, elle me dit qu'elle m'aime et que je suis l'homme de sa vie. Tous les jours, tu comprends ? Comment je peux la quitter, putain ?
- Et qui te dit que c'est la vérité ?
- Je sais qu'elle m'aime à cause de ses caresses, de ses baisers qu'elle continue de vouloir me donner comme au premier jour.
- Et toi, tu te prives pas de les recevoir ! T'en profites bien quand même, tiens !
- Des fois, oui. D'autres fois, j'ai pas envie mais j'ai pas le coeur à la repousser...
- C'est pas honnête de ta part, là. C'est facile de dire que tu l'aimes plus, tout en continuant à vous embrasser et vous faire des câlins. Si vraiment tu l'aimes plus, faut que tu arrêtes ça, parce que là, tu lui envoies des signaux contradictoires. Si tu agis comme ça, elle doit penser que tu l'aimes comme au premier jour...
- C'est horrible ce que je vais dire, mais je réponds à ses baisers et caresses par habitude, sans en avoir envie. Est-ce que c'est à cause de la longueur de notre relation ? Peut-être... Mais comme je te l'ai dit, j'ai toujours beaucoup d'affection pour elle.
Ben se met à trépigner d'impatience :
- Tu sais, je commence à en avoir marre de cette conversation. J'ai l'impression qu'on tourne en rond et que tu changes d'avis comme de caleçon. Tu veux quoi, Jimmy ?
- Je sais, je sais pas...
- Il faut que tu prennes ton courage à deux mains et que tu prennes une décision, une fois pour toute. Et c'est à toi de le faire. Parce que dans cette histoire, c'est toi qui te sens mal à l'aise dans cette relation, pas elle. Alors c'est toi qui dois changer, pas elle. Et que ça lui plaise ou pas, c'est un autre problème - ça ne devrait même pas influencer ta décision. Mais t'es un adulte, bordel ! Tu dois être responsable de ta vie et de tes sentiments. Et là, j'ai un peu l'impression que tu attends un signal, ou que quelque chose tombe du ciel qui fasse changer les choses comme par miracle - ou pire encore : que ce soit elle qui se rende compte que quelque chose ne va pas entre vous et qu'elle décide de te dégager. Ça marche pas comme ça, mon vieux !
Les deux hommes se taisent.
- Merci. Je crois que tu as raison. Faut que je prenne mes responsabilités.
- Content d'avoir servi à quelque chose. Qu'est-ce que tu vas faire alors ?
- Je vais nous donner une dernière chance. Trouver un moyen de retomber amoureux d'elle. Lui parler, essayer de lui expliquer ce qui m'arrive. Je vais faire tout ce que je peux. Si ça marche, super ! Et si ça marche pas, au moins j'aurais essayé. Et j'aurais plus qu'à accepter le fait que si elle souffre : comme tu as dit, ce ne sera plus mon problème. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on peut pas continuer comme ça, dans cette sorte de mensonge que je suis en train de vivre.
- Voilà !... Et pour ce soir, il ne nous reste plus qu'une chose à faire.
- Quoi donc ?
- Noyer tes idées noires dans le cognac !
9 commentaires
FleurDelatour
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans
Lyaminh
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans
nanie
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans